C’est en 2020 que Facebook souhaite lancer son porte-monnaie numérique Calibra, qui repose sur le projet Libra. Mais la France et l’Europe pourraient leur fermer la porte.

Bruno Le Maire persiste et signe. Présent ce jeudi 12 septembre à l’ouverture du forum mondial de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) sur les politiques en matière de technologie de la Blockchain, le ministre de l’Économie et des Finances a lancé une lourde charge contre le projet Libra, et à travers lui Calibra, qui est le futur porte-monnaie numérique de Facebook.

Le ministre français a en effet annoncé la couleur : il n’a pas l’intention « d’autoriser le développement de Libra sur le sol européen ». À ses yeux, il y a trois enjeux qui se jouent avec l’initiative du réseau social : celui de la « souveraineté monétaire des États », celui de la lutte contre les usages illicites de la monnaie et enfin celui de la stabilité financière et des risques pour les particuliers et les entreprises.

Le fait est, toutefois, que l’association Libra a pris pied sur le sol européen. En Suisse très précisément, c’est-à-dire dans un pays qui n’est pas membre de l’Union européenne. Le 11 septembre, il a été annoncé que l’association entend obtenir une licence de système de paiement auprès de la FINMA (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers).

Libra est une cryptomonnaie soutenue par des entreprises comme PayPal, Uber, Lyft, Spotify ou Iliad en France (Free), mais aussi des ONG. Certes, Facebook a joué un rôle d’impulsion côté technique et a un intérêt, mais le projet est open source, dirigé par plusieurs acteurs et décentralisé (chaque acteur peut opérer son nœud comme il le souhaite). En somme, Facebook est acteur du projet et aura sa propre intégration de la monnaie, mais Uber ou Free pourront l’utiliser sans passer par Facebook.

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Libra et la présentation de ses différentes facettes sur le site officiel du projet.

Risques pour les États, les entreprises, les particuliers

« Toutes ces préoccupations sur Libra sont sérieuses », a ajouté Bruno Le Maire, qui avait déjà affiché son hostilité dès la présentation du projet, le 18 juin. «Libra soulève un risque systémique à partir du moment où il y a 2 milliards de consommateurs. Toute défaillance dans le fonctionnement de cette monnaie dans la gestion de ses réserves pourrait créer des désordres financiers considérables ».

Le ministre craint tout particulièrement une colonisation de la monnaie dans les pays dont la devise est faible : « Libra se substituera à des monnaies souveraines et remettra en cause l’indépendance des États. Cette privatisation éventuelle d’une monnaie soulève des risques d’abus de position dominante [et] de souveraineté ». Une perspective que partagent aussi des spécialistes en économie.

Si le prix à payer de l’émergence de nouvelles technologies c’est la destruction des États, ça sera sans la France

À l’occasion de son discours à l’OCDE, le ministre a saisi l’opportunité pour mettre en avant deux solutions qui permettraient de donner le change à Libra. Au niveau des banques tout d’abord, il est question d’une amélioration (à travers une réduction des coûts et des délais) des transactions financières mondiales. Avec la création d’une cryptomonnaie publique mondiale ensuite, sujet qui était déjà évoqué début septembre.

Pour le ministre, il se joue même une bataille qui ne dit pas son nom avec la philosophie libertarienne dans le domaine des nouvelles technologies. Or, « il n’y a pas de raison pour que la philosophie libertarienne l’emporte  », a argué Bruno Le Maire Ni que ces nouvelles technologies doivent être forcément guidées par une idéologie « qui refuse toute régulation et qui conteste tout rôle à l’État ».

Dans le cas contraire, « si le prix à payer de l’émergence de nouvelles technologies c’est la destruction des États, ça sera sans la France et sans les États européens », a-t-il prévenu.


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