La Cnil a rendu son avis sur la création d’un pass sanitaire. Sur le fond, elle estime que le peu de situations dans lesquelles il sera obligatoire est plutôt rassurant, mais souligne le manque de précisions dans la loi, et rappelle le caractère extrêmement « inédit » du dispositif. Elle suggère également plus de garanties pour prévenir des dérives potentielles.

Quand la Cnil est agacée, cela se ressent dans ses communiqués. Le gendarme des données personnelles a publié, ce 12 mai 2021 au soir, son avis sur le fameux pass sanitaire voulu par le gouvernement, dans le cadre de la réouverture des lieux accueillant du public qui aura lieu dans quelques jours en France.

La Cnil y déplore très clairement d’avoir dû se prononcer en « extrême urgence » sur la création du pass sanitaire, et énonce une absurdité : son avis est publié alors que le développement du pass sanitaire a déjà voté : « La Cnil a exprimé, dans son avis, le regret d’avoir à se prononcer dans un délai si bref et postérieurement aux débats intervenus, en première lecture, à l’Assemblée nationale, le principe du passe sanitaire ayant pourtant été évoqué de longue date », peut-on lire dans le communiqué. La Cnil a été saisie le 4 mai 2021, soit moins d’une semaine avant le début des débats à l’Assemblée.

« Si elle relève que le Gouvernement n’était pas tenu de la saisir (…) il n’en reste pas moins qu’un tel dispositif, inédit depuis l’intervention de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, aurait mérité un temps de réflexion plus long, à travers un projet de loi soumis à son examen et à celui du Conseil d’Etat, ce qui aurait été possible, le principe en ayant été évoqué de longue date », peut-on lire dans son avis complet.

La Cnil demande des garanties pour éviter les dérives

Il est prévu que le pass sanitaire (sur lequel le gouvernement donne des informations sur ce site officiel) soit obligatoire pour voyager en Europe et pour les personnes qui souhaiteront se rendre dans des événements qui accueillent plus de 1 000 personnes (festivals, concerts, expositions, etc) en France.

Sur le fond, le gendarme des libertés individuelles semble accepter le principe de ce pass sanitaire obligatoire s’il est bien limité à des situations bien précises et si des garanties sont données, mais regrette que les événements mentionnés ne soient pas encore bien définis précisément dans la loi.

« Alerte sur le risque de créer un phénomène d’accoutumance »

Elle note également que ce dispositif correspond à la première fois en France où l’on va « conditionner l’accès à certains lieux, établissements ou événements à la présentation de la preuve de l’état de santé des personnes », ce qui reste à la fois « sensible et inédit ».

La Cnil suggère également qu’il faudrait, selon elle, très clairement que la loi garantisse l’interdiction à d’autres professionnels de demander un pass sanitaire obligatoire. Il faudrait selon elle bannir « explicitement la possibilité pour les responsables des lieux qui ne sont pas visés par le dispositif de conditionner, de leur propre initiative, l’accès à la présentation des preuves numériques certifiées ». Par exemple, empêcher la possibilité qu’un restaurateur décide d’obliger ses clients à présenter un pass sanitaire pour consommer dans son établissement.

C’est d’ailleurs un des points importants de l’avis de la Cnil, qui « alerte sur le risque de créer un phénomène d’accoutumance préjudiciable qui pourrait conduire à justifier, par exemple, que l’accès à un cinéma soit conditionné à la preuve que la personne n’est pas porteuse de certaines pathologies, autres que la COVID ». Elle rappelle que « la possibilité d’accéder aux lieux de sociabilité sans avoir à prouver son état de santé fait partie des garanties apportées à l’exercice des libertés et participe à dessiner une frontière raisonnable entre ce qui relève de la responsabilité individuelle et du contrôle social.»

Toutefois, la Cnil admet que la création du pass se situe dans un « contexte très particulier » lié au coronavirus, après plus de 18 mois à côtoyer le virus et 3 grosses vagues épidémiques, qui vise la réouverture rapide des lieux de culture tout en respectant des contraintes sanitaires compliquées. Il s’agit d’un « choix » politique qui « appartient » au gouvernement, et sur lequel la Cnil ne se prononce pas.

TousAntiCovid sur un iPhone // Source : Numerama

TousAntiCovid sur un iPhone // Source : Numerama

Qu’est-ce que le pass sanitaire ?

Le pass sanitaire est un projet voulu par le gouvernement de Jean Castex, en cohérence avec ce qui a été demandé par l’Union européenne : la création, d’ici la mi-juin, d’un certificat vert qui permettrait de faciliter la circulation entre les pays de l’UE.

Plusieurs choses sont à noter. La première, c’est que le pass sanitaire n’est pas un passeport de vaccination. Il faut le voir comme une sorte de pochette dans laquelle vous pouvez glisser un de ces trois documents :

  • soit un certificat de test PCR récent et certifié
  • soit un certificat de vaccination
  • soit un certificat de rétablissement (pour les anciens malades du covid)

Ces certificats contiennent tous des QR Code, mais ils ne sont pas forcément numérique : si vous n’avez pas de smartphone, vous pouvez tout à fait les imprimer sur une feuille de papier. Si vous avez un téléphone intelligent, vous pourrez intégrer un de ces documents à l’application TousAntiCovid ou bien le présenter en PDF. C’est d’ailleurs un point sur lequel a insisté la Cnil dans son avis : « Le dispositif mis en œuvre devrait garantir que les personnes ne disposant pas d’une preuve intégrée dans l’application « TousAntiCovid » (preuve papier ou preuve au format PDF) devraient pouvoir avoir la possibilité de ne présenter que le code-QR contenant les données numériques lors du contrôle de leur état sanitaire.»

La deuxième chose, c’est que le pass sanitaire a été relativement mal présenté, et cela a généré un grand nombre de cafouillages en France au cours de ces derniers jours. Par exemple, l’Assemblée nationale a voté contre le projet de loi de sortie de crise, par surprise le 11 mai, pour montrer sa désapprobation dans la manière dont le gouvernement serait passé très rapidement sur les débats afin de le faire valider. Ce n’est qu’après un deuxième vote que le projet a été voté.

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