En refusant d’envoyer les premiers e-mails à ses abonnés avertis par l’Hadopi, Free a réussi au minimum une belle opération de communication. Au point, fait rare dans la vie parlementaire, qu’un député encourage ses citoyens à devenir clients d’une entreprise pourtant en apparence « coupable » de désobéissance civile. Le symbole est fort. Public-Sénat rapporte en effet les propos du député Nicolas Dupont-Aignan, qui « encourage les gens à aller chez Free« .
Le président de Debout la République, farouchement opposé à l’Hadopi, « appelle à boycotter tous les fournisseurs d’accès qui se livrent à cette collaboration« , estimant que la riposte graduée est un « non sens économique, technique et politique« , « une usine à gaz politique » et un « dispositif mort-né« .
Mardi en conférence de presse, l’Hadopi a refusé de répondre aux questions précises sur le cas de Free, seul opérateur à ne pas avoir envoyé les mails de la Haute Autorité. Sa présidente Marie-Françoise Marais a simplement indiqué que du point de vue de l’Hadopi, « les envois ont été faits« , et que Free ne faisait que « porter atteinte aux droits de ses abonnés« . En clair, elle estime que si l’opérateur n’envoie pas les courriels à ses abonnés, il leur fait prendre le risque de recevoir un jour une lettre recommandée sans avoir jamais eu connaissance des précédents avertissements.
Mais c’est là une bataille très trouble. Comme nous l’avions vu, la loi prévoit que l’Hadopi envoie les mails « sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l’intermédiaire » des FAI. Mais jamais il n’est défini ni par la loi ni par un décret de quelle manière cette intermédiation doit être réalisée. C’est le vide juridique le plus complet, d’autant que les FAI n’ont aucune sanction si les mails ne sont pas envoyés.
Le flou est d’autant plus grand que l’Hadopi nous a assuré que tous les opérateurs lui avaient mis à disposition une plateforme pour l’envoi des mails, ce qui sous-entend que c’est bien elle qui dispose du pouvoir juridique et technique d’envoyer les recommandations. Et pourtant elle critique Free qui n’aurait rien envoyé. Avouons ne rien y comprendre.
Le problème est aussi et surtout juridique. L’article L331-25 du code de la propriété intellectuelle dit que les lettres avec accusé de réception doivent être envoyées en cas de renouvellement de l’infraction « dans un délai de six mois à compter de l’envoi » d’un mail. Toute la question sera donc de savoir si l’Hadopi et a fortiori la justice pourront présumer que le mail a bien été envoyé, alors qu’il semble avoir été bloqué par Free. La situation est inédite en jurisprudence.
Par ailleurs, Free s’est fait tacler par Orange, dont la directrice de communication est l’ancienne ministre de la Culture Christine Albanel, à l’origine de l’Hadopi. La rébellion de Free, selon Orange, « c’est pour entretenir l’image d’un certain laxisme« .
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