Un décret précise les modalités concernant le blocage de certains sites pornographiques, s’ils ne vérifient pas correctement l’âge des internautes. Les fournisseurs d’accès à Internet devront les rediriger sur le site du CSA.

C’est une publication qui tombe à point nommé. Alors que doit être rendu ce 8 octobre un jugement du tribunal judiciaire de Paris au sujet du blocage des principaux sites pornographiques, accusés d’être beaucoup trop accessibles aux mineurs, le gouvernement a fait publier au Journal officiel un décret détaillant la mise en œuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l’accès à des sites X.

Le décret, dont la sortie a été signalée sur les réseaux sociaux, fixe les dispositions que doivent prendre les FAI pour se conformer aux décisions de justice prévoyant l’interdiction d’accès à tel ou tel site pour adultes — notamment PornHub, YouPorn et Xvideos, les poids lourds du secteur, qui sont ciblés dans le recours des deux associations de protection de l’enfance, e-Enfance et La Voix de l’enfant.

Blocage des sites X en France avec les DNS

Le décret prévoit que les opérateurs doivent procéder à ce blocage « par tout moyen approprié, notamment en utilisant le protocole de blocage par nom de domaine (DNS) ». Autrement dit, la stratégie principale repose sur le blocage des adresses web des sites X — une méthode basique, simple à mettre en place, qui demande très peu de ressources, mais qui est facile à contourner.

Un moyen de ne plus subir un filtrage par DNS est de changer la configuration par défaut des DNS de son PC. Au lieu d’utiliser les réglages fournis par son FAI, on peut opter pour des résolveurs DNS tiers qui sont hors de portée des consignes figurant dans le décret. Les personnes les plus débrouillardes peuvent même construire leur propre résolveur DNS, mais ce ne sera pas le cas général.

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Le logo de Pornhub.

Source : Pornhub

Modifier les DNS est une pratique d’autant plus simple (et enseignable) qu’elle est déjà utilisée, à plus petite échelle, pour accéder à d’autres sites web bloqués sur décision de justice — c’est le cas en particulier des sites de téléchargement illicite. Avec les sites X visés, on peut s’attendre à une explosion des tutoriels sur le sujet sur le net.

Les internautes seront redirigés sur le site du CSA

Mais le blocage des sites par DNS n’est qu’un volet de ce qui est prévu dans le décret. Il est aussi question de rediriger les internautes souhaitant visiter les sites neutralisés « vers une page d’information du conseil supérieur de l’audiovisuel indiquant les motifs de la mesure de blocage ». Le site du CSA (qui deviendra bientôt l’Arcom) va donc être le point de chute de tous les internautes voulant accéder à Pornhub et Cie.

Cette redirection va donner des sueurs froides au webmestre du CSA. Il faut avoir en tête que ce site institutionnel, au trafic modeste (il est classé dans les tréfonds des outils de mesure d’audience), va se retrouver à absorber tous les internautes français se rendant sur Pornhub, l’un des sites les plus visités au monde. Et il ne s’agit que de Pornhub. Il faut ajouter à cette redirection tous les autres sites X visés.

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Le site du CSA.

Même en supposant que la page d’information à afficher soit aussi épurée et légère que possible, pour qu’elle soit très facile à charger, même en imaginant que les infrastructures soient redimensionnées en conséquence, on peut douter que le CSA parvienne à tenir la charge d’une telle redirection. C’est exactement comme re-router le fleuve Amazone et son débit énorme sur une petite rivière de campagne.

Le décret donne enfin au CSA la capacité « d’adopter des lignes directrices concernant la fiabilité des procédés techniques permettant de s’assurer que les utilisateurs souhaitant accéder à un contenu pornographique d’un service de communication au public en ligne sont majeurs ». Il existe en effet un débat, irrésolu à ce jour, sur la manière de vérifier l’âge des internautes se rendant sur un site X.

Aujourd’hui, nombre de sites pornos affichent une page d’accueil demandant à l’internaute de déclarer sur l’honneur qu’il a bien dix-huit ans. Et, manifestement, tout le monde a dix-huit ans sur Internet. Cette page n’est objectivement pas en mesure de vérifier quoi que ce soit. Dès lors, des solutions ont été avancées : achat d’un pass porno en boutique, contrôle par carte bancaire. Il a même été évoqué FranceConnect.

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