Le gouvernement est interpellé par un député qui souhaite que l’on oblige les éditeurs de logiciels à consacrer un budget pour une programmation plus compatible avec les enjeux environnementaux.

Greenpeace a fait sa communication dessus : les plateformes de streaming vidéo ne sont pas toujours très écolo-compatibles. Dans un rapport daté de 2017, l’ONG avait épinglé plusieurs services très populaires, comme Netflix, HBO ou encore Amazon Video pour leurs faibles performances en matière environnementale. Netflix avait même été la cible d’une pétition pour l’inciter à changer.

Il est vrai que ce qu’on appelle le « cloud » (nuage, en anglais), c’est-à-dire des services et des ressources auxquels l’internaute accède à distance, par Internet, donne l’image d’une informatique dématérialisée, qui n’aurait pas d’assise physique. Rien n’est plus faux : le cloud repose sur d’immenses infrastructures, réparties un peu partout tout autour du globe et nécessitant beaucoup d’énergie pour fonctionner.

La couche d'ozone se reconstitue lentement. // Source : Pixnio/CC0 photo recadrée

La couche d'ozone se reconstitue lentement.

Source : Pixnio/CC0 photo recadrée

Vers un meilleur code informatique

Voilà donc le contexte dans lequel s’inscrit la question écrite posée par le député Fabrice Brun. Publiée au Journal officiel du 21 mai, elle interpelle Cédric O, le secrétaire d’État au numérique en pointant d’emblée le fait que « les usages de plateformes dématérialisées de streaming audio et vidéo et de jeux vidéo en ligne ont pour conséquence une hausse exponentielle de la consommation d’énergie ».

L’élu de l’Ardèche énumère ensuite plusieurs technologies qui, estime-t-il, ne vont qu’accélérer cette trajectoire, comme l’ultra haute définition (4K) et même celle d’après, la 8K, qui apparaît déjà l’horizon. L’élu donne aussi en exemple la 5G, ce qui étonne car cette future norme de téléphonie mobile aura une consommation énergétique réduite face aux générations précédentes (3G, 4G).

Ce constat fait, que propose le parlementaire ? Tout simplement l’obligation faite aux éditeurs de logiciels de « consacrer un budget déterminé de recherche et développement afin de pratiquer une écriture plus vertueuse en terme environnemental du code informatique ». En clair, que les développeurs codent proprement et proposent des programmes optimisés.

L’élu souhaite que les sociétés de « consacre un budget de R&D afin de pratiquer une écriture du code plus vertueuse en terme environnemental »

La suggestion de l’élu ne part pas de nulle part. Il existe un terme anglais, « bloatware », que l’on peut traduire par « inflagiciel » ou « obésiciel », qui désigne des programmes occupant une place excessive sur le disque dur ou sollicitant exagérément les ressources du PC pour fonctionner. Ce problème avait été partiellement évoqué dans un billet de blog écrit par un développeur. Le texte avait été remarqué à l’époque.

« L’application clavier de Google consomme constamment 150 Mo de mémoire. Est-ce qu’une application qui dessine 30 caractères sur un écran est réellement cinq fois plus complexe que Windows 95 tout entier [qui pesait 30 Mo, ndlr] ? L’application Google, qui est juste la recherche web empaquetée pèse 350 Mo ! », s’agaçait-il dans un papier intitulé le désenchantement du logiciel.

Et d’ajouter : « tout est juste un tas de code qui fonctionne à peine, ajouté par dessus du code qui fonctionnait déjà à peine. Et ça continue de grossir, de prendre de l’ampleur en gagnant en complexité, ce qui diminue les chances que cela change. Pour avoir un écosystème sain, vous devez revenir en arrière et réadapter. Vous devez occasionnellement jeter des choses à la poubelle et les remplacer par des éléments plus efficaces ».

Le parlementaire voit donc dans l’optimisation du code — en retirant les parties superflues, en améliorant la qualité des instructions et agencement général — l’occasion de minimiser l’impact des traitements informatiques.

Il n’est par contre pas fait mention de l’enjeu des nouveaux formats, comme AV1 pour la vidéo ou WebP pour la photo, pour limiter voire réduire la place occupée par les fichiers, la consommation de bande passante et l’emploi des ressources informatiques. Google, par exemple, a basculé toutes les vidéos vues au format WebM, qui entre autres choses, requiert moins de puissance de calcul que les formats précédemment employés.

Un technicien dans un centre de données. // Source : Flickr/CC/Leonardo Rizzi

Un homme dans un centre de données

Source : Flickr/CC/Leonardo Rizzi

Optimiser aussi le matériel

La partie infrastructure n’est pas non plus oubliée. Fabrice Brun estime « nécessaire de faire évoluer les pratiques des serveurs de stockage afin de favoriser une utilisation plus durable des moyens électriques et de permettre une politique raisonnée des besoins en bande passante ». En la matière, justement, il existe aussi des initiatives : c’est le cas du matériel ouvert (open hardware).

Citons par exemple le projet Open Compute. Lancé par Facebook et rejoint au fil des ans par Microsoft et Google, il s’agit de réunir les efforts de l’industrie pour créer des centres de traitement de données plus performants, plus économiques et plus respectueux de l’environnement. Intel, IBM, HP, Lenovo, Huawei, Nokia, Tencent, Seagate, Cisco, Samsung, Western Digital et AMD en sont aussi membres.

Le député voudrait donc que le gouvernement considère sa piste et, par ailleurs, en parle à ses partenaires lors de la prochaine COP25 qui se tiendra au Chili en novembre 2019.


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