Selon une étude britannique, les individus qui ont connaissance de risques de pathologie liés à leur ADN ne changent pas pour autant leur comportement. Mais aura-t-on encore le choix ?

Si l’on vous annonçait qu’avec votre ADN, vous avez de plus forts risques que la moyenne de développer des problèmes cardiovasculaires liés au cholestérol, arrêteriez-vous de reprendre des rillettes à midi ? Et feriez-vous enfin les efforts nécessaires pour arrêter de fumer, si l’on expliquait que vous avez un gêne associé à un risque particulier de développer un cancer de la gorge ?

Si l’on en croit une étude méta-analytique publiée dans la revue médicale BMJ par des chercheurs de Cambridge et de l’Imperial College de Londres, probablement pas. Les scientifiques ont en effet examiné les conclusions de 18 études précédentes au cours desquelles des patients avaient d’abord été informés des risques de maladies spécifiques liées à leur génome, avant de faire l’objet d’un suivi de leur comportement sanitaire. Or ils découvrent que les malades potentiels ne sont pas particulièrement prévoyants.

« La méta-analyse n’a montré aucun effet significatif de la communication d’estimations de risques basés sur l’ADN sur le sevrage tabagique, le régime alimentaire, pour l’activité physique », écrivent les chercheurs. « Il n’y a pas eu non plus d’effet sur tout autre comportement (consommation d’alcool, consommation de médicaments, comportements d’exposition au soleil, et participation à des programme de dépistage ou de soutien comportemental), ou sur la motivation à changer de comportement ».

Pourra-t-on continuer à choisir son comportement ?

Même si les chercheurs reconnaissent eux-mêmes que leurs conclusions restent à confirmer, en raison du manque de qualité des études rassemblées, il n’y a donc au minimum aucune preuve de ce que la connaissance de ses risques génétiques entraîne un changement comportemental.

C’est peut-être une bonne nouvelle pour ceux qui s’inquiètent des effets psychotiques de la génétique, à l’heure où le séquençage de tout son ADN devient accessible au grand public. L’homme n’est peut-être pas influençable, même par la connaissance de ses propres risques, et préfère sa liberté à sa sécurité sanitaire. Ou en tout cas, il n’est pas obsédé par cette dernière au point de brider la première.

Mais qu’en sera-t-il sous la pression des assurances médicales ? Comme nous l’avions vu avec IBM et Pathway Genomics, les industries du numérique et de l’assurance sont en train de s’allier pour combiner les dépistages de risques liés à l’ADN avec les objets connectés qui permettent de suivre en permanence l’activité de l’assuré.

Si les pouvoirs publics ne s’y opposent pas, une assurance pourra exiger (et vérifier) qu’un client sujet à des problèmes cardiaques potentiels fait bien du sport plusieurs fois par semaine ou même, les progrès technologiques des capteurs aidant, vérifier que l’assuré prend bien ses médicaments (y compris à titre préventif), et savoir combien de caféine et de nicotine il injecte dans son organisme. La liberté de choix de son comportement, en toute connaissance de risques, pourrait alors se réduire à la liberté de ne plus être assuré, au mépris des risques.


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