Une exoplanète très étrange a été découverte. Aussi grosse que Jupiter, elle fait 8 fois sa masse ! Ce qui ne colle pas du tout avec les modèles sur les formations des planètes et interroge les astronomes.

Même si c’est a priori contre-intuitif, une planète aussi énorme que Jupiter est en réalité relativement légère. Composée de gaz, elle n’a la masse que d’un peu plus de 300 fois la Terre. Ce qui est beaucoup, mais peu finalement, si l’on considère le fait qu’elle a le volume de plus de 1 300 fois notre planète !

D’ailleurs, une grande partie des 5 000 exoplanètes connues sont aussi des géantes de gaz similaires. Pour les quelques-unes dont nous connaissons la masse, elles restent dans le même ordre de grandeur. C’est assez logique, puisque ces planètes sont dénuées de roches et sont très peu denses. Pourtant, une exoplanète nommée HD 114082 b a provoqué un petit séisme dans la communauté scientifique.

Une exoplanète. // Source : ESO/L. Calçada (image recadrée)
Une exoplanète. // Source : ESO/L. Calçada (image recadrée)

Découverte en 2022, HD 114082 b se situe à plus de 310 années-lumière de la Terre et est comparable à Jupiter en termes de taille. Elle s’est formée récemment, il y a à peine 15 millions d’années, ce qui est déjà suffisant pour la rendre intéressante. Mais, l’aspect le plus étonnant est son poids : plus de 8 fois la masse de Jupiter, pour un rayon équivalent.

En théorie, une planète si lourde est impossible

Olga Zakhozhay, du Max Planck Institute en Allemagne, est la principale autrice du papier paru dans Astronomy & Astrophysics le 25 novembre 2022, faisant état de la découverte. La scientifique explique dans le communiqué : « HD 114082 b est beaucoup trop dense pour une jeune géante gazeuse, selon les modèles actuellement acceptés. »

Les modèles en question reposent sur la manière dont se forme ce genre de planètes. Dans notre système solaire, par exemple, Jupiter ou Saturne se seraient bâties sur le principe de l’accrétion. « L’idée générale est qu’il y a un cœur rocheux qui agrège du gaz en grande quantité, raconte à Numerama Anne-Marie Lagrange, directrice de recherche CNRS au LESIA, qui n’a pas participé à l’étude. Mais, même en imaginant un cœur très massif au milieu, il est en théorie impossible d’arriver à ces masses considérables avec seulement ce rayon. »

Cette énigme est avant tout due au fait que nous avons peu d’exemples similaires. Peu d’exoplanètes ont pu être découvertes, comme ici, en utilisant deux méthodes de détection différentes. Les vitesses radiales mesurent les légers mouvements de l’étoile exercés par la gravité de la planète et donnent une estimation de la masse, ou au moins une masse minimale. Le transit est ce qui se produit lorsqu’une planète passe entre son étoile et notre point de vue, et permet d’estimer le rayon. Généralement, une seule de ces deux informations est disponible, mais ici, les données sont présentes sur les deux points.

Vue d'artiste d'une exoplanète en transit devant son étoile. // Source : Wikimedia/CC/ESO/L. Calçada (image recadrée)
Vue d’artiste d’une exoplanète en transit devant son étoile. // Source : Wikimedia/CC/ESO/L. Calçada (image recadrée)

« Dans ces conditions, il y a le risque d’une erreur dans l’observation, nuance Anne-Marie Lagrange. Il se pourrait que la planète visible lors du transit ne soit pas celle qui provoque les vitesses radiales. Il y a toujours une incertitude. »

Deux théories s’affrontent : hot start vs cold start

Il n’empêche que si les observations sont bien réelles, il faudrait revoir les idées préconçues sur les mécanismes qui mènent à la formation de planètes gazeuses. Il en existe plusieurs, différents de ce qui se serait produit dans le système solaire. Par exemple, l’accrétion par instabilité gravitationnelle dans un disque de débris provoque l’apparition d’une planète sans noyau rocheux, uniquement constituée de gaz. Ici, cela ne semble pas être le cas. Cependant, les auteurs ont peut-être mis le doigt sur quelque chose en évaluant l’âge de cette jeune planète.

« Deux théories s’affrontent, précise Anne-Marie Lagrange. Le hot start et le cold start. Deux manières de former les planètes qui sont davantage visibles pour de jeunes astres. »

Dans le hot start, le gaz qui s’agrège chauffe et provoque une onde de choc dont l’énergie est conservée dans la planète naissante. Avec le cold start, l’énergie est expulsée et le gaz a une température bien plus faible. Généralement, c’est le hot start qui est préféré dans les modèles, car il est plus facilement compatible avec les propriétés du gaz, mais il y a de nombreuses incertitudes. Les deux théories sont difficiles à départager, parce que sur les planètes les plus âgées, il ne reste plus trop de traces de la température du gaz lors de leur formation.

Or, avec une jeune planète, il devrait être possible d’en savoir plus : la différence peut être plus marquée. D’autant plus qu’avec un gaz plus froid, et donc plus dense, il est possible d’avoir une planète plus lourde pour un même rayon. Cela dit, même en prenant ceci en compte, HD 114082 b est toujours beaucoup trop massive pour que cette explication soit suffisante !

Alors, comment en savoir plus ? Du côté de l’équipe d’Olga Zakhozhay, on continue d’observer les transits afin d’avoir davantage de certitudes sur le rayon et les autres propriétés. Anne-Marie Lagrange, elle, a participé à une étude qui s’intéresse au disque autour de l’étoile. « C’est un disque légèrement incliné, qui n’est donc pas sur le même axe que la planète. Une preuve en plus que ce système est particulièrement intéressant avec des dynamiques à explorer. »

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