L’on savait de longue date que le standard Do Not Track (DNT) n’aurait pas d’avenir, faute pour lui d’avoir un caractère contraignant auprès des annonceurs. Quand cette option est cochée dans le navigateur, elle ne fait qu’indiquer aux publicitaires le désir de l’internaute de ne pas être pisté en ligne. Mais le respect du DNT se fait sur la base du volontariat : c’est au bon vouloir de chacun.
Signe de l’inutilité du DNT, puisque les annonceurs sont libres de l’appliquer ou non, Apple a décidé de ne plus s’en servir pour son navigateur web, Safari. Les notes de mise à jour de la version 12.1 du logiciel indiquent en effet le retrait de ce réglage. Chez la concurrence, il est toujours présent dans Mozilla Firefox, Microsoft Edge et Google Chrome — mais il n’est pas activé par défaut.
Plus exactement, la raison donnée par Apple pour retirer le DNT est que cette norme a « expiré » et qu’il s’agit « d’empêcher son utilisation potentielle comme variable d’empreinte numérique ». En filigrane, Apple est en train de dire que cet outil, destiné sur le papier à limiter le suivi des internautes, peut être utilisé pour… créer une empreinte numérique d’un navigateur (donc, d’un internaute) et ainsi le pister.
Depuis le 17 janvier 2019, le groupe de travail du W3C (une organisation qui s’occupe de la standardisation du web) dédié à la protection contre le pistage est inactif. En outre, le DNT (plus exactement le « suivi de l’expression des préférences », selon la formulation consacrée) est listé dans la catégorie des spécifications retirées, tout comme l’est le « suivi de la conformité et de sa portée ».
Une gestation difficile, un déploiement contesté
La création du réglage DNT remonte à 2011 et a dès le début rencontré une résistance, y compris de certaines entreprises fournissant un navigateur web. C’est le cas par exemple de Google, qui, du fait de son modèle économique basé sur la publicité, a d’abord tenu à mettre en avant son dispositif maison, Keep my Opt-outs, avant finalement de l’intégrer à Chrome en 2012.
De son côté, Microsoft avait décidé un temps d’activer par défaut le DNT dans Internet Explorer. Une décision radicale qui apparaissait bénéfique de prime abord pour l’usager, mais qui a eu un effet de bord prévisible : publicitaires ont alors décidé d’ignorer le choix des internautes utilisant IE. C’est le cas de Yahoo, qui a d’abord appliqué cette décision à ce navigateur, avant de l’étendre à tout le monde.
En clair, ce fut contreproductif. C’est sans doute en partie pour cela que l’option n’est plus activée par défaut dans Edge et dans les autres navigateurs. Son activation fait d’ailleurs apparaître une mise en garde sur Google Chrome (ainsi qu’un lien expliquant comment en profiter) et Mozilla Firefox propose un lien qui renvoie sur une page précisant l’objectif et les limites de ce paramètre.
D’ailleurs, Google explique qu’il se fiche lui-même du réglage du Do Not Track, qu’il soit donné sur Chrome ou sur un autre navigateur web. « La plupart des sites et des services Web (y compris ceux appartenant à Google) ne modifient pas leur comportement lorsqu’ils reçoivent une requête ‘Interdire le suivi’ », lit-on sur la page d’explication. Bref, activez-la si vous voulez, mais son effet est incertain.
Apple avait rallié l’initiative DNT en avril 2011. Cet abandon ne signe pas pour autant l’arrêt des efforts de la firme de Cupertino pour protéger la vie privée de ses clients. Lors de la WWDC 2017, la société américaine a annoncé le blocage automatique du pistage sur la version de bureau de Safari — une approche qui a été renforcée depuis, au grand dam des annonceurs, qui y perdent des plumes.
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