Incapable d’imposer une solution de DRM propriétaire, Sony change de stratégie. Sa filiale Sony Pictures souhaite enrôler distributeurs et studios de cinéma dans une solution de DRM mutualisée, avec la garantie de l’interopérabilité pour les consommateurs.

Alors que l’industrie du disque commence tout juste à faire son deuil du fantasme du contrôle de l’usage après-vente, l’industrie du cinéma dépense encore des fortunes en recherche, développements et petits fours pour mettre au point des solutions de DRM présentées en fanfare lors de pompeuses réceptions. Sony Pictures s’apprête à son tour à lancer sa solution « Open Market » (marché ouvert), qui doit assurer la continuité des DRM en mettant fin aux problèmes récurrents de l’absence d’interopérabilité entre les services et les appareils.

L’Open Market devrait être une série de protocoles et d’outils mis à disposition de tous les industriels, pour faire que leurs services et leurs appareils puissent fonctionner en coeur dans un même environnement transparent pour l’utilisateur. Jusqu’à présent, les services de vidéo à la demande doivent proposer leurs films dans un format qui ne peut être lu que par un certain types d’appareils, qui n’est pas forcémment le même que celui choisi par un fournisseur concurrent. Le consommateur est ainsi contraint de choisir son film ou son prestataire en fonction de son équipement, ce qui freine considérablement le marché.

Avec Open Market, Sony Pictures veut changer d’optique, et associer une technologie d’interopérabilité des différents DRM (qui semble basé sur le projet Marlin, qui n’a abouti à rien depuis sa création en 2005) à une gestion des contenus par « domaines ». Concrètement, les utilisateurs devront enregistrer chacun de leurs appareils auprès d’un tiers gestionnaire des domaines, et l’utilisation des contenus téléchargés ne sera autorisée qu’à l’intérieur de ce domaine, ou des autres domaines déclarés par l’utilisateur. Un étudiant pourra ainsi déclarer tous les appareils qu’il a dans sa chambre d’étudiant (un premier domaine) et chez ses parents (un second domaine). Il sera aussi possible de partager des équipements entre plusieurs domaines. Par exemple, le colocataire de l’étudiant aura le même téléviseur que lui dans son propre domaine. Dans ce cas, l’étudiant pourra lire un film acheté par son colocataire sur le téléviseur partagé entre les deux domaines, mais il ne pourra pas le lire chez ses parents.

Pour accroître les chances de succès de sa solution, Sony Pictures veut rassembler un maximum de partenaires dès le lancement. Du côté des services, Amazon, Target, WalMart, Comcast, MovieLink et CinemaNow seraient déjà partants, tandis que du côté des studios, la Fox, Paramount, Sony, Universal et Time Warner seraient d’accord. Seuls les studios Disney (Pixar, Miramax, Touchstone…), qui sont liés au système fermé d’iTunes par l’intermédiaire de Steve Jobs, manquent à l’appel.

Il ne manque qu’un seul partenaire de poids dans l’équation : les consommateurs. Veulent-ils acheter des contenus dont ils ne seront jamais véritablement propriétaires, qu’ils ne pourront jamais prêter à des amis ou les emporter avec eux pour les lire dans des équipements qui ne sont pas enregistrés ? Veulent-ils tout simplement déclarer des équipements dans un « domaine » géré par un tiers, comme on déclarerait la possession d’un arme aux autorités ? Rien n’est moins sûr.

Le problème de l’adoption des DRM n’est pas un problème d’interopérabilité. C’est un problème de valeur ajoutée. Il n’y en a aucune. Tant que les contenus piratés offriront une liberté d’usage plus grande que les contenus légaux payants, les contenus piratés l’emporteront.


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