En séquençant de l’ADN environnemental du Groenland, des scientifiques ont pu reconstituer l’écosystème de la région il y a 2 millions d’années. Une prouesse.

L’ADN contient des informations précieuses — parfois sur tout un environnement et les espèces qu’il contient. Et l’avantage, pour les paléontologues, c’est que celui-ci peut être préservé pendant des millions d’années. En plongeant dans ces traces génétiques, on remonte alors dans le passé. C’est ce qu’ont réussi à faire des scientifiques pour une étude publiée le 7 décembre 2022 dans Nature.

Sur un site du Groenland, des chercheurs et chercheuses ont réussi à prélever de l’ADN dans des sédiments, congelés au sein du permafrost. Si anciens, en fait, que ceux-ci datent de 2 millions d’années. L’équipe de recherche a alors séquencé ces trouvailles pour en extraire des informations. Et c’est alors tout un monde qui a émergé de ces données. Un monde d’autant plus étranger qu’à cette époque précise du Groenland la région était plus chaude qu’aujourd’hui.

« Un nouveau chapitre couvrant un million d’années supplémentaires d’histoire a enfin été ouvert et, pour la première fois, nous pouvons examiner directement l’ADN d’un écosystème passé aussi loin dans le temps », s’enthousiasme le chef d’équipe Eske Willerslev. « L’ADN peut se dégrader rapidement, mais nous avons montré que, dans les bonnes circonstances, nous pouvons maintenant remonter plus loin dans le temps que quiconque aurait osé l’imaginer. »

Les mastodontes rôdaient au Groenland

La reconstitution génétique de cet environnement montre une biodiversité très vaste — davantage qu’aujourd’hui. Rennes, lièvres, lemmings, animaux similaires aux cerfs, oies noires vivaient sur les terres du Groenland à cette époque, où l’on trouvait aussi, côté flore, des bouleaux, des épicéas et des peupliers. Plusieurs plantes découvertes dans l’ADN sont incapables de pousser sur du permafrost, un indice précieux pour se représenter cet écosystème.

Les fameux mastodontes étaient également présents — ce qui relève d’une vraie découverte, puisque l’on pensait auparavant que l’aire de répartition de ces animaux (du même ordre que les éléphants et mammouths, mais pas de la famille) ne s’étendait pas jusqu’au Groenland.

Ce ne sont pas des mammouths ni des éléphants, mais des mastodondes ! Ils appartiennent au même ordre, mais pas à la même famille. // Source : Beth Zaikenjpg
Ce ne sont pas des mammouths ni des éléphants, mais des mastodondes ! Ils appartiennent au même ordre, mais pas à la même famille. // Source : Beth Zaikenjpg

S’ajoutent, à la cartographie de ce monde perdu, de nombreux microorganismes unicellulaires (bactéries, champignons). La prochaine étape de ces recherches est d’ailleurs la relation entre tous ces êtres vivants : comment fonctionnait l’interaction biologique entre les animaux, les plantes et les microorganismes ?

Ces travaux ont un intérêt aussi très actuel : c’est la paléoclimatologie. Étudier les climats et écosystèmes passés permet de mieux comprendre le changement climatique actuel causé par l’être humain. Notamment la façon dont les espèces peuvent s’adapter — ou non.


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