Le studio espagnol MercurySteam s’est forgé une petite réputation après s’être frotté par deux fois à des sagas légendaires du jeu vidéo : Castlevania et Metroid. Après quelques années d’absence, le voici de retour avec Blades of Fire, une IP originale. Enfin… pas vraiment. Notre test.

Le premier contact avec Blades of Fire n’est pas des plus engageants. Difficile en effet de passer outre sa réalisation d’un autre âge, ou plutôt d’une autre génération — au mieux celle des PS4 et Xbox One. Forgé sur un moteur maison, le Mercury Engine 6, le jeu se traîne un rendu bien terne et fauché, notamment en raison d’une gestion des lumières archaïque (notre test a été réalisé sur PS5 normale).

À l’heure où les étincelantes productions de l’Unreal Engine 5 inondent le marché, difficile de tenir la comparaison. Heureusement, la conception de certains décors permet tout de même de donner vie à un univers agréable à parcourir. Mais, là encore, Blades of Fire ne fait que s’appuyer sur des poncifs d’heroic-fantasy et n’arrive jamais à révéler une personnalité mémorable. Ça commence bien…

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Blades of Fire se rêve en Dark Souls

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à jeter un œil au héros de cette aventure, Aran (probable clin d’œil à Samus ?), qui a tout d’un Jean-Michel Random aux pays des squelettes et des gobelins. Le scénario ne fait d’ailleurs pas grand-chose de lui en se contentant de le jeter sans ménagement dans une quête aussi bébête que limpide : tuer la reine. Pour mener à bien cette mission, il sera accompagné d’Adso, un apprenti magicien qui ira se planquer au moindre combat et sera surtout utile pour développer un peu de lore et quelques interactions çà et là (ouvrir telle porte, lancer tel enchantement). Malgré une belle proportion de bavardages et de cinématique (dont certaines à l’humour pipi-caca particulièrement douteux), le jeu n’arrive jamais à rendre ses enjeux clairs et engageants.

Blades of Fire trébuche un peu trop souvent

Si on devait le résumer à gros traits, Blades of Fire serait une espèce de mix entre God of War (2018) et les Dark Souls. L’aventure, très linéaire, nous emmène ainsi dans différentes niveaux interconnectés (forêt, village, marais, donjons…) que l’on arpente librement tout en affrontant un beau paquet de monstres en tout genre. Si le jeu ne joue pas trop la carte des gros boss intimidants, il mise en revanche sur cette exploration tendue, où l’on surveille constamment le nombre de potions de soin restantes à mesure que l’on s’éloigne de plus en plus de notre enclume (équivalent du feu de camps). Le level design cherche aussi à créer cette complexité intriquée typiques des jeux FromSoftware, avec tout ce qu’il faut de raccourcis à débloquer, de verticalité et d’entremêlement des niveaux pour valoriser l’exploration de chaque recoin.

Source : MercurySteam
Aran et Adso, un étrange binôme qui, fort heureusement, n’est pas une vilaine excuse au backseat (i.e. le PNJ qui guide sans cesse le joueur de ses remarques incessantes). // Source : MercurySteam

Malheureusement, de complexe à incompréhensible, il n’y a qu’un petit pas et Blades of Fire glisse un peu trop de cette ligne de crête avec des structures labyrinthiques où il n’est jamais rare de tourner en rond faute d’avoir repéré la petite échelle, le trou ou le chemin bien caché dans un coin. Les développeurs semblent tout de même en avoir pris conscience en ajoutant une option d’affichage du prochain point d’intérêt sur la carte. Une aide bienvenue même si elle ne reste qu’une béquille temporaire pour une structure boiteuse. La répartition des enclumes (les points de sauvegarde) interroge également : parfois très nombreuses, parfois très éloignées des points centraux… Bref, malgré de belles intentions et des moments de bravoure qui enthousiasment, Blades of Fire trébuche un peu trop souvent sur cet aspect. Et c’est malheureusement un motif très récurrent.

Source : MercurySteam
Très classique dans ses inspirations, l’univers de Blades of Fire reste agréable à découvrir. // Source : MercurySteam

L’arme fatale

Un des aspects du gameplay sur lequel Blades of Fire essaie de se démarquer des souls-like classiques tient dans la maniabilité, notamment au travers du mapping des touches qui fait strictement l’inverse de ce que l’on voit habituellement chez FromSoftware (et les petits malins qui s’en inspirent). Les attaques sont ainsi réparties sur les quatre boutons de façade en fonction de leur type de dégâts (perforant, contondant et tranchant) et l’on esquive/pare avec les boutons de tranche. Cette coquetterie se paie cher dans nos premières escapades où notre vilaine mémoire musculaire s’entête à nous faire cliquer sur le bouton d’attaque quand on voudrait enclencher une roulade. Prévoyez donc quelques heures pour recâbler votre cerveau.

Ce choix a toutefois le mérite de permettre des combats très stratégiques puisqu’il convient d’équiper la bonne arme face au bon ennemi (on peut switcher entre quatre armes en combat), mais aussi d’utiliser les attaques les plus efficaces. À cela s’ajoute un principe de coups légers et puissants (en maintenant le bouton idoine plus longtemps) avec le risque d’être vulnérable le temps que la longue animation se lance. Grâce à un excellent feedback des coups portés (notamment via un sound design ravageur), Blades of Fire dévoile un système de combat très complet et gratifiant qui exploite bien les sept types d’armes proposées à terme. Elles sont d’ailleurs au centre du gameplay car ce sont elles qui gagnent en puissance et évoluent au fil de l’aventure à mesure que nos talents de forgeron s’améliorent et que les ressources trouvées s’accumulent. Hélas, une fois encore, Mercury Steam trouve le moyen de perturber ces belles mécaniques en introduisant un principe bien maladroit.

Source : MercurySteam
Si certains ennemis puissants sont là pour bloquer certains passages, Blades of Fire compte assez peu de gros boss à la FromSoftware. // Source : MercurySteam

La forge tranquille

Toujours dans l’idée de se démarquer des Dark Souls tout en assumant l’inspiration, Blades of Fire décide de sanctionner nos morts d’une mécanique cruelle différente : ici, ce ne sont pas des similis points d’XP qui restent sur place après un décès prématuré, mais l’arme que l’on portait. Fermez les yeux et imaginez. Vous explorez un vaste donjon au péril de votre vie quand, après un quart d’heure, vos potions viennent à manquer et un groupe d’ennemis finit par avoir raison de vous. Votre merveilleuse arme, cette épée si efficace pour décapiter et fendre les armures, se trouve alors perdue à l’autre bout du niveau. Pour la retrouver, il va non seulement falloir tout retraverser, mais en plus, avec une autre arme, très probablement moins puissante ou efficace. Pire ! Imaginez perdre votre marteau de guerre face à un boss alors que c’est l’unique arme contondante qui peut lui faire des dégâts…

Mais qui diable a pu avoir une idée aussi saugrenue ? Si l’on finit par forger plusieurs armes ou stocker un ou deux plans B en cas de pépin, le principe interroge tant il manque parfois de nous bloquer dans de véritables impasses. Car, contrairement à un jeu FromSoftware où renoncer à récupérer ses points d’XP n’est pas un si grand sacrifice, ici, ne pas récupérer son arme principale n’est évidemment pas une option. Ajoutons à cela le fait que les armes ont une durabilité limitée et peuvent dès lors se casser en cours de partie, au point de devenir bonnes pour la poubelle. Oui, même votre sabre adoré, dont les matières sont si rares et précieuses, finira par se briser comme un vulgaire bâton dans The Legend of Zelda: Breath of the Wild. On vous laisse encore une fois imaginer le sentiment qui vous envahit quand cela arrive face à un boss…

Source : MercurySteam
Pour forger ses armes, il faut se téléporter dans un lieux à part et passer par une interface pas très fluide et intuitive. // Source : MercurySteam

Sur le papier, le principe de forger ses propres armes est vraiment intéressant, d’autant que les options pour les customiser sont très nombreuses et avec une incidence immédiate sur les dégâts et l’efficacité au combat. Mais, comme un peu tout dans Blades of Fire, il montre lui aussi ses limites, notamment en raison de son formidable manque de clarté. L’idée est pourtant séduisante : depuis les enclumes/feux de camps, on se téléporte dans une forge magique pour créer l’arme de son choix parmi sept archétypes (épée, dague, arme d’hast, lance…) déclinés en cinq versions plus ou moins raffinées dont on débloque les plans en tuant une quantité donnée d’ennemis préétablis (dix capitaines squelettes pour découvrir la claymore, par exemple).

Blades of Fire décide de sanctionner nos morts d’une mécanique cruelle différente

Voilà qui est intéressant, mais on se retrouve à terme avec énormément de possibilités que l’on a du mal à discriminer faute d’un accès clair à leurs statistiques. En outre, forger nécessite des matières premières à la fois innombrables et impossibles à identifier (on ne sait jamais quel ennemi donnera quelle ressource). Le souci, c’est que l’on peut s’engager dans la confection d’une arme et bêtement gâcher de précieuses ressources pour se rendre compte au final que l’efficacité n’est pas du tout au rendez-vous. Oui, si vous avez la bonne idée d’utiliser vos meilleurs matériaux pour créer une arme d’estoc juste avant de tomber sur un boss qui y est immunisé à cause de son armure…. Disons que c’est… rageant.

Plutôt que de proposer un nombre limité de matières premières et de nous faire clairement comprendre comment et où les trouver, Blades of Fire multiplie les ailes de fée, les cailloux verts, les yeux de crapaud, les os d’ogres, les pétales de pétunia ou autre bout de bois et de charbon… On loot les ennemis sans même se rendre compte de ce que l’on collecte si bien que l’on n’a aucun contrôle sur ce qu’on en fera. À l’arrivée, le passage dans la forge devient un peu trop une corvée absconse. C’est d’autant plus un comble que le jeu n’a pas de système d’XP et que l’amélioration de notre héros repose uniquement sur cela (et sur des collectibles cachés un peu partout, améliorant santé et endurance). Bref, ça finit souvent mal.

Le verdict

Blades of Fire // Source : 505 Games
6/10

Blades of Fire

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Une fois que l’on a fait la paix avec l’idée de jouer en 2025 à un titre qui ressemble à un jeu d’action-aventure d’il y a douze ans, Blades of Fire, en Souls-like appliqué, sait délivrer de jolis moments notamment grâce à ses sensations de combats très viscérales et une exploration plutôt bien fichue. Malheureusement, MercurySteam trouve le moyen de ternir chacun de ces aspects avec des petites erreurs ou idées absurdes qui viennent faire trébucher un titre plein de bonne volonté, mais d’une maladresse rageante.
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