Colony, la nouvelle série de science fiction diffusée par USA Network, s’ouvre sur une atmosphère d’inquiétante étrangeté, mise en place dès les premières secondes de l’intrigue. Une voix à la radio diffuse son refrain habituel, « Ça va être une autre belle et ennuyeuse journée aujourd’hui à Los Angeles avec un maximum à 21° », topos éculé du genre pour annoncer que la situation est sur le point de mal tourner. Une chose est sûre : en regardant cette intro, si vous ne vous êtes pas renseignés sur la nouvelle série co-créée par Carlton Cuse (Lost, The Strain, Bates Motel) et Ryan J. Condal, vous risquez de ne pas tout comprendre.
Le pitch
La série, basée dans un futur proche, suit l’histoire d’une famille qui tente de survivre dans un Los Angeles occupé après l’invasion d’une « force extérieure ». Le pilote commence in medias res, dans un monde déjà occupé et dans une société où les nouveaux rouages sont déjà bien en place. On laisse clairement au spectateur le soin de remplir les blancs : les scénaristes prennent le parti de ne pas donner beaucoup plus de détails et laissent planer un halo de confusion autour des événements.
On laisse clairement au spectateur le soin de remplir les blancs
Carlton Cuse est un habitué des histoires denses et ce ne sont pas les fans frustrés de Lost qui diront le contraire. Ainsi, la « force extérieure » en question n’apparait jamais dans l’histoire et le spectateur est au même niveau que les personnages qui eux-mêmes ne savent pas « qui est l’ennemi ». Si une scène explicite ne venait pas apaiser nos doutes, on pourrait presque imaginer que l’envahisseur est humain.
Et c’est bien ?
Ce qui émane franchement de ce premier épisode, c’est l’étrange banalité de la vie sous l’occupation extraterrestre. Seuls quelques détails trahissent ça et là un certain malaise : la misère, le troc, la surveillance, … . L’occupation semble acceptée par la vaste majorité de la population, les autres, par contraste, vivent dans une sorte de paranoïa permanente, dans la peur d’être déportés à « l’Usine » qu’on imagine être un camp de travail forcé… ou pire. Si vous trouvez que le tout a un petit air de Seconde Guerre Mondiale, ce n’est pas étonnant : les créateurs de cette dystopie se sont inspirés de photos de Paris sous l’occupation montrant la vie suivre son cours.
Et c’est la banalité du mal que tente de représenter la fiction de Cuse, ce moment où, soumis à un régime totalitaire, l’homme effrayé peut cesser de penser et commettre des actes inhumains, notamment par son inaction. Dans ce premier épisode, on peut voir un homme qui se fait enlever par les autorités à la terrasse d’un café et les discussions continuent comme si rien ne s’était passé.
Colony tente de revêtir une certaine profondeur psychologique et questionne la nature des gens normaux soumis à des situations exceptionnelles. Le personnage principal de la série, dont le rôle est interprété par Josh Holloway (là encore un ancien de Lost), fera face à un dilemme moral qui va le forcer à remettre en question ses principes.
Si la série semble manquer d’action, on est loin de s’ennuyer, bien au contraire. Le flou que partagent le spectateur et les personnages semble renforcer l’adhésion : en effet, on ne peut s’empêcher d’avoir une certaine empathie pour ces gens et à chercher, dans les décors réussis, des indices de ce qu’il s’est passé. Cependant, nous ne sommes pas entièrement sûrs que cette dynamique puisse tenir toute une saison.
Laissons pourtant à USA Network — qui nous avait déjà fait grâce en 2015 avec Mr Robot d’une série remarquablement intelligente — le bénéfice du doute. Espérons que l’analogie futuriste de l’occupation offre un potentiel scénaristique intéressant car mal exploitée elle pourrait vite se terminer en poncif.
En France, la série sera diffusée par TF1, mais aucune date n’a encore été annoncée.
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