L’augmentation des infections liées à une bactérie mortelle alarme le Japon. Les cas les plus graves, s’ils ont un taux de mortalité de 30%, restent cependant très rares, et il existe d’ores et déjà des traitements contre ces infections.

En cette fin mars 2024, une nouvelle inquiétante en provenance Japon fait la une des journaux : une bactérie mortelle, « mangeuse de chair », sévirait dans le pays. Le nombre de cas d’infection au streptocoque de groupe A (ou SGA), le nom de la bactérie responsable, aurait très fortement augmenté depuis l’été 2023 au Japon, si bien que plusieurs départements du pays seraient passés en « alerte rouge ». Ces infections seraient mortelles dans un cas sur trois.

Si ce genre d’articles vous ramène aux premiers jours de la pandémie de Covid-19, vous n’êtes certainement pas les seuls. Cependant, les deux infections ne sont pas du tout similaires : il existe déjà un traitement contre les streptocoques, et ce n’est pas la première fois qu’une recrudescence de la bactérie frappe un pays. Voilà tout ce qu’il faut savoir sur le SGA, ses symptômes, et son traitement.

Qu’est-ce que le streptocoque de groupe A ?

Le streptocoque de groupe A, ou Streptococcus pyogenes, est une bactérie responsable de plusieurs infections, d’après l’Institut Pasteur. Dans la majorité des cas, ces infections sont bénignes (telles que les angines ou les impétigos), mais certaines peuvent également être très sévères, voire mortelles, telles que les syndromes de choc toxique, ou les fasciites nécrosantes.

Ce sont ces deux derniers types d’infections qui inquiètent en ce moment les autorités japonaises. D’après Le Monde, « l’Institut national des maladies contagieuses a recensé 422 cas entre le 1er janvier et le 17 mars. Il en avait dénombré 941 en 2023 », soit une augmentation importante des cas, qui sont d’ordinaire très inhabituels. Ces infections restent cependant toujours très rares par rapport à la population totale.

Quels sont les symptômes ?

Les syndromes de choc toxique et les fasciites nécrosantes sont dans les deux cas des infections invasives très graves qui touchent la peau ou les muscles, et qui peuvent rapidement mener à « une défaillance de plusieurs organes avec notamment une insuffisance rénale aiguë, un syndrome de détresse respiratoire elle aussi aiguë et une coagulation intravasculaire disséminée, anomalie de la coagulation pouvant se traduire par des hémorragies et des thromboses », résume Le Monde. Ces infections sont aussi violentes que rapides, ce qui fait qu’elles ont des taux de mortalité élevés, autour de 30 %, d’après l’Institut Pasteur.

Les premiers symptômes du syndrome du choc toxique sont un état « grippal initial, qui est suivi d’une fièvre élevée, d’une tachycardie [rythme cardiaque trop rapide, ndlr], d’une tachypnée [une respiration rapide, ndlr] et de douleurs intenses », d’après le Manuel Merck. Pour la fasciite nécrosante, les symptômes « débutent par une fièvre et une douleur exquise [très vive et localisée] hors de proportion avec les signes cliniques ; la douleur augmente rapidement avec le temps et est souvent la première (et parfois la seule) manifestation », d’après la même source.

Comment est-ce que le streptocoque A se transmet ?

D’après Santé Publique France, « le SGA est un pathogène strictement humain », c’est-à-dire qu’il ne se transmet pas de l’animal à l’homme, ou de l’homme à l’animal. Seuls les humains peuvent se le transmettre. Le streptocoque A « se transmet par gouttelettes respiratoires et contacts directs (sécrétions nasales, lésions cutanées…) ».

Cependant, la transmission de la bactérie entre deux personnes demande « un contact relativement rapproché », indique Le Monde. La propagation est donc « très rapide au sein d’un foyer », mais moins dans les espaces ouverts. Le Monde explique ainsi qu’en France, « quand un cas est repéré dans une classe par exemple, seuls les contacts directs tels que les partenaires de jeux ou les voisins de cantine sont considérés à risque d’être contaminés. »

Pour se prémunir d’une infection, il est donc important d’adopter certains gestes barrières. Santé Publique France conseille notamment de se laver les mains fréquemment, de porter un masque (notamment pour les personnes atteintes d’infections respiratoires ou particulièrement fragiles), et d’éternuer ou de tousser dans le pli du coude. Il est également important de bien nettoyer et désinfecter les plaies.

Gel hydroalcoolique et masque FFP2 // Source : Pexels
Il est important de se protéger en portant un masque et en se lavant les mains // Source : Pexels

Cependant, d’après les centres américains de contrôle et de prévention des maladies, cités par Le Monde, « pour près de la moitié des personnes atteintes de SCTS [syndromes de choc toxique], les experts ne savent pas comment la bactérie s’est introduite dans l’organisme. Parfois, elle pénètre par des ouvertures, comme une blessure ou une plaie chirurgicale. Elle peut également pénétrer par les muqueuses, à l’intérieur du nez et de la gorge. »

Existe-t-il un traitement contre le streptocoque A ?

Malgré un taux de mortalité élevé, il existe des traitements. « Des antibiotiques, les ß-lactamines, constituent à l’heure actuelle le traitement de référence des infections streptococciques », précise l’Institut Pasteur. Il n’existe cependant pas de vaccins contre ces infections, mais « plusieurs candidats vaccins ont été ou sont développés ».

Pourquoi y a-t-il une recrudescence des cas de streptocoque A ?

Plusieurs études imputent cette soudaine augmentation du nombre de cas à l’épidémie de Covid-19. Premièrement, la décision en mai 2023 de classer le Covid comme une maladie bénigne a entraîné le relâchement des gestes barrières au Japon. Le Monde cite également le ministre de la santé, Keizo Takemi, qui explique que « l’un des facteurs pourrait être la hausse du nombre de patients atteints de pharyngite à streptocoque du groupe A depuis l’été 2023, dans un contexte d’augmentation des infections respiratoires ».

Autre piste : les confinements ont empêché la création d’un système immunitaire fort contre la bactérie. « Il est probable que les enfants n’aient pas été exposés autant qu’à l’habitude à cette bactérie, de sorte que leur système immunitaire n’est sans doute pas aussi performant pour lutter contre celle-ci et qu’ils pourraient y être plus vulnérables », explique The Conversation. En effet, « environ 10 % des enfants d’âge scolaire sont porteurs de cette bactérie dans la gorge et les voies respiratoires supérieures, sans présenter de symptômes, et développent avec le temps une certaine immunité contre le streptocoque A ». Une immunité que certaines enfants n’auraient pas pu construire ces dernières années.

Le Japon n’est d’ailleurs pas le seul pays à connaitre une augmentation dans le nombre de cas de streptocoque A. En décembre 2022, l’Organisation mondiale de la Santé avait ainsi publié un communiqué de presse pour expliquer que « plusieurs pays européens (dont la France, l’Irlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède) ont indiqué une augmentation du nombre de cas de maladies invasives à streptocoques du groupe A chez les enfants de moins de 10 ans. » En France, en 2022, il y avait eu 59 cas chez des enfants, dont six décès.

Dans les années 1980, « des phénomènes épidémiques ont été observés », note également le Centre national de référence de streptocoques. « Ces cas de dermo-hypodermites nécrosantes et syndrome de choc toxique streptococcique d’évolution rapide et fatale ont confirmé la nécessité d’une surveillance des infections à SGA. » Depuis, ces infections sont en effet très suivies.

Un scénario très différent du Covid-19

Si les récents titres de presse peuvent faire penser aux débuts de la pandémie de Covid-19, il s’agit de deux maladies et de deux situations très différentes. Tout d’abord, le Covid-19 est une infection causée par un virus, alors le streptocoque A est une bactérie. Les deux maladies ne sont donc pas soignées de la même façon : comme le rappelle l’OMS, « les antibiotiques ne fonctionnent pas contre les virus », alors qu’ils sont très efficaces contre les bactéries.

Autre différence de taille : le Covid-19 était une nouvelle maladie, pour laquelle il n’y avait pas de traitement et dont on ne connaissait quasiment rien au début de la pandémie. Le streptocoque A est observé depuis longtemps, et un traitement est déjà disponible.

Enfin, le risque de transmission n’est pas le même. Le streptocoque A demande un contact prolongé, alors que le Covid était beaucoup plus facilement transmissible. Certains variants du virus étaient particulièrement contagieux, comme Omicron — ce qui n’est pas le cas pour le streptocoque A.

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