Outre-Atlantique, des craintes durent depuis des mois sur les effets néfastes de la 5G sur les avions. Pourquoi ? Et la France est-elle concernée ?

C’est une discorde qui s’est implantée aux États-Unis depuis plusieurs mois, mais qui n’a pas encore vraiment gagné la France : la 5G peut-elle poser des difficultés aux avions aux abords des aéroports ? Le 21 décembre 2020, le site Defense News titrait ainsi : « L’armée s’efforce de comprendre le risque de crash aérien lié à une nouvelle vente de [fréquences] 5G. »

La 5G serait-elle donc une menace insoupçonnée pour l’aviation civile, mais aussi pour les aéronefs militaires ? On pourrait le croire à entendre les mises en garde des compagnies aériennes, ainsi que des grands constructeurs. « Les compagnies aériennes américaines préviennent que la technologie sans fil 5G pourrait perturber les vols », titre Reuters, le 16 décembre 2021.

Boeing 737 MAX avion
Les avions vont-ils être cloués au sol à cause de la 5G ? (Bon OK, là c’est un 737 Max, il n’a pas besoin de la 5G pour se clouer au sol tout seul). // Source : Nathan Coats

Le problème dans cette affaire tient au fait que les États-Unis ont décidé, dans le cadre du déploiement de l’ultra haut débit mobile dans le pays, d’autoriser les opérateurs de téléphonie mobile à exploiter certaines fréquences pour la 5G — en effet, puisqu’il s’agit de télécommunications sans fil, les données doivent passer par les ondes radio.

Ces ondes constituent le spectre électromagnétique. Il s’agit d’un champ invisible et impalpable qui se trouve partout. C’est grâce à lui que l’on peut avoir des liaisons sans fil (Wi-Fi, Bluetooth, 2G, 3G, 4G, 5G, etc.) sans recourir à un support matériel. Ce champ regroupe des ondes qui ont des spécificités (longueur d’onde, fréquence, énergie) variées.

Des fréquences qui risquent de se gêner

Dans le cas des États-Unis, la pomme de discorde se situe dans une tranche bien précise du spectre : la bande allant de 3,7 à 3,98 gigahertz (GHz), qui est aussi surnommée la bande C 5G. Il s’avère que cette tranche se trouve relativement près d’une autre portion du spectre, qui est cette fois dévolue aux opérations aériennes et notamment à la communication.

Cette bande particulière aux activités aériennes va de 4,2 à 4,4 GHz. Or, même s’il y a un écart d’environ 200 mégahertz (MHz) entre la bande C 5G et celle employée dans le cadre de l’aviation, cette proximité relative entre les deux sections fait peser un risque plus prononcé de perturbation que s’il l’on avait conservé une marge de sécurité plus importante.

Dans le cas de la France, le problème est justement moins saillant dans la mesure où il existe un écart plus marqué entre les fréquences mobilisées pour la 5G (dans l’Hexagone, elles vont de 3,4 à 3,8 GHz) et celles utilisées au profit de la radionavigation aéronautique (4,2 à 4,4 GHz). Il y a, pour ainsi dire, 400 MHz de marge.

La frise des bandes de fréquences proposée par l’Agence nationale des fréquences montre cette proximité entre ces deux blocs. Elle révèle aussi l’enchevêtrement des besoins en ondes en fonction des usages (fixe, mobile, scientifique, satellite, radiolocalisation, maritime, aéronautique, radioamateur, météorologie et radiodiffusion).

Frise fréquences
Dans le premier ovale, les fréquences pour la téléphonie mobile (5G). Dans le second, la radionavigation aéronautique. // Source : ANFR

Y a-t-il un risque entre la 5G et les avions en France ?

Cela ne veut pas dire qu’en France, il n’y a pas une relative inquiétude. Dans les semaines qui ont précédé le lancement de la 5G dans le pays, Les Échos faisaient savoir le 20 novembre 2020 que la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) avait exprimé des réserves sur la présence d’antennes 5G à proximité des aéroports, et déclenché le courroux des opérateurs.

La crainte de la DGAC portait sur les systèmes de guidage au sein des avions. En l’espèce, c’est au niveau du radioaltimètre que les doutes se sont manifestés. Le radioaltimètre se sert des ondes radio pour calculer l’altitude par rapport au sol. De ce fait, l’outil joue un rôle important lors de l’atterrissage, car il aide à déterminer la bonne trajectoire des avions.

Le potentiel scénario catastrophe avec des fréquences qui risquent de se superposer n’a jusqu’à présent pas causé, dans les faits, d’incidents particuliers — les premières autorisations ont été données en décembre 2020. En France, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) a pour mission de vérifier justement que tous les usages du spectre coexistent sans problème.

terminal Aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle
Des mesures ont été prises en France pour limiter les risques. La marge est par ailleurs plus importante qu’aux USA. // Andrei-Daniel Nicolae

« L’ANFR est présente sur le terrain et s’assure de la bonne coexistence de l’ensemble des utilisateurs de fréquences. Elle est garante d’un réseau sans interférences et intervient en cas de brouillage », indique dans une foire aux questions l’autorité rattachée au ministère de l’Industrie. L’ANFR sait d’ailleurs la problématique liée aux radioaltimètres.

Ainsi, l’ANFR explique qu’un rapport du RTCA (Radio Technical Commission for Aeronautics) d’octobre 2020 a convaincu les autorités de prendre des mesures « pour protéger les radioaltimètres opérant dans la bande 4,2-4,4 GHz des risques de brouillage », après des échanges avec les pouvoirs publics, les opérateurs, les équipementiers et le secteur aérien.

En attendant des « études complémentaires », un plan à deux niveaux a été fixé, avec application immédiate. Ainsi, pour certains aéroports où la visibilité est faible, les opérateurs 5G ont interdiction « d’orienter leurs faisceaux vers le haut », « ainsi que dans certaines zones de 1 km de rayon autour d’hélistations du ministère de la Défense » (il y en a 37 en métropole).

Les opérateurs 5G ont aussi l’obligation de prendre des dispositions techniques pour éviter une trop grande dispersion vers le haut de la puissance des antennes. C’est ce qu’on appelle des « lobes de réseaux » sur les installations lorsqu’elles sont en fonctionnement. Là encore, il s’agit de limiter le risque de perturbations avec les aéronefs en vol.

La pression monte aux USA avec l’imminence de l’utilisation des fréquences mise en cause

Dans le cas des États-Unis, la situation continue de faire débat compte tenu de la faible marge entre la bande C 5G et celle qu’utilisent les radioaltimètres. Le sujet tend à prendre de l’ampleur outre-Atlantique, justement parce que cette portion du spectre doit commencer à être utilisée par les opérateurs à partir du 5 janvier 2022.

Sauf que les appels du côté de l’industrie aéronautique sont de plus en plus forts pour demander un report de ce lancement voire, à demi-mots, son abandon — ce qui ne sera pas nécessairement acquis, car les opérateurs ont dépensé pas moins de 80 milliards de dollars pour acquérir des licences sur ces fameuses fréquences. Il faudrait alors les rembourser.

Le lancement commercial de la bande C 5G avait déjà été reporté de quelques mois — celle-ci devait entrer en fonctionnement en novembre 2021 initialement. Reuters rapporte également que les grands opérateurs américains ont aussi accepté de se soumettre à des mesures de précaution, pour une durée de six mois, pour vérifier s’il y a des interférences et, le cas échéant, les limiter.

Le sujet est en tout cas de gravir rapidement les échelons du pouvoir aux USA. Ars Technica indique le 21 décembre qu’outre l’administration fédérale de l’aviation civile et son homologue en charge des télécommunications, le gouvernement est aussi sollicité : Boeing et Airbus ont ainsi tiré la sonnette d’alarme auprès de Pete Buttigieg, le ministre en charge des Transports.

Source : Numerama

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