Ces dernières semaines, plusieurs plateformes en ligne ont pris des mesures contre la haine en ligne. C’est le cas de Reddit, Twitch, Snapchat ou encore YouTube. Facebook, plus réticent à bouger, est néanmoins bousculé par un boycott des marques visant à l’obliger à revoir sa philosophie.

Est-ce l’heure du réveil général contre les discours de haine sur Internet ? C’est ce que suggère un mouvement d’ampleur récent aux États-Unis. Ces derniers jours du mois de juin 2020, plusieurs grandes plateformes comme Twitch, Reddit et YouTube se sont en effet illustrées par une modération plus sévère qu’à l’accoutumée, y compris en ciblant des espaces qui étaient actifs depuis plusieurs années ou qui avaient agrégé une forte audience.

Ce réveil général fait écho à la campagne Sleeping Giants (« Les Géants endormis »), qui vise à combattre les propos haineux en ligne, en s’attaquant notamment à ses sources de financement. C’est ce qui sous-tend, par exemple, le boycott en cours de Facebook par de nombreuses marques, à travers le mouvement : Stop Hate For Profit (Stop à la haine pour le profit).

Dernier réveil en date, celui de Reddit. La plateforme a banni le sous-forum The_Donald au motif que trois points de son règlement étaient enfreints, sur l’usurpation d’identité, sur un mésusage du service et, surtout, sur la violence et la haine. « Chacun a le droit d’utiliser Reddit sans être harcelé, intimidé ou menacé de violence », rappelle le site communautaire. The_Donald était suivi par 790 000 personnes affectionnant Donald Trump et ses positions d’extrême droite.

The_Donald

The_Donald

Mais le coup de balai ne s’est pas arrêté là. Comme le relève le New York Times, ce sont en fait 2 000 communautés sur Reddit qui ont été interdites. Le journal précise que tout le spectre politique est concerné, y compris le sous-forum Chapo Trap House, classé à gauche, qui comptait 160 000 habitués. Dans la majorité des cas, toutefois, les espaces en cause étaient globalement délaissés. Seule une poignée, environ 200, avait plus de 10 inscrits.

The_Donald était un espace pro-Trump qui a contribué à façonner l’image de Donald Trump sur le net, y compris avec des mèmes.

Cependant, ce rassemblement ne se contentait pas de faire des blagues potaches. On y trouvait aussi des soutiens du président américain très portés sur la xénophobie, le complotisme et la misogynie, en trollant et usant des codes du net pour mieux faire passer la pilule. Lors de la campagne électorale de 2016, Hillary Clinton avait été malmenée sur The_Donald, avec de nombreuses fausses informations, à l’image du PizzaGate, un prétendu réseau pédophile impliquant John Podesta, son ancien directeur de campagne.

La question du maintien de The_Donald s’est posée à quelques reprises par le passé, y compris lorsque Reddit a suspendu plusieurs sous-forums de néo-nazis et suprémacistes blancs. En 2016, le patron de Reddit, Steve Huffman expliquait, à propos de ce sous-forum, que « Reddit a toujours été une plateforme où ces voix peuvent être entendues », tout en leur rappelant les limites de la modération à ne pas franchir.

« Reddit est un lieu de sociabilité, et non pour s’en prendre à des gens »

Quatre ans plus tard, Steve Huffman en est revenu. « Reddit est un lieu de sociabilité, et non pour s’en prendre à des gens », a-t-il déclaré lors d’un échange avec des journalistes, dont le New York Times s’est fait l’écho. « The_Donald enfreint cela ». Reddit a présenté cette décision dans une annonce parue sur son site web le 29 juin, à l’occasion d’une mise à jour de son règlement concernant les contenus.

Il y a un mois, Reddit admettait déjà un problème avec ce sous-forum. « Il est clair que nous aurions dû le mettre en quarantaine plus tôt ». Et à l’époque Steve Huffman reconnaissait que ses commentaires passés avaient pu laisser penser, à tort, que les règles toléraient les contenus racistes, même s’ils n’étaient pas les bienvenus. Il annonçait par ailleurs que ses prochaines actions parleraient davantage que ses discours.

Twitch, YouTube, Snapchat bougent également

Outre la plateforme communautaire, d’autres sites ont pris des mesures : Twitch a décidé de suspendre provisoirement la chaîne de Donald Trump, et YouTube a fermé en masse des chaînes de suprémacistes, xénophobes, extrémistes, complotistes ou gravitant autour de ces sujets. La plateforme d’hébergement de vidéos explique que les chaînes en cause avaient été l’objet d’infractions répétées au règlement.

En France, la chaîne du polémiste Dieudonné a été supprimée, mais aussi 25 000 autres chaînes, surtout américaines, rapporte l’AFP, dont celles de l’ancien leader du Ku Klux Klan, David Duke, et de figures de l’alt-right ou associées au néo-nazisme, comme Richard Spencer et Stefan Molyneux. « Après avoir mis à jour nos règlements pour mieux résoudre la question des contenus suprémacistes, nous avons assisté à une multiplication par 5 du nombre de vidéos retirées et nous avons mis fin à plus de 25.000 chaînes pour violation de nos règles sur les discours de haine », déclare YouTube dans un communiqué.

Les contenus peuvent être démonétisés. // Source : YouTube

Les contenus peuvent être démonétisés.

Source : YouTube

Pour sa part, Twitter avait déjà commencé à modérer le compte de Donald Trump pour des contenus trompeurs (une vidéo tronquée avait été partagée pour faire passer un message politique et dénigrer CNN), faisant l’apologie de la violence ou n’étant pas étayés par des faits — comme le risque de fraude en cas de vote par correspondance. Le réseau social se refuse toutefois à trop le modérer, parce que le locataire de la Maison-Blanche demeure une personnalité publique, aussi clivante soit-elle.

Snapchat, de son côté, a interdit au président de promouvoir ses vidéos.

Quant à Facebook, le réseau social s’est montré plus timoré. Cependant, la mobilisation des marques dans le cadre d’un boycott publicitaire pourrait lui tordre le bras et l’obliger à agir plus fermement. En date du 29 juin, on dénombrait plus de 180 entreprises dans le mouvement Stop Hate For Profit, animé par des associations américaines de lutte contre le racisme.

Des marques comme Unilever, Levi’s, Guinness, Smirnoff, l’opérateur télécoms Verizon, mais aussi Coca-Cola, Ben & Jerry’s, Ford, Adidas, Ford, HP, Best Buy, Puma sont dans la boucle. Même Microsoft a mis en pause sa communication sur les sites de Facebook. Avec  succès : le 26 juin, Mark Zuckerberg a consenti dans une vidéo à quelques concessions. Un pas encore trop insuffisant, néanmoins : quatre jours après son intervention, le boycott se poursuivait.


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