Dans l’affaire opposant Apple et Spotify dans le streaming musical, la Commission européenne revoit son acte d’accusation : un grief est abandonné pour tout miser sur l’autre.

Reculer pour mieux sauter, dit le proverbe. En matière de régulation contre les pratiques anticoncurrentielles, cela pourrait vouloir dire : renoncer à certains griefs pour mieux se concentrer sur des angles d’attaque plus prometteurs. C’est de cette manière que l’on pourrait comprendre la décision de la Commission européenne, rendue publique le 28 février 2023.

Un seul angle d’attaque contre Apple, au lieu de deux

Bruxelles a actualisé sa communication des griefs contre Apple, en la resserrant à une seule accusation contre la firme de Cupertino. Il s’agit des « restrictions contractuelles qu’Apple a imposées aux développeurs d’applications, qui les empêchent d’informer les utilisateurs d’iPhone et d’iPad d’autres possibilités de musique sur abonnement à des prix inférieurs en dehors de l’application et de la manière de les choisir effectivement. »

La communication des griefs constitue le document que transmet Bruxelles à Apple pour l’informer des infractions qui lui sont reprochées. Un premier envoi avait eu lieu en 2021, avec deux accusations : les restrictions contractuelles et l’usage obligatoire du système d’achat intégré et propriétaire, appelé IAP (In-App Purchase). C’est ce dernier grief qui est délaissé aujourd’hui.

Source : Photo Corentin Béchade pour Numerama
Spotify a lancé les hostilités en 2019. Quatre ans plus tard, le dossier n’est pas encore tranché. // Source : Photo Corentin Béchade pour Numerama

« La Commission ne prend plus position quant à la légalité de l’obligation d’utiliser le système IAP aux fins de la présente enquête en matière de pratiques anticoncurrentielles », déclare Bruxelles, qui ne garde que le second axe d’attaque. Soit, la possibilité pour les applications de promouvoir des solutions pour s’abonner, en dehors de l’environnement d’Apple.

L’abandon du deuxième grief paraît tenir compte du relâchement d’Apple : en justice, son système de paiement in-app est contesté ; dans certains pays, Apple expérimente des modes de paiement alternatifs. L’entreprise américaine a aussi allégé sa commission pour les petits développeurs (15 % au lieu de 30 %). Des changements faits sous la pression des régulateurs.

À l’origine de l’enquête lancée par Bruxelles figure la croisade de Spotify. Après divers rebondissements (Spotify accusait notamment Apple de diverses entraves pour privilégier Apple Music auprès des propriétaires d’iPhone, d’iPad et de matériel du groupe), une plainte a finalement été déposée en 2019. L’année suivante, les enquêtes démarraient.

Rien ne dit que le changement de tactique dévoilé par la Commission ce 28 février aura une issue défavorable pour Apple : l’entreprise américaine peut maintenant exercer ses droits à la défense et montrer que ce reproche est infondé. Et, même si la firme de Cupertino est reconnue coupable, elle conserve la possibilité de faire appel devant les tribunaux européens.

La Commission européenne a sa petite idée sur le sujet. Si Apple est coupable, l’entreprise s’expose à une sanction pécuniaire pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires mondial annuel. Autant dire que cela atteindrait des dizaines de milliards de dollars, si la Commission entend frapper fort et tient compte du poids considérable d’Apple dans les smartphones et le streaming.

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