La carte de Snapchat a fait beaucoup parler d’elle pendant les émeutes en France en juin 2023, car beaucoup de scènes de heurts y ont été diffusées. Elle est aujourd’hui au centre d’une controverse.

Snapchat a-t-il délibérément modifié les images de sa « Snapmap » lors des émeutes ? Lundi 10 juillet, lors d’une audition à l’Assemblée nationale avec la commission d’enquête sur « les violences à l’occasion des manifestations et rassemblements entre le 16 mars et le 3 mai 2023 », les parlementaires recevaient les représentants de plusieurs réseaux sociaux.

Les responsables des affaires publiques de Meta (Facebook et Instagram), TikTok, et Snapchat devaient répondre aux questions des députés sur les actions prises pour limiter les contenus violents sur leurs plateformes respectives. Malgré le sujet de la commission, c’est-à-dire les violences lors des manifestations contre la réforme des retraites, les heurts survenus après le meurtre de Nahel M. en juin 2023 ont été abordés par Sarah Bouchahoua, la représentante de Snapchat. L’une de ses déclarations a, en particulier, soulevé de nombreuses questions. Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’audition sur le site de l’Assemblée nationale.

Captures d'écrans de vidéos postées sur Snapchat.  // Source : SNAPCHAT
Captures d’écrans de vidéos postées sur Snapchat. // Source : SNAPCHAT

Les déclarations de Sarah Bouchahoua

Dès la mort de Nahel, « nous avons créé une task force interne qui réunit nos équipes de modération, nos équipes de collaboration avec les forces de l’ordre, moi-même, et nos équipes d’ingénierie et de communication afin d’essayer de traiter et d’endiguer le plus rapidement possible les contenus illicites que nous avons pu voir », indique-t-elle.

« Notre équipe a été en dialogue constant avec les différents ministères et autorités locales en répondant rapidement à toute demande ou occupation provenant des autorités françaises. Nous sommes fiers aujourd’hui d’avoir pu répondre dans des délais très restreints et dans l’urgence aux trois principales préoccupations du gouvernement : retirer le plus rapidement possible l’ensemble des contenus signalés, répondre le plus rapidement possible aux réquisitions judiciaires provenant des autorités françaises, et sensibiliser notre audience sur les différents phénomènes perçus sur le terrain. »

[…]

« Nous avons beaucoup entendu parler de la fonctionnalité carte de Snapchat. Nous avons travaillé conjointement avec le ministère de l’Intérieur et différentes autorités afin d’essayer d’endiguer le plus rapidement possible les différents dérapages qu’on a pu apercevoir sur le terrain, et pour le coup, l’ensemble des stories qui étaient publiées sur la map étaient vraiment des utilisateurs de Snapchat à la fin qui se plaignaient des émeutes et des conséquences des émeutes. Nous sommes fiers d’avoir pu participer et collaborer entre le privé et le public afin de protéger nos utilisateurs le plus rapidement possible. »

Snapchat a-t-il manipulé les vidéos de la Snapmap ?

Pour rappel, la Snapmap est une fonctionnalité du réseau social qui permet à tout le monde de voir les vidéos partagées sur le réseau social en fonction de leur géolocalisation. Une version web de la carte existe même, et il suffit d’aller sur un endroit précis pour voir ce que les utilisateurs locaux postent. Pendant les émeutes suite à la mort de Nahel M, on pouvait ainsi voir, en quasi-direct, les heurts sur Snapchat grâce à cette carte.

Les propos de Sarah Bouchahoua veulent-ils dire que Snapchat n’a volontairement gardé que les vidéos de personnes critiquant les émeutes ? Contactée pour avoir plus de détails, l’entreprise nous a répondu. « Toute allégation selon laquelle nous avons supprimé du contenu qui n’a pas enfreint nos directives est infondée et fausse », a déclaré Snapchat. « La grande majorité des contenus que nous avons vus en rapport avec les évènements récents étaient constitués de personnes partageant leur perspective sur ce qu’il se passe sur le terrain, et conservés sur la Snap Map. Nous avons supprimé tout contenu qui incitait à la violence ou appelait au pillage, car cela n’est pas autorisé sur Snapchat

Pendant l’audience, quelques minutes avant sa déclaration polémique, Sarah Bouchahoua avait également précisé que les contenus violents, qui « essayent d’inciter ou de glorifier ou de représenter la violence humaine, la maltraitance des animaux », étaient interdits. Elle n’a pas parlé de ceux partageant simplement des images des émeutes.

Il semblerait donc que Snapchat ait modéré la Snapmap, en supprimant les vidéos signalées — ce qui est bien différent d’une manipulation. Il n’empêche qu’il n’est pas possible de savoir ce qui rentre exactement dans la définition de contenu « qui incit[e] à la violence ou appel[le] au pillage », et qui méritent donc suppression selon Snapchat.

Captures d'écran de vidéos Snapchat // Source : Snapchat. Montage Numerama.
Captures d’écran de vidéos Snapchat // Source : Snapchat. Montage Numerama.

Pendant les émeutes, Snapchat avait été au centre de l’attention, notamment parce que le gouvernement a braqué un projecteur sur l’application Le 30 juin, Emmanuel Macron avait critiqué Snapchat et Tiktok, estimant que ces derniers avaient eu « un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours ». Il avait ensuite demandé aux plateformes d’ « organiser le retrait des contenus les plus sensibles ». Quelques jours plus tard, le 3 juillet, c’était au tour d’Éric Dupond-Moretti de rappeler que les personnes qui avaient organisé des émeutes sur Snapchat seraient poursuivies.

Aujourd’hui encore, les faits et gestes de la plateforme sont scrutés. Il est normal que les déclarations de sa représentante, qui pouvaient laisser entendre que Snapchat avait volontairement laissé sur la plateforme seulement des contenus critiquant les émeutes, aient fait polémique. Sa collaboration avec les forces de l’ordre peut, de même, être considérée comme un sujet sensible en ce moment.

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