Le Guardian a pu consulter une liste de consignes données aux modérateurs de TikTok. Il leur était demandé de bannir des contenus politiques.

Sur TikTok, on trouve de tout. Des clips musicaux, des canulars, des recettes de cuisine… mais pas de contenus politiques qui pourraient déplaire au gouvernement chinois. Dans une enquête publiée ce mercredi 25 septembre, le Guardian révèle que l’application censurerait ces vidéos.

Le média a pu consulter des documents internes à ByteDance, l’entreprise chinoise qui détient TikTok. Il y est demandé aux équipes de modération de l’application de censurer les vidéos qui mentionnent des sujets politiques sensibles en Chine. C’est le cas du massacre lors des manifestations de la place Tiananmen, de l’indépendance des Tibétains ou de certains groupes religieux réprimés et bannis du pays, comme le Falun Gong. ByteDance ferait ainsi un peu de politique étrangère sur TikTok.

Une manifestation à Hong Kong. // Source : Wikipedia

Une manifestation à Hong Kong.

Source : Wikipedia

C’est au moment des manifestations de Hong Kong, qui visent depuis plusieurs mois à faire annuler l’amendement d’une loi d’extradition par le gouvernement local, que les soupçons sont nés. Plusieurs personnes estimaient que TikTok ne reflétait pas bien la réalité de ces événements. En tapant des mots-clés, racontait le Washington Post mi-septembre, on trouvait très peu de contenus sur les manifestations. Celles-ci sont pourtant particulièrement massives et les images sont très partagées sur les (autres) réseaux sociaux. Il semblerait, à la lumière des informations données par le Guardian, qu’elles aient en fait été censurées.

Le média précise qu’il ne sait pas si toutes les vidéos ont été supprimées. En effet, TikTok distingue dans ses conditions d’utilisation deux échelles de non-respect des règles :

  • Les contenus peuvent être supprimés,
  • Ou, si les faits sont moins graves, peuvent seulement être invisibilisés. Ils seront alors toujours en ligne, mais ne figureront plus dans les résultats de recherche ou sur la page d’accueil des utilisateurs et utilisatrices.

Des sujets considérés comme trop sensibles

Les règles concernant les sujets politiques en Chine étaient classées dans la catégorie « discours de haine et religion ». Elles étaient à portée générale, selon le Guardian, qui donne un exemple : « Les critiques du système socialiste chinois étaient globalement bannies pour motif de ‘critique/attaque envers les règles politiques ou social d’un pays’ ». Toute « diabolisation ou distorsion » d’événements dramatiques comme le génocide cambodgien ou le massacre de la place Tiananmen sont également interdits. Les règles ne précisent pas ce qui sera considéré comme de la « diabolisation ».

Enfin, les équipes de TikTok avaient pour consigne de modérer toutes les vidéos sur des sujets « très controversés comme le séparatisme, les conflits religieux, les conflits entre des groupes ethniques ». « Exagérer » ce type de conflit comme celui qui oppose le Tibet à Taiwan était considéré comme contraire au règlement. Dans tous les cas cités ci-dessus, les vidéos devaient être masquées et peu accessibles. D’autres contenus semblaient pouvoir être totalement supprimés, comme par exemple des vidéos promouvant le Falun Gong. En 2001, 5 personnes appartenant à ce groupe se sont immolées place Tiananmen, ce qui a renforcé la répression du gouvernement à leur encontre.

Des « figures sensibles » sont aussi bannies de la plateforme. On trouve parmi elles des dirigeants politiques comme Kim Jong-Il, Vladimir Poutine, Barack Obama ou encore Donald Trump. Le dirigeant de la Chine n’en fait évidemment pas partie.

D’autres consignes contenues dans le document posent problème, notamment celles sur la pédopornographie. Si les modérateurs ne parviennent pas à déterminer si la victime a l’air d’avoir moins de 18 ans, il est demandé de la considérer par défaut… comme un adulte.

ByteDance a expliqué dans un communiqué que le document avait été mis hors circuit, dès le mois de mai. L’entreprise estime aussi que ses règles ne favorisent aucun pays. Elle dit avoir simplement voulu « minimiser les conflits » sur TikTok. Elle reconnaît que cette approche n’était « pas la meilleure » et elle tenterait selon ses dires d’améliorer les consignes données aux modérateurs. « Nous comprenons aussi que nous devrons être plus transparents et communiquer sur les politiques que nous développons », a précisé un porte-parole.

L’app TikTok est extrêmement populaire. Elle compte au moins 500 millions d’utilisateurs et aurait été téléchargée plus d’un milliard de fois.


Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !