Le président a déclaré que les émeutes qui ont eu lieu à la fin du mois de juin 2023, à la suite de la mort du jeune Nahel M., étaient en partie causées par les jeux vidéo. Un vieil argument qui n’est pas vrai.

Les jeux vidéo auraient-ils « intoxiqué » les jeunes ? Le vendredi 30 juin 2023, au sortir d’une cellule de crise dédiée aux heurts suite au meurtre par un policier du jeune Nahel, Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots. Après avoir pointé du doigt le rôle de plusieurs applications dans « l’organisation de rassemblements violents », et demandé aux réseaux sociaux d’identifier « celles et ceux qui utilisent ces réseaux sociaux pour appeler au désordre ou exacerber la violence », le président a également taclé les jeux vidéo.

« Les plateformes et les réseaux sociaux jouent un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours. Nous avons vu sur plusieurs d’entre elles, Snapchat, TikTok et plusieurs autres, à la fois l’organisation de rassemblements violents se faire, mais une forme de mimétisme de la violence, ce qui chez les plus jeunes, conduit à une forme de sortie du réel. On a le sentiment parfois que certains d’entre eux vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués », a-t-il déclaré (à partir de 2 minutes 40 dans la vidéo).

Il n’y a pas de liens prouvés entre violence et jeux vidéo

Ce n’est pas la première fois que les jeux vidéo sont blâmés pour des violences. Depuis la tuerie de Columbine, en 1999, lorsque deux élèves ont ouvert le feu dans leur lycée et tué 13 personnes, les jeux vidéos sont, à chaque nouvelle fusillade américaine, désignés comme coupables. L’argument a été invoqué lors de la tuerie de Virginia Tech, en 2007, et Donald Trump l’a reprise à son compte en 2019, suite à la fusillade d’El Paso.

Une scène de CS:GO. // Source : CS:GO
Une scène de CS:GO. // Source : CS:GO

Jusqu’à présent, l’argument été surtout présent aux États-Unis, le pays où le plus de tueries de masse ont lieu. Avec le commentaire d’Emmanuel Macron, cette rhétorique fait son arrivée en France. Le lien entre les jeux vidéo et la violence n’a pourtant jamais été prouvé scientifiquement. Une étude parue en 2015 a même souligné l’absence de lien notable entre les jeux vidéo et les comportements violents. Elle concluait que l’influence des jeux vidéo, même ceux considérés comme violents, était « minime » chez les enfants et les adolescents.

Une autre étude, parue en 2018, apportait la même conclusion. Après avoir exposé pendant 2 mois des cobayes à un « jeu violent » (GTA V), les chercheurs n’ont trouvé « aucun changement significatif » dans « l’évolution du niveau d’agressivité » des joueurs. Même résultat chez l’American Psychological Association, qui expliquait en 2020 qu’il n’y avait « pas assez de preuves scientifiques pour établir un lien de causalité entre les jeux vidéo violents et les comportements violents ».

Les jeux vidéo ont néanmoins toujours bon dos, comme on vient de le voir avec le commentaire d’Emmanuel Macron. En incombant la responsabilité à des jeux de tirs ou à GTA, on peut ainsi éviter d’avoir à se pencher sur les idées racistes et nationalistes du tireur d’El Paso, comme Donald Trump l’a fait en 2019, ou de s’interroger sur les violences systémiques dans la police, comme on peut le voir en France.

@numerama

Une cagnotte lancée sur GoFundMe appelle à soutenir la famille du policier auteur du coup de feu mortel sur Nahel. Elle a déjà réuni près d’un million d’euros. Des voix s’élèvent pour réclamer son annulation. GoFundMe estime, de son côté, que la cagnotte est « conforme » à ses règles. #GoFundMe#GofundmeComplice #nahel #justicepournahel #justicepournael#police #numerama #manifestation #paris #gendarmes#emeutes#actu#news#france

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Une citation très critiquée

En plus de l’utilisation de cet argument hasardeux, Emmanuel Macron est également critiqué sur les réseaux sociaux pour ce que certains voient comme un « retournement de veste ». Le président a, en effet, essayé de se rapprocher du milieu du gaming et de l’e-sport à plusieurs reprises ces derniers mois.

En juin 2022, Emmanuel Macron avait ainsi invité plusieurs grands noms du streaming français à l’Élysée, tels que Kameto, Ceb et Kayane, et avait promis de soutenir la filière de l’e-sport. Lors du Zevent, l’évènement caritatif organisé par Zerator, le président avait également adressé ses félicitations aux participants dans un tweet, qui avait été particulièrement mal reçu.

Voir son brusque revirement aujourd’hui est un signe, pour certains internautes, de l’opportunisme du président — et beaucoup l’ont critiqué. Reste à voir maintenant comme son discours sur les jeux vidéo et l’industrie du gaming et du streaming évoluera dans les prochains mois — et si le président parlera à nouveau du Zevent lors de la prochaine édition.

https://twitter.com/ZeratoR/status/1674792823999303681
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