La deuxième vague nous dirige-t-elle vers un reconfinement ou bien un couvre-feu étendu et évolutif ?

Le 17 octobre 2020, l’Île-de-France et huit métropoles ont été soumises à une stratégie de couvre-feu : entre 21h et 6h, il est interdit de circuler sans une attestation et un motif impératif, et les établissements ne peuvent recevoir du public. Cette mesure a été prise « dans le but de limiter ces interactions à risque », d’après le Premier ministre Jean Castex. Cela vise donc à réduire les fêtes et soirées privées où tant de gens se retrouvent dans une certaine promiscuité physique, là où les gestes barrières sont difficiles à tenir. Le 22 octobre, le couvre-feu a été étendu, 54 départements sont concernés par cette mesure.

Pendant la première semaine, le couvre-feu a été globalement bien respecté dans les zones concernées. Sur le plan sanitaire, il est trop tôt pour en constater de réels effets. Pourtant, des sources gouvernementales commencent déjà à évoquer l’idée de renforcer prochainement le couvre-feu en le démarrant plus tôt, autour de 19h. Lors de la conférence de presse du 22 octobre, les horaires 21h-6h ont en tout cas été maintenus.

Carte des départements concernés par le couvre-feu au 22 octobre 2020. // Source : Gouvernement

Carte des départements concernés par le couvre-feu au 22 octobre 2020.

Source : Gouvernement

Faut-il plutôt reconfiner ?

L’idée de changer d’ores et déjà la forme du couvre-feu retranscrit bien le débat épidémiologique du moment : face à une deuxième vague qui est indiscutablement présente dans l’épidémie du coronavirus, quel équilibre trouver entre vie sociale, fonctionnement économique et urgence sanitaire ? Les épidémiologistes sont nombreux à ne pas vraiment croire en l’effet concret du couvre-feu, voire à plaider pour un reconfinement.

Le couvre-feu n’a qu’un « effet à la marge », selon l’épidémiologiste Catherine Hill, interrogée par Numerama. « Une fraction des contaminations est évitée, autour d’1 % peut-être. Et comme en plus ce sont les vacances, les 1 % qu’on économise par là, on le rattrape d’un autre côté », estime-t-elle. Le fait de démarrer le couvre-feu plus tôt n’y changerait rien, on passerait tout au plus de 1 % évité à 1,5 %, relève l’épidémiologiste.

Dans le monde, le reconfinement a régulièrement été l’option choisie. Encore récemment, ce mercredi 21 octobre, l’Irlande et le Pays de Galle font le choix du reconfinement total, pour six semaines. Dans d’autres régions du monde, de manière moins drastique, c’est un reconfinement localisé qui a eu lieu, de manière temporaire, le temps d’organiser par ailleurs un dépistage massif. Ce fut par exemple le cas dans la capitale chinoise.

« Les pays qui ont réussi à contenir l’épidémie, quand ils ont confiné, c’était pour tester »

L’épidémiologiste Catherine Hill en appelle ainsi à une stratégie similaire : reconfiner temporairement, et tester massivement la population au moment pendant cette période. Car se contenter de confinement totalement, purement et simplement, n’est pas une solution à elle seule. « On a vu que cela plombait l’économie de manière colossale, et qu’une fois qu’on sortait du confinement, on revenait doucement à la situation antérieure. » Catherine Hill insiste quant à la nécessité de combiner les méthodes : « Les pays qui ont réussi à contenir l’épidémie, quand ils ont confiné, c’était pour tester », relève-t-elle, rappelant par ailleurs que ces pays ont reconfiné localement car la résurgence était locale, alors qu’« aujourd’hui en France, le virus est partout ». Ce sont donc des millions de Français et de Françaises qu’il faudrait tester et confiner.

La combinaison stratégique est valable également pour les applications de contact tracing, qui n’ont aucun intérêt aux yeux de Catherine Hill tant que le dépistage n’est pas suffisamment axé sur les cas asymptomatiques et présymptomatiques, car de solides études pointent le rôle majeur de ce type de cas dans la transmission de la maladie. En résumé, pour l’épidémiologiste, le défaut actuel de la stratégie générale est que tout est à trop petite échelle.

Vers un couvre-feu évolutif ?

En tant que solution intermédiaire, le couvre-feu a aussi ses partisans, notamment parce que la Guyane en fait l’objet depuis des mois, où il a participé à contenir la crise sanitaire. Celui-ci a été instauré immédiatement après le confinement et, surtout, il a depuis lors une composante adaptative : il a été renforcé, puis allégé en fonction de l’intensité de l’épidémie.

Cela permet aussi de gérer les conséquences économiques et humaines : les mesures restrictives ont un impact sur les entreprises et sur la santé mentale, c’est en cela qu’un couvre-feu de différente ampleur en fonction de l’intensité de l’épidémie a pu montrer une utilité à plusieurs niveaux.

Dans l’immédiat, il semblerait que ce soit surtout cette logique de couvre-feu évolutif qui soit entrepris par la France, puisque les sources gouvernementales répètent que l’Élysée ne souhaite pas encore entendre parler de reconfinement. Pendant la conférence de presse du 22 octobre, cette voie n’a pas été abordée (et Cédric O a même affirmé une volonté d’éviter une stratégie de confinement stop and go). À l’heure actuelle, la stratégie est surtout à l’extension du couvre-feu : Jean Castex a annoncé ce 22 octobre l’adoption du couvre-feu par de nouveaux départements. En tout, 38 nouveaux départements sont concernés.


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