C’est l’une des images marquantes qui restera dans la mémoire collective après le terrible incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019 : une vue aérienne rougeoyante de la cathédrale en flammes, sans sa flèche centenaire, détruite par le brasier, et dont la toiture du bâtiment a été presque entièrement envahie par le feu. Une véritable scène apocalyptique avec la nuit tombée.
Cette séquence n’a pas été prise par un hélicoptère en vol stationnaire au-dessus du monument. C’est un drone qui a été déployé sur les lieux du sinistre. Et pas n’importe quel drone : il s’agit d’un aéronef qui a été employé toute la soirée par les secours pour avoir une meilleure compréhension des ravages et surtout de la propagation du feu, afin d’ajuster leur réponse opérationnelle.
Des exceptions pour les secours
En règle générale, le vol d’un drone en ville est interdit. Mais cette consigne vaut pour le grand public. C’est la même chose pour le vol de nuit et le survol de zones sensibles — ce que peut être un monument culturel, religieux, historique et touristique tel que Notre-Dame, surtout quand un incendie s’y déroule. Mais des exemptions à la réglementation sont bien évidemment prévues pour les secours.
« Les aéronefs qui circulent sans personne à bord utilisés pour le compte de l’État dans le cadre de missions de secours, de sauvetage, de douane, de police ou de sécurité civile, peuvent évoluer en dérogation aux dispositions du présent arrêté lorsque les circonstances de la mission et les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le justifient », lit-on par exemple dans l’arrêté du 17 décembre 2015 sur l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord.
Drone de la police pour les pompiers
Selon plusieurs journalistes présents sur place pour couvrir l’évènement, le drone en question appartient à la police. L’appareil, doté d’une caméra, a pu filmer d’en haut le monument et ainsi fournir un flux vidéo aux secours. Celui-ci a notamment été retransmis dans le camion de la direction des opérations des services techniques et logistiques de la police, selon la journaliste Julie Brafman, qui a pris une photo de la scène.
Cette retransmission, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris en a bien sûr profité pour opérer le plus efficacement possible sur le sinistre. Ainsi, la journaliste Adeline Francois a signalé que le drone a servi aux soldats du feu. Ils ont ainsi pu adapter leur dispositif selon la propagation du feu, mais aussi selon la criticité apparente de certaines portions de la cathédrale et des priorités à faire — comme le sauvetage des beffrois.
Avoir une vue large de la situation
L’usage d’un drone lors d’une opération de secours, comme une lutte anti-incendie, est en passe de devenir monnaie courante en France. Il ne s’agit pas encore de les faire participer directement à la lutte contre le feu, mais de renseigner les secours. C’est en particulier très pratique lors des feux de forêt, lorsque de grandes superficies sont en jeu. Un concept de drone est d’ailleurs capable de renseigner ce type d’information.
La brigade de sapeurs-pompiers de Paris a réalisé dès 2015 des tests avec ces aéronefs pour envisager leur emploi en condition opérationnelle. Ailleurs en France, des essais ont également eu lieu, par exemple dans le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Landes ou dans les SDIS du Lot-et-Garonne, des Bouches-du-Rhône, du Gard ou encore de Seine-et-Marne.
« Le drone permet d’aller au plus près, le plus vite possible, d’orienter de manière efficace les forces de secours »
Tous les services qui ont pu expérimenter ces engins paraissent conquis. « En connaissant le contour du feu et son environnement, nous positionnerons mieux les moyens au sol pour circonscrire l’incendie », s’est félicité le commandant Jean-Pierre Lespiaucq, en charge de la prospective au SDIS, cité par le blog du Pavillon Orange. « Le véritable changement, ce n’est pas l’engin, mais l’application qui en est faite, adaptée au travail des pompiers », a-t-il ajouté, cette fois pour Sud-Ouest.
« Le drone permet d’aller au plus près, le plus vite possible, d’orienter de manière efficace les forces de secours et d’avoir des images qui permettent de conforter l’idée de manœuvre du commandant des opérations de secours », juge Grégory Allione, directeur du SDIS des Bouches-du-Rhône, dans un article du ministère de l’Intérieur présentant l’emploi des drones lors de catastrophes naturelles.
Reste toutefois à traiter l’information. « Utiliser un drone, c’est faire deux choses : recueillir des données, des images et des vidéos, et faire ensuite du traitement de ces données », note Éric Rodriguez, le responsable de la veille technologique et de l’innovation au SDIS des Bouches-du-Rhône. Dans le cas de Notre-Dame de Paris, l’emploi du drone en opération a de toute évidence été majeur.
Un emploi envisagé dès 2010
Toujours selon le ministère de l’Intérieur, l’usage des drones par les secours a été envisagé à partir de 2010, avec l’idée de pouvoir les engager sur le terrain d’ici 2020. Initialement, la Sécurité civile a vu l’intérêt de ces appareils pour des opérations de reconnaissance sur des théâtres d’opération dangereux, difficiles d’accès ou très vastes. Mais son usage en ville s’est aussi développé.
La Direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) a ensuite mis en place un groupe de travail en 2014 pour plancher sur la possibilité d’améliorer la reconnaissance aérienne des services chargés du secours. Un rapport sur l’intérêt d’utiliser des drones dans les missions de sécurité civile a ensuite été produit à l’été 2016.
Celui-ci dresse plusieurs cas pratiques d’emploi : incendies, sauvetage en milieu périlleux, inondations, pollutions aquatiques, feux de forêt ou encore observation du terrain en intervention. Doté de capteurs, il peut en outre réaliser des prélèvements, sur plusieurs kilomètres : température, gaz, radioactivité, pression. Autant d’informations qui sont utiles sans avoir besoin d’exposer les troupes au sol.
Ces détecteurs n’ont de toute évidence pas été mis en œuvre dans le cas de l’incendie de la cathédrale de Paris. L’aéronef s’est contenté de retransmettre en temps réel des images prises en altitude. Cela aurait certes pu être accompli par un hélicoptère, mais le drone a l’avantage de coûter moins cher à l’emploi pour un résultat similaire. En outre, il n’expose pas la vie du pilote.
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