Des solos de batterie dans la jungle : comment les chimpanzés changent notre vision de la musique

Une nouvelle étude sur les chimpanzés montre qu’ils tambourinent pour se transmettre des informations. Leurs percussions partagent des propriétés rythmiques avec la musique humaine, suggérant une origine bien plus ancienne de la musique qu’on ne le pensait.

« Les chimpanzés sauvages tambourinent avec rythme et que le tambourinage des chimpanzés partage certaines propriétés rythmiques avec la musique humaine ». Voilà, en quelques mots, la substance d’une étude récente. Même si les chercheurs savent depuis longtemps que nos ancêtres jouaient de la musique, ils ont toujours eu de mal à dater cette information.

Aujourd’hui, cette nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université St Andrews portant sur les chimpanzés va peut-être venir apporter un début de réponse. Elle a été publiée le 9 mai 2025 dans la revue Current Biology.

Les percussions étaient présentes avant les humains

« Faire de la musique est un élément fondamental de l’être humain, mais nous ignorons depuis combien de temps nous en faisons », explique la professeure et co-responsable de l’étude, Catherine Hobaiter et dans le communiqué de l’Université. « Montrer que les chimpanzés partagent certaines des propriétés fondamentales du rythme musical humain dans leur jeu de tambour est une étape passionnante pour comprendre quand et comment nous avons développé cette compétence. Nos résultats suggèrent que notre capacité à jouer du tambour de manière rythmique pourrait exister bien avant l’humanité. »

Par des recherches précédentes (comme une étude publiée en 2022), les scientifiques savaient déjà que « chaque chimpanzé a son propre style de percussion unique et que la percussion aide à tenir les autres membres de leur groupe informés de l’endroit où ils se trouvent et de ce qu’ils font ».

Ici, leur but était donc de savoir si :

il y a des différences dans les styles de percussions entre les groupes de chimpanzés
les percussions étaient rythmiques, comme chez les humains.

Pour cela, ils ont étudié les données sur les percussions de chimpanzés d’Afrique de 11 communautés de 6 populations différentes venant de l’ouest et de l’est de l’Afrique. « Cette étude est un excellent exemple de collaboration scientifique », souligne le professeur Hobaiter. « Il a fallu des décennies de travail aux équipes de chaque site d’observation des chimpanzés pour collecter ces tambours. Ensemble, cela représente plus d’un siècle d’efforts pour constituer cet ensemble de données »

Le rythme des chimpanzés, très proche de celui des humains

Les résultats sont étonnants et diffèrent en fonction de la région d’Afrique d’où viennent les chimpanzés :

En Afrique de l’Ouest : Comme les humains, les chimpanzés tambourinent de façon isochrone donc les sons sont séparés par un intervalle de temps régulier. Le rythme de tambour est plus rapide aussi.
En Afrique de l’Est : les chimpanzés alternent les intervalles de temps long et court entre les percussions.

« Nous ne nous attendions pas à voir des différences aussi claires de rythme ou à constater que leurs rythmes de batterie partageaient des similitudes aussi claires avec la musique humaine », explique Vesta Eleuteri de l’Université de Vienne, une des autrices principales de l’étude.

Dans de prochaines études, les chercheurs aimeraient comprendre :

Comment les singes coordonnent leurs mains et leurs pieds pour créer des rythmes musicaux
Comment ce rythme influence les comportements sociaux
Comment ils choisissent les arbres qui leur serviront à créer des percussions.

Nul doute cependant que cette étude, même s’il s’agit ici d’un petit pas pour l’être humain, est un grand pas pour comprendre les origines et l’évolution de la musicalité.