La notion de contexte n’a jamais été aussi adaptée à S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl, dont la sortie le 20 novembre 2024 sur PC et Xbox tient du véritable miracle. Ce jeu vidéo a été développé par un studio ukrainien qui aurait eu mille raisons de lâcher l’affaire : la pandémie de coronavirus, d’abord, l’invasion de la Russie ensuite (et surtout). Stalker 2 a littéralement été développé sous les bombes, forçant GSC Game World à déménager et certains employés à prendre les armes (l’un d’eux a même perdu la vie).
Le studio n’a d’ailleurs pas manqué de partager son émotion, légitime, le jour J : « C’est vraiment surréaliste, mais S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl est disponible (…). Malgré tous les vents contraires, il est là. Notre plus gros jeu, notre propre histoire, notre lettre d’amour à l’Ukraine. Après plus de 15 ans, les portes de la Zone s’ouvrent à nouveau. C’est un jour important excitant et inoubliable pour nous tous. » Il est difficile de faire abstraction de tout ça quand on lance Stalker 2 pour la première. Mais si on doit analyser froidement l’expérience, force est de constater que le « miracle » souffre de stigmates.
N’ayez pas honte de jouer en facile à Stalker 2
Soutien à l’Ukraine
Si vous souhaitez soutenir l’Ukraine et le studio GSC Game World, n’achetez pas le jeu n’importe où.
Il faut savoir dans quoi on se lance avec S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl. On parle d’une œuvre hardcore, dépressive, nihiliste, où la notion de fun est à aller chercher soi-même. Il ne vous prendra jamais par la main. J’en prends pour preuve ma toute première heure de jeu, où je suis mort une bonne dizaine de fois, souvent sans trop comprendre pourquoi (même après être passé en mode « facile »). Stalker 2 est un jeu qui se mérite, qu’il faut apprendre à aimer malgré ses (immenses) défauts de finition — assumés par GSC Game World.
S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl saura vous en mettre plein la vue avant que la réalité ne le rattrape. À l’occasion de nos escapades dans la Zone irradiée, on a rencontré une palanquée de bugs, visuels comme sonores. Là des lumières qui clignotent comme des néons mal branchés, ici un moteur physique défaillant.
À cela s’ajoutent des ralentissements ou encore des animations en souffrance, la faute à un moteur physique loin d’être peaufiné. L’ambition de S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl est une épée de Damoclès, comme ce fut le cas pour Cyberpunk 2077. Les développeurs travailleront sans doute d’arrache-pied pour améliorer la situation. En attendant, il faut faire preuve d’indulgence pour outrepasser cette dette technique (on a joué sur Xbox Series X, mais un confrère a fait le même constat avec la version PC durant nos échanges).
Derrière cette couche peu avenante, S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl impose un gameplay qui oublie un peu trop l’amusement. C’est voulu, et si l’idée est de faire ressentir l’enfer d’exister dans une région touchée par des radiations, alors c’est réussi. Il n’empêche, il faut aimer ces mécaniques de survie qui ne feront pas l’unanimité : se nourrir, soigner ses blessures, gérer son exposition, réparer ses armes, organiser son inventaire (avec une interface à l’ancienne et la prise en compte du poids), comprendre les différents types de munitions, composer avec son endurance, (boire de la vodka)… Vous exécrez la survie vidéoludique ? S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl ne trouvera jamais grâce à vos yeux. Si vous aimez souffrir, en revanche…
Malheureusement, les soucis de S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl ne sont pas que techniques ou graphiques. Il doit par ailleurs composer avec des désagréments qui touchent au cœur du jeu. Ainsi, les sensations de tir s’avèrent décevantes pour une production qui fait du réalisme un crédo. L’intelligence artificielle des ennemis est risible à souhait, avec des comportements étranges qui feraient presque de la peine lors des séquences d’action (qui se veulent assez rares, mais intenses). La narration peine à convaincre : les missions s’enchaînent sans vraiment qu’on s’implique (l’expression des visages, figée, n’aide pas à rendre les dialogues crédibles), en dépit de choix à faire dans les objectifs à accomplir (pour telle ou telle faction).
S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl trouve quand même des fulgurances dans ces interminables balades au sein d’un No Man’s Land flippant. Où cohabitent des humains désespérés, des illuminés en quête de réponse, des mutants aux capacités psychiques, des animaux agressifs, des rats géants qui sautillent partout (une plaie pour les tuer). On ne croise pas grand monde dans Stalker 2, mais les rencontres ont toujours un petit côté mémorable à ne surtout pas négliger — que ce soit pour une bonne ou une mauvaise raison.
On pourra tout autant apprécier ces élans qui empruntent à l’urbex (exploration urbaine), quand on pense à ces bâtiments désolés aux nombreuses portes condamnées. Ils font froid dans le dos, à l’instar des émissions radioactives qui peuvent frapper n’importe quand et forcent à se planquer sous peine de passer un sale quart d’heure (les effets visuels brillent lors de ces quelques passages). Là, on sent que les développeurs ont travaillé l’immersion, et on peut chérir ces phases d’exploration dans de vastes étendues vides, alerté par le moindre bip de son scanner susceptible de capter une anomalie mortelle. C’est un sentiment singulier qui peut mettre mal à l’aise.
Vous l’aurez compris, S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl n’est pas un jeu qui se destine à un public très large, encore moins avec ses soucis de jeunesse. Mais on perçoit quand même un potentiel qui devrait taper dans l’œil des fans du premier opus, ceux qui retrouveront avec plaisir ce gameplay un tantinet poussiéreux et excessivement exigeant. Il sera tout de même nécessaire d’observer ce que GSC Game World va faire à l’avenir, puisque certains soucis seront difficiles à gommer (l’IA en tête). On laissera d’ailleurs le mot de la fin à ce studio méritant : « Nous étions ravis de vous avoir avec nous avant, nous sommes ravis de vous avoir maintenant. La Zone vous appartient. Prenez du plaisir. »
Le verdict
S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl
Voir la ficheOn a aimé
- De la vraie survie
- Un vrai travail sur l’ambiance
- Le miracle permanent
On a moins aimé
- Une dette technique à effacer
- Une IA risible
- Pas fun du tout
Il faut vraiment tirer un grand chapeau à GSC Game World, qui a connu des temps chaotiques, voire tragiques, mais est parvenu à lancer S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl, son projet le plus ambitieux. Le studio ukrainien, touché par la guerre face à la Russie, a défié les pronostics pour aller au bout de ses efforts et de son courage. En cela, il mérite un immense et profond respect.
Il n’en demeure pas moins que ce S.T.A.L.K.E.R. 2: Heart of Chornobyl souffre de mille maux. Et si certains pourront être corrigés par une cascade de mises à jour, d’autres, liés à des choix de design, seront plus difficiles à gommer. Comme son prédécesseur, ce jeu s’adresse à une frange de joueuses et de joueurs avides d’expérience de survie extrême. Où il faudra jongler entre les nombreuses menaces de l’environnement et la pluie de bugs qui s’abattent telles des gouttes acides. Sorti trop tôt, mais sorti quand même ?
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