489 millions d’euros. C’est le montant du dédommagement que sont censés verser les administrateurs de T411, célèbre ancien annuaire de liens BitTorrent. Ils sont aussi condamnés à trois ans de prison ferme. Une décision inédite en France.

Voilà une condamnation qui devrait résonner comme un avertissement très fort parmi les pirates, en particulier chez celles et ceux qui opèrent des sites de téléchargement illégal. Le créateur de T411 a été condamné le 13 octobre 2023 par le tribunal correctionnel de Rennes à une sanction record, fait savoir L’Informé dans un article paru le 16 octobre.

C’est, en matière de piratage de contenus protégés par le droit d’auteur, la sanction la plus sévère du genre en France. En effet, outre la peine initiale déjà significative — trois ans de prison ferme et de 150 000 euros d’amende — s’ajoutent les dommages et intérêts, qui crèvent le plafond : on approche un montant d’un demi-milliard d’euros. Du jamais vu.

Dans le détail, les compensations qu’est censé régler le créateur de T411 incluent 471 millions d’euros pour l’industrie du cinéma, dont Gaumont, Pathé, UGC, Warner et Film24, ainsi que 18 millions pour le secteur de la musique, essentiellement via la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Somme totale : 489 millions d’euros.

Un carrefour clé du téléchargement en P2P en France

Les origines de T411 remontent au milieu des années 2000. Fonctionnant comme un annuaire, il regroupait des liens pointant vers de petits fichiers pour BitTorrent. En les ouvrant avec un logiciel spécifique, comme QBitTorrent ou uTorrent, il était alors possible de récupérer des contenus beaucoup plus volumineux : films, séries, jeux vidéo, musique, livres, etc.

Chaque œuvre listée sur T411 était liée à un fichier torrent et les échanges se faisaient directement entre internautes — il était nécessaire de s’inscrire sur le site pour voir les liens. De fait, la disponibilité des œuvres piratées dépendait aussi du nombre de personnes en train de s’échanger activement les fichiers. La vitesse de récupération dépendait donc aussi du nombre de « sources ».

C’est, en somme, tout le principe des échanges en pair à pair, ou P2P (peer to peer), que la loi Hadopi a eu pour mission de pourchasser à travers la riposte graduée — en l’espèce, les échanges se faisaient via le protocole BitTorrent, qui s’est imposé comme le plus simple d’utilisation parmi tout l’éventail des technologies en P2P.

t411-closeup.jpg
À quoi ressemblait l’interface de T411. // Source : capture d’écran

Au temps de sa gloire, lorsque le piratage via P2P avait la côte, ce sont des millions de membres qui étaient inscrits sur le site de liens — la plateforme n’hébergeait pas elle-même les contenus piratés, mais elle accueillait des centaines de milliers de fichiers pour BitTorrent. Elle a ainsi été perçue comme l’une des principales plaques tournantes du piratage.

Le succès du P2P comme vecteur de piratage s’est toutefois érodé avec le temps, du fait de l’action menée par la Hadopi, la montée en puissance d’autres méthodes de piratage (le streaming et le téléchargement direct, contre lesquels la riposte graduée est aveugle) et le développement de l’offre légale, avec la musique et l’audiovisuel en streaming.

2017 marque un tournant dans l’histoire de T411, en raison de l’intervention de la police suédoise pour obtenir la fermeture physique de l’annuaire de torrents. Six interpellations ont eu lieu, en Suède et en France. Avant cette opération, T411 faisait l’objet d’une mesure de blocage au niveau des fournisseurs d’accès à Internet, avec l’approbation de la justice.

Le blocage de l’adresse s’est toutefois avéré insuffisant : pendant deux ans, T411 a régulièrement acheté de nouveaux noms de domaine, afin d’avoir des adresses qui n’étaient pas incluses dans les décisions de justice française. Ce petit jeu du chat et de la souris a duré jusqu’à la neutralisation de l’ancien annuaire, et l’arrestation de ses responsables.

L’affaire n’est toutefois pas tout a fait terminée : l’un des deux prévenus, présent en France, a fait savoir qu’il ferait appel. Quant à l’autre personne, qui se trouve au Canada, elle devrait faire l’objet d’un mandat d’arrestation et d’une procédure d’extradition.

Nouveauté : Découvrez

La meilleure expérience de Numerama, sans publicité,
+ riche, + zen, + exclusive.

Découvrez Numerama+

Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !