Si la 5G n’est pas encore déployée commercialement en France, les craintes à son sujet sont déjà bien présentes au sein de la population, mais aussi chez les élus. La question écrite posée par une députée, Marie-France Lorho, à Cédric O, le secrétaire d’État en charge du numérique, en est le dernier exemple en date. La parlementaire se demande « s’il ne serait pas pertinent » de demander l’application du principe de précaution, qui a valeur constitutionnelle.
Pour soutenir sa proposition, l’élue du Vaucluse avance plusieurs arguments : l’impact sur la faune et la flore, la vétusté des directives de sécurité actuelles, l’absence de prise en compte des effets non thermiques de la 5G alors qu’ils seraient la cause d’une série de troubles de santé, ou encore le fait que certaines caractéristiques de la 5G n’auraient pas été prises en compte ou étudiées convenablement. En l’espèce, c’est le rayonnement 5G « pulsé » qui ne disposerait pas d’études objectives.
Publiée au Journal officiel le mardi 24 septembre, la question de Marie-France Lorho n’a pas encore reçu une réponse de la part des services de Cédric O. Cependant, c’est peut-être le ministère de la Santé qui se chargera de répondre à la parlementaire, puisque celui-ci a déjà eu l’occasion de réagir, en août 2018, aux prétendus risques sanitaires que ferait peser la nouvelle norme de téléphonie mobile.
Des valeurs limites d’exposition strictes
À l’époque, les services d’Agnès Buzyn avaient rappelé que les« valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques s’appliquent indépendamment de la technologie (2G, 3G, 4G ou 5G) » Dans ces conditions, les nouveaux réseaux qui seront déployés en France par les opérateurs « devront donc respecter ces valeurs limites tout autant que les technologies en place aujourd’hui ». Celles-ci vont de 28 V/m (volts par mètre) à 87 V/m, selon les fréquences utilisées.
Ces valeurs limites n’ont pas été choisies au hasard. Selon le portail interministériel d’information sur les radiofréquences, leur élaboration se base sur les travaux de la commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), une organisation internationale non gouvernementale rassemblant des experts scientifiques indépendants. Ces valeurs ont été établies en 1998 et peuvent être révisées si nécessaire.
En résumé, un premier seuil est défini à partir de l’expérimentation, quand un effet thermique (c’est-à-dire un échauffement des tissus) dû aux ondes est repéré. Ensuite, un second seuil, réglementaire, est défini par rapport aux mesures précédentes. Ce second seuil est 50 fois inférieur à ce qui a été détecté expérimentalement. Il s’agit d’une marge de sécurité qui permet de tenir compte d’éventuelles incertitudes scientifiques, en prévoyant large.
En France, les contrôles réguliers de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) montrent que les écarts qui sont parfois repérés sont globalement largement en dessous de ces valeurs limites — et donc encore plus que ce que montrent les expérimentations scientifiques. Cependant, ces mesures n’incluent pas la 5G, qui n’est pas encore déployée.
Cela étant, la députée suggère en filigrane qu’il est curieux que « les directives de sécurité actuelles [soient] toutes similaires aux directives de sécurité de l’ICNIRP publiées en 1998 » et que l’on peut se demander si elles « protègent efficacement » face à la 5G.
Des effets sur la santé ?
Mais surtout, ce qui alarme Marie-France Lorho, c’est que ces recommandations « sont en train de voir leurs contraintes allégées afin de faciliter le déploiement de la 5G » et que les effets non thermiques « sont ignorés alors qu’ils sont responsables de nombreux troubles de santé (cancer, problèmes cardiaques, baisse de la fertilité, troubles neurologiques, etc.) ». Elle soutient par exemple que les canaux calciques possèdent un capteur de tension extrêmement sensible aux signaux électromagnétiques.
Ce sujet est évoqué avec beaucoup plus de prudence par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’institution onusienne parle d’études qui mettraient en évidence le fait que la mobilité des ions calcium serait altérée à cause de l’exposition à des champs électromagnétiques. Ces ions calcium sont responsables de la transmission de l’information aux cellules de l’organisme. Cependant, l’OMS rappelle que ces effets « ne sont toutefois pas suffisamment établis pour servir de base à une limitation de l’exposition humaine ».
Même prudence de la part de Jean-François Bergmann, chef du département de médecine interne de l’hôpital Lariboisière, cité par Le Monde, : « En médecine, en dehors des facteurs durs comme alcool et tabac, il n’y a aucun produit qui puisse à la fois induire cancers, infarctus, autisme, stérilité, fausses couches, retard scolaire, trouble du rythme cardiaque et mal-être général ».
Le professeur réagissait à la pétition « 5G appeal » qui tend à attribuer à une seule cause, la 5G, un ensemble d’effets néfastes sur la santé, alors qu’ils sont parfois très différents entre eux. Par ailleurs, l’absence de distinction entre causalité et corrélation est un autre écueil : « On se base sur les études expérimentales aussi nombreuses que diverses qu’on extrapole de façon hasardeuse », alors que de nombreux facteurs évoluent en même temps.
Nocivité des ondes incertaine
D’ailleurs, la classification des champs de radiofréquences électromagnétiques dans la catégorie des phénomènes étant peut-être cancérogènes ne signifie pas qu’ils le sont effectivement. Réalisée en 2011 par le Centre international de recherche sur le cancer, une structure rattachée à l’OMS, cette classification est parfois mal comprise, à cause d’une formulation floue et d’une méconnaissance des autres catégories.
Celle dans laquelle se trouvent les ondes est appelée 2B (cancérogènes possibles). Or, il existe 4 autres niveaux : 1 (cancérogènes), 2A (probablement cancérogènes), 3 (inclassables) et 4 (probablement pas cancérogènes). En fait, le groupe 2B rassemble les phénomènes ou les substances dont la nocivité sur la santé humaine n’a pas été établie avec certitude par la littérature scientifique.
Quant à l’impact de la 5G sur les animaux, Le Monde s’est penché en septembre 2019 sur un certain nombre d’affirmations et de rumeurs sur la nouvelle génération de téléphonie mobile. Il ressort que l’impact de la 5G sur les insectes est exagéré en l’état actuel des connaissances. Par ailleurs, le risque de cancer sur les rongeurs est très faible et très incertain — et en tout cas, inapplicable à l’homme. Quant à la mort suspecte de certains oiseaux, la cause est à chercher ailleurs.
Yves Le Dréan, biologiste à l’Institut de recherche en santé, environnement et travail, et enseignant-chercheur à Rennes-I, rappelait déjà en 2009 l’existence d’un grand nombre d’études sur les radiofréquences qui pointe toute à leur innocuité à court terme. En outre, « les puissances utilisées en télécommunications, quel que soit le type d’ondes, sont trop faibles pour générer un tel échauffement ». Avis partagé par Alain Sibille, professeur de physique à Télécom ParisTech, sollicité par le quotidien.
Examen sanitaire sur la 5G à venir
Cela étant, le gouvernement n’ignore pas les craintes de la population et des élus. En août 2018, l’exécutif faisait état de la mobilisation de l’ANFR et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) « pour examiner l’exposition aux ondes électromagnétiques et l’impact sanitaire éventuel de ces nouveaux développements technologiques, dès la phase des expérimentations ».
L’ANFR qui a la charge de contrôler la conformité des terminaux radioélectriques mis sur le marché, de veiller au respect des valeurs limites réglementaires d’exposition du public, de tenir à jour le protocole de mesure, mais aussi de gérer le dispositif national de surveillance et de mesure de l’exposition aux champs électromagnétiques. Quant à l’ANSES, elle se dédie à l’évaluation des risques pour la santé.
Dans la mesure où les antennes utilisées pour la 5G auront une capacité accrue de focalisation du signal et que de nouvelles ondes seront utilisées pour acheminer les télécommunications, l’ANFR convient qu’il faut « approfondir les méthodes de mesures et de préciser les limites sanitaires à adopter ». Un travail est en cours avec l’ANSES pour éclairer les pouvoirs publics et les opérateurs.
Spécifiquement, l’ANSES prévoit de procéder à une « évaluation des risques liés à l’exposition à la 5G », « en distinguant les différents types d’application de la technologie 5G (téléphonie mobile, internet des objets, communications critiques…) et en envisageant différents scénarios d’exposition ». Elle compte aussi « conduire un travail d’analyse de la controverse socio-technique », en se penchant sur les « craintes et contestations », et tout particulièrement sur les « argumentaires scientifiques sur lesquels elles s’appuient ».
Le lancement commercial de la 5G est prévu pour 2020. Il surviendra d’abord dans des endroits très localisés, c’est-à-dire des quartiers et des arrondissements de grandes villes, même s’il est aussi prévu en parallèle un déploiement dans des zones moins peuplées pour assurer une égalité entre les territoires. Les seuls sites 5G qui sont actuellement actifs en France le sont à des fins expérimentales.
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