Les conclusions d’une enquête YouGov/Monta font exulter les anti-voitures électriques. Sauf que les affirmations concernant le regret des acheteurs de voitures électriques restent à prendre avec prudence.

100 % des gagnants auront tenté leur chance ! Cette affirmation saugrenue, héritée d’un slogan publicitaire, est pourtant la parfaite illustration de la manière dont les enquêtes et sondages d’opinion restent souvent problématiques. Sans savoir quelles questions ont été posées, dans quel contexte de présentation de l’étude, avec quelles réponses possibles et surtout sur quel panel, il y a de fortes chances que l’affirmation soit biaisée. C’est le cas avec les résultats d’une enquête publiée le 2 aout qui tend à dire que plus de la moitié (54 %) des propriétaires de voitures électriques regrettent désormais leur choix à cause de la hausse des prix de l’électricité. Vraiment ?

Nombreux sont les médias à avoir repris le résultat de cette enquête sans nuancer le propos. Une simple requête Google donne plus de 2 pages de résultats sur l’affirmation principale. Il semble important de préciser quelques éléments.

Une affirmation faussée par le panel

La première question à se poser pour juger du poids de l’affirmation, c’est d’observer le panel étudié. Dans le cas de cette enquête, deux choses sont à retenir :

  • Le panel est de 618 personnes
  • Propriétaires d’une voiture électrique ou d’une hybride rechargeable

L’affirmation de « 54 % des propriétaires de VE » devrait déjà être corrigée par « 54 % de propriétaires de véhicules électrifiés ». Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes, si les deux types de véhicules nécessitent d’être rechargés, l’usage n’est pas le même. Un modèle hybride PHEV permet de faire entre 25 et 50 km en tout électrique (selon la taille de sa batterie) avec des consommations électriques supérieures à ce qu’offre une voiture 100 % électrique. L’expérience au quotidien n’est pas la même, l’impact du coût de la recharge n’offre pas la même perspective. L’affirmation est donc déjà fausse à ce niveau.

La recharge coute 10 % plus chère // Source : Raphaelle Baut
La recharge coute 10 % plus chère, mais le VE reste une bonne alternative // Source : Raphaelle Baut

Quant aux 618 personnes interrogées, que représentent-t-elles par rapport aux usagers en France ? Fin 2022, la France enregistrait 1 102 975 véhicules électriques et hybrides rechargeables, dont 690 093 modèles 100 % électriques, selon les données Avere-France. Le panel de propriétaires interrogés correspond donc à 0,05 % des utilisateurs de véhicules électrifiés, ce qui correspond à la norme pour les échantillons, mais sans vraiment plus.

Pour donner un autre exemple chiffré, le nombre de répondants est inférieur aux nombres de nouveaux propriétaires de Mini 100 % électrique pour le mois de juillet 2023. La Mini Cooper électrique se classant à 8e position du classement des immatriculations de VE du même mois.

Une question, des réponses et une analyse qui ne collent pas vraiment

Il faut également se pencher sur la question qui a mené à cette affirmation des « 54 % ». La manière dont l’étude a été présentée aux répondants est inconnue, il est possible que certains éléments aient été clarifiés en dehors de la question elle-même. Il faut par contre retenir que l’enquête a été réalisée au mois de mars, et non cet été.

La question posée a été : « Les récentes augmentations des coûts d’utilisation d’un VE/Hybride rechargeable vous ont-elles fait regretter l’achat/la location d’un VE/Hybride rechargeable ? »

Les participants ont ainsi répondu selon les réponses proposées :

Oui, beaucoup19 %
Oui, en partie35 %
Non36 %
Je ne sais pas10 %

La question interroge donc les propriétaires sur l’impact des augmentations du coût d’utilisation du véhicule. Or, sans précision complémentaire, le coût d’usage d’une voiture est beaucoup plus vaste que les conséquences de la hausse du prix de l’électricité sur la recharge. Cette notion inclut la hausse des tarifs d’assurances, les réparations, les péages, l’essence (pour les hybrides) et d’autres frais (de financement, de parking…) qui peuvent aussi avoir augmenté avec l’inflation actuelle.

Tout ceci paraît donc, avec ce nouvel éclairage, parfaitement hors sujet. Il semble même surprenant qu’une entreprise fraîchement arrivée sur le marché français, pour proposer des solutions logicielles pour véhicules électrifiés, souhaite donner une image aussi pessimiste de la mobilité électrique. À part vouloir profiter du buzz pour faire connaître le nom de l’entreprise, rien de positif n’en ressort. C’est bien dommage parce qu’un peu plus tôt dans l’année, Monta avait réalisé un classement des régions et départements de France pour la recharge dans les hébergements touristiques, beaucoup plus intéressant et beaucoup moins polémique. Mais certainement beaucoup moins repris par les médias.

La hausse des tarifs de l’électricité est forcément une mauvaise nouvelle pour une partie des automobilistes ayant choisi de passer à la voiture électrique. De là à affirmer que plus de la moitié regrettent désormais leur choix, c’est quand même bien éloigné des témoignages observés sur tous les réseaux sociaux et forums qui débâtent de ces sujets. Le site Automobile-propre arrive également à un résultat très différent en reproduisant l’expérience, de quoi douter, la vérité est certainement entre les deux.

La question de la recharge fait partie des thèmes abordés dans la newsletter Watt Else par Numerama, éditée toutes les semaines. Abonnez-vous, si les sujets de la mobilité électrique vous intéressent.

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