Une loi en discussion au Parlement propose une majorité numérique à 15 ans. Mais durant l’examen, les députés ont ajouté la possibilité que tout parent puisse exiger la suppression du compte de son enfant mineur, sur n’importe quel réseau social.

Donner systématiquement aux parents le pouvoir de réclamer la suppression de n’importe quel compte de leur enfant sur un réseau social : c’est la piste qui figure dans une proposition de loi en cours d’examen en procédure accélérée à l’Assemblée nationale depuis le 28 février 2023, qui vise plus largement à « instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne ».

Au cœur du texte figure l’objectif d’instaurer une majorité numérique, fixée à 15 ans pour l’inscription aux services de réseaux sociaux. Néanmoins, le texte a évolué de façon à donner aux parents la possibilité d’obtenir la suppression d’un compte sur un réseau social, tant que leur enfant n’atteint pas l’âge de 18 ans. Une mesure qui ne figurait pas dans le texte initial.

Donner aux parents une option pour supprimer le compte de leur enfant mineur

La nouvelle rédaction du texte déclare ainsi que « les parents de chaque enfant mineur peuvent demander la suppression du compte de l’enfant jusqu’à sa majorité civile, l’autorité parentale de l’enfant s’exerçant ». Les mineurs auraient toujours le droit d’en créer un, s’ils ont au moins 15 ans et si l’autorité parentale donne son feu vert à une telle inscription.

Dans cette optique, si le texte passait en l’état, les réseaux sociaux qui exercent en France auraient l’obligation de prévoir un mécanisme à travers lequel ils pourraient recevoir la requête d’un parent au sujet du compte de son enfant mineur. Pourraient être visés Facebook, Instagram, Snapchat, TikTok, YouTube, Twitter, Twitch, Tumblr ou encore Reddit.

Les réseaux sociaux, dans le texte, sont définis ainsi : une « plateforme permettant aux utilisateurs de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils, en particulier au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations. »

La mise en place de ce mécanisme nécessiterait toutefois plusieurs préalables, en particulier : apporter la preuve de la filiation entre le requérant et le propriétaire du compte, afin d’éviter des abus (en somme, le parent devra bien démontrer qu’il est qui il prétend être par rapport au mineur ciblé). Il faudra aussi s’assurer que cet enfant a bien moins de 18 ans.

enfant adolescent
Le seum des enfants si cela survient. Allégorie. // Source : Pixabay et Canva

Pour cela, les réseaux sociaux vont devoir utiliser des « solutions techniques certifiées » par le régulateur de la communication numérique, qui élaborera un « référentiel » après avoir consulté la Cnil. La loi se contente de fixer le cap général : pour le détail, c’est-à-dire les modalités d’application, il faudra attendre la sortie d’un décret ad hoc, plus tard.

Un mécanisme dont les rouages restent à construire

C’est sur cette solution technique que reposera le mécanisme initial visant à vérifier l’âge des utilisateurs et le consentement des titulaires de l’autorité parentale. De fait, se posera aussi la question du traitement de toutes ces données personnelles, qui impliquent des identités et des filiations entre internautes. La Cnil devra y veiller. Une tâche de plus pour l’autorité de protection.

Le cadre est donc fixé, mais toute la partie technique est de fait renvoyée à plus tard, ce qui laisse augurer une usine à gaz à mettre en place parmi tous les réseaux sociaux s’adressant aux internautes français. Aujourd’hui, les plateformes avancent en ordre dispersé : TikTok ne semble pas fournir de mécanisme particulier, mais Google si (sur la base d’un seuil à 13 ans).

Autre difficulté probable à venir : des comptes pourraient échapper à la vigilance des parents, si l’enfant se cache pour ouvrir ses profils. Il peut tout aussi bien mentir sur son âge et ne pas utiliser des éléments qui pourraient l’identifier (un nom, un avatar, une adresse mail). C’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui pour certains jeunes, indépendamment de cette loi.

La proposition de loi n’a pas de réponse particulière à fournir à ces limites et celles que l’on imagine potentiellement risqueraient surtout de provoquer une levée de bouclier. On pense à l’obligation d’utiliser son vrai nom partout et d’attester de son âge et de son identité en transmettant des copies de ses papiers, deux pistes qui ont déjà fait controverse autrefois.

Le texte a en revanche des sanctions en tête, dans le cas du non-respect du contrôle de l’âge : une mise en demeure préalable du régulateur d’abord et, si rien n’a changé quinze jours plus tard, le tribunal pourra être saisi et fixer une amende jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial du réseau social fautif. Et cela vaut aussi pour l’option de suppression du compte.

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