Le Parlement européen a adopté une résolution demandant à la Commission de prendre des mesures pour favoriser la réparation et la réutilisation des appareils.

Réparer et réutiliser, plutôt que jeter et remplacer. Voilà la philosophie générale que le Parlement européen aimerait encourager partout sur le continent, dans l’optique de pousser en faveur d’une consommation plus raisonnable. En ce sens, elle a voté une résolution le 25 novembre qui demande à la Commission de plancher sur un « droit à la réparation » pour favoriser l’allongement de la durée de vie des appareils.

Le texte approuvé par les eurodéputés n’a aucune valeur juridique contraignante, mais il manifeste l’inclinaison de la représentation européenne à la réparabilité des objets et aux moyens de les rendre aussi durables que possible. Ce n’est pas la première fois d’ailleurs qu’elle s’empare de ce sujet. En janvier 2019, elle avait par exemple pris une résolution en faveur d’un chargeur universel, pour éviter le gaspillage.

Réparer et prolonger la durée de vie des appareils

Parmi les axes que le Parlement avance figurent l’extension de la durée des garanties, d’en faire bénéficier les pièces remplacées par un réparateur professionnel ou encore de démocratiser davantage l’accès aux informations sur la réparation et l’entretien des produits. Les députés souhaitent aussi agir en faveur du marché des biens d’occasion et de la production durable, avec par exemple un indice dédié.

Des initiatives contre l’obsolescence programmée sont aussi demandées, pour dissuader les pratiques réduisant artificiellement la durée de vie des produits, matériels mais aussi logiciels. En particulier, les élus souhaitent s’attaquer « aux pratiques qui raccourcissent de fait la durée de vie d’un bien pour en accroître le taux de remplacement et limiter ainsi indûment la réparabilité des biens ».

Il s’agirait d’inscrire ces comportements à la liste des pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales.

Sur le plan logiciel, les députés sont favorables à ce que soient imposées les mises à jour correctives (c’est-à-dire de sécurité et de conformité) pendant la durée de vie estimée du dispositif, selon sa catégorie. Quant aux mises à jour évolutives, celles-ci doivent être réversibles. Il est aussi rappelé qu’une mise à jour« ne doit jamais réduire les performances ou la réactivité des biens ».

iFixit souligne la facilité avec laquelle on peut retirer la plupart des éléments du smartphone. // Source : iFixit

iFixit souligne la facilité avec laquelle on peut retirer la plupart des éléments du smartphone.

Source : iFixit

D’autres pistes sont avancées, comme la standardisation des pièces détachées au profit de l’interopérabilité et l’innovation, mais en respectant un cahier des charges strict  en matière de sécurité des produits, un étiquetage des produits selon leur durabilité, une maîtrise des prix pour les pièces détachées et une estimation de la durée de vie normale du produit.

La résolution cible aussi d’autres domaines, comme le marché de la publicité (il est par exemple suggéré d’appliquer des critères de vérification lorsque des allégations sur le plan environnemental sont faites), les règles d’attribution en matière de marchés publics, la gestion des déchets et le droit, afin de retirer les obstacles juridiques qui, selon les élus, empêchent la réparation, la revente et la réutilisation.

Ces pistes doivent « faire en sorte que les réparations deviennent systématiques, rentables et attrayantes, en tenant compte des spécificités des différentes catégories de produits », commente le Parlement. « Le temps est venu d’utiliser les objectifs du pacte vert comme fondement d’un marché unique qui promeut les produits et services durables par leur conception », ajoute le rapporteur du texte, David Cormand.

L’institution fait observer au passage que le public est sur la même longueur d’onde, en citant un sondage montrant que 77 % de la population est en faveur de la réparabilité, tandis que 79 % des sondés sont pour une obligation juridique sur les fabricants pour qu’ils facilitent la réparation des biens numériques ou le remplacement de leurs pièces détachées.

« C’est une grande victoire pour les consommateurs de toute l’Europe »

La résolution a été très largement saluée par un certain nombre d’observateurs qui gravitent dans le milieu de la réparabilité, comme The Restart Project ou même iFixit, célèbre plateforme américaine spécialisée dans le démontage d’appareils en tout genre, comme les smartphones, et productrice de guides de réparation pour le grand public (avec une note sur 10 pour décrire la facilité de la manipulation).

« C’est une grande victoire pour les consommateurs de toute l’Europe. Ce vote déclenchera une vague de nouvelles politiques favorables à la réparation », réagit Matthias Huisken, cadre chez iFixit Europe. « Nous espérons que cela se traduira par une action rapide pour mettre en place un indice de score de réparabilité obligatoire pour tous les produits électriques et électroniques », ajoute Ugo Vallauri, de Right to Repair.

« Ce vote montre que le droit à des mesures de réparation est soutenu par les sondages d’opinion mais aussi par le Parlement européen. La Commission doit maintenant profiter de cet élan et avancer rapidement en 2021 sur un score de réparabilité à l’échelle de l’UE pour tous les appareils électroniques et sur des règles de réparabilité pour les ordinateurs », complète Chloé Mikolajczak, de Right to Repair.

En France, l’idée d’un indice de réparabilité a émergé en 2018 avec les encouragements du gouvernement. Il s’agissait de le mettre en place en 2020. Des dispositions ont été incluses dans le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui est en vigueur depuis février 2020. Cependant, plusieurs mesures n’entreront vraiment en vigueur qu’en janvier 2021.

Source : Numerama

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