Il avait pourtant été prévenu. Si Nintendo a déjà engagé plusieurs poursuites judiciaires liées à la protection de sa propriété intellectuelle, cette nouvelle action reste surprenante. Le 3 octobre 2025, la branche américaine de la marque a lancé une procédure contre un modérateur Reddit accusé de piratage de jeux sur la console Switch. Nintendo a déposé une requête devant un tribunal fédéral afin d’obtenir un jugement par défaut contre James C. Williams, alias « Archbox ». Ce type de jugement est demandé lorsque l’accusé ne répond pas ni ne défend sa cause dans le délai imparti. Le juge peut alors statuer en faveur de Nintendo sans débat ni procès contradictoire.
Un piratage de masse, selon Nintendo
Nintendo est connu pour sa tolérance zéro envers les pirates. Depuis sa mise à jour 20.0.0, la Switch intègre notamment un système de cartes virtuelles complexe qui rend le piratage plus difficile. La firme s’autorise aussi à bannir de ses serveurs les consoles connectées à un compte Nintendo via un custom firmware (une version modifiée, non officielle, du système d’exploitation d’une console), ce qui les exclut des services en ligne.
En mai 2025, Nintendo avait même averti qu’il pourrait « briquer » une console – c’est-à-dire la rendre totalement ou partiellement inutilisable – en cas de violation répétée de ses conditions d’utilisation. Une nouvelle étape contre le piratage, pourtant réputé extrêmement simple sur Nintendo Switch (et quasiment présent sur toutes les consoles Nintendo).
Dans le cas de James C. Williams, il est accusé d’avoir géré un réseau illégal (Pirate Shops), où des copies piratées de jeux Nintendo étaient distribuées gratuitement. Le prévenu aurait créé et administré plusieurs boutiques en ligne diffusant ces jeux sans autorisation, tout en promouvant son activité sur Reddit.
Sa méthode : il promouvait des dépôts GitHub hébergeant des outils de contournement (circumvention software). Lorsqu’une ressource était supprimée de GitHub, il informait sa communauté des nouvelles adresses ou miroirs disponibles pour poursuivre le piratage.
Sur Reddit, il animait le groupe Switch Pirates, où il encourageait les utilisateurs à faire des dons sous forme de cartes-cadeaux afin de financer ses activités. Il aurait également participé à la diffusion de logiciels permettant de contourner les protections mises en place par Nintendo. Sur le subreddit intitulé r/SwitchPirates, un utilisateur appelle d’ailleurs à « trouver un autre endroit pour discuter » après la publication d’articles sur Archbox.
Pourquoi Nintendo demande-t-il une telle somme ?
Que pense Williams de tout cela ? Eh bien, pas grand-chose publiquement.
Officiellement informé de la procédure dès 2024, il n’a ni répondu ni défendu sa cause. Il avait d’abord reconnu avoir violé les droits de Nintendo et déclaré vouloir coopérer. Mais lorsque la firme lui a adressé une demande formelle, il serait devenu, selon Nintendo, « combatif » et « peu coopératif ».
Certains des sites pirates ont été désactivés après cet échange… sauf un, qui est resté en ligne même après le dépôt de plainte. Après plusieurs tentatives infructueuses pour le contacter, Nintendo a donc demandé au tribunal d’engager la procédure de jugement par défaut.
Selon l’entreprise, Williams aurait facilité la diffusion de milliers, voire de centaines de milliers de copies illégales de jeux. Le préjudice exact reste difficile à estimer, d’autant que l’accusé n’a pas collaboré avec la justice.
150 000 dollars par œuvre : voilà la somme réclamée par Nintendo
La firme a donc demandé au tribunal d’appliquer les dommages forfaitaires prévus par la loi américaine sur le droit d’auteur (U.S. Copyright Act), qui autorise une sanction allant jusqu’à 150 000 dollars par œuvre en cas de violation volontaire. Nintendo a retenu 30 jeux représentatifs et réclame le montant maximal pour chacun, soit un total de 4,5 millions de dollars. Parmi les titres cités figurent Mario Kart 8 Deluxe, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, Super Mario Odyssey ou encore Animal Crossing: New Horizons.
Dans les faits, James C. Williams avait accepté les conditions d’utilisation des services Nintendo, qui interdisent de « copier, modifier, décompiler, distribuer, proposer à la vente ou créer des œuvres dérivées » des logiciels ou services Nintendo, sauf autorisation expresse ou disposition légale contraire. Le contournement des mesures techniques de protection (anti-piracy protections) est également interdit. Ces clauses sont d’ailleurs particulièrement strictes aux États-Unis.
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