Dans son arrêt Deckmyn c. Vandersteen publié ce mercredi, la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) reconnaît à l'auteur la possibilité de s'opposer à une parodie lorsqu'il ne souhaite pas s'associer au message qu'il véhicule, à condition que ce message soit lui-même illicite.

L'arrêt était attendu, car il porte en lui le risque de brider la liberté d'expression en faisant primer le droit d'auteur. La Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a publié ce mercredi son arrêt Deckmyn c. Vandersteen, par lequel elle devait établir d'éventuelles limites jurisprudentielles au droit d'utiliser l'oeuvre d'un tiers à des fins de parodie.

Les directives européennes reconnaissent en effet la possibilité pour le public de détourner des oeuvres protégées par le droit d'auteur à des fins parodiques, mais encore faut-il qu'il s'agisse bien de parodies, et que certaines conditions soient respectées. En l'espèce, il était reproché à un homme politique belge, John Deckmyn, d'avoir distribué lors d'une fête municipale à Gand des détournements de mauvais goût d'une bande dessinée de Willy Vandersteen, sans l'autorisation des ayants droit. La parodie reprenait un personnage célèbre du dessinateur, qui jette des pièces de monnaie autour de lui, en remplaçant le personnage par une caricature du maire de Gand, et en transformant en musulmans intégristes ceux qui ramassent les pièces.

Dans son arrêt, la CJUE rappelle pour le principe que "la parodie a pour caractéristiques essentielles, d’une part, d’évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie". Les juges européennes réfutent l'idée selon laquelle il faudrait que la parodie s'éloigne de l'oeuvre originale par davantage que quelques "différences perceptibles", qu'il faudrait qu'il soit impossible de l'attribuer à l'auteur de l'oeuvre d'origine, ou qu'il faudrait obligatoirement citer la source de la parodie.

On ne peut pas rire de tout

"Il est constant que la parodie constitue un moyen approprié pour exprimer une opinion", soulignent les juges pour expliquer qu'ils marchent sur des oeufs en délimitant l'acceptation de ce qu'est une parodie, et qu'il leur faut trouver le plus juste équilibre possible avec les droits de l'auteur de l'oeuvre parodiée.

Or l'un des aspects à prendre en compte est le respect dû à l'auteur de l'oeuvre — ce que l'on appelle plus volontiers le droit moral. La CJUE estime que l'on ne peut pas dire tout et n'importe quoi en reprenant l'oeuvre d'un tiers. Il faut des limites à la libre expression, même parodique.

Dans le cas présent, les héritiers de Vandersteen estiment que "dans le dessin en cause au principal, les personnages qui, dans l’œuvre originale, ramassaient les pièces de monnaie jetées ont été remplacés par des personnes voilées et de couleur" et donc que "ce dessin transmet un message discriminatoire ayant pour effet d’associer l’œuvre protégée à un tel message". Or la discrimination raciale étant interdite en Europe, la CJUE reconnaît à l'auteur la possibilité de ne pas voir son image associée de fait à une parodie discriminatoire.

Si l'on élargit la logique de l'arrêt, l'auteur pourrait ainsi s'opposer à toute parodie dont la finalité est illégale. Par exemple les parodies diffamatoires.

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