La hache de guerre est loin d’être enterrée entre les industriels du SCAF. Le PDG d’Airbus a dénoncé la méthode du « ce sont mes conditions ou rien », ciblant directement la gouvernance de Dassault Aviation sur le futur chasseur européen.

L’avion de combat du futur européen vole-t-il vers un crash industriel, ou va-t-il réussir un posé d’urgence de dernière minute ? Invité sur les ondes de France Inter dans la matinée du 10 décembre 2025, le patron d’Airbus, Guillaume Faury, a soufflé le chaud et le froid sur le devenir du programme SCAF. Et taclé l’attitude de Dassault Aviation au passage.

Si l’intéressé a affiché un relatif optimisme sur le Système de combat aérien du futur (SCAF), en prédisant que « ce programme [allait] se faire », il a cependant pointé la responsabilité de son partenaire — Dassault Aviation — dans les difficultés actuelles. L’avionneur français se montrerait trop intransigeant.

« Effectivement, on a un différend assez significatif sur la façon de conduire le développement de l’avion », a reconnu Guillaume Faury. Le problème ? Le dirigisme supposé excessif de Dassault. « S’il y a un acteur qui dit ‘c’est à mes conditions ou ça n’est pas’, c’est vrai que ce n’est pas très favorable à une coopération », a-t-il lancé.

Un programme SCAF en trois gros blocs

Le SCAF n’est pas un simple avion. C’est un système de systèmes qui se décline en trois piliers majeurs :

  • Un nouvel avion de chasse (le NGF), censé remplacer le Rafale et l’Eurofighter à l’horizon 2040 ;
  • Des drones de combat (Remote Carriers) agissant comme ailiers ;
  • Un cloud de combat, le réseau numérique connectant toutes les unités.

C’est sur le premier point, l’avion, que les tensions entre Dassault (France) et Airbus (Allemagne/Espagne) se cristallisent.

Pour le patron d’Airbus, compte tenu des montants astronomiques à investir, l’association est vitale. « Si on veut être au bon niveau de technologie [et de] performance […], il faut s’y mettre à plusieurs », a-t-il souligné, justifiant ainsi le besoin d’un partage industriel équitable.

La bataille du leadership sur le NGF

En principe, dans le cadre de la répartition des tâches et du leadership, le SCAF a été saucissonné en sept piliers. L’un d’eux concerne le NGF et c’est à Dassault Aviation qu’a été attribué le rôle de maître d’œuvre, Airbus étant désigné comme partenaire principal. Airbus est maître d’œuvre sur quatre piliers, et Dassault partenaire dans deux d’entre eux.

Dassault considère avoir l’expertise et l’expérience pour piloter le projet, fort du succès et de la qualité du Rafale, l’un des meilleurs avions au monde, et au regard de son historique dans l’aviation. Mais cette posture verticale pose des difficultés à Airbus. Ou, du moins, la manière dont Dassault exerce son leadership serait un problème.

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Ce à quoi pourrait ressembler le NGF. // Source : Montage Numerama

« Dans une coopération, il faut développer quelque chose qui va à l’ensemble des parties [concernées] », a argué Guillaume Faury. Or, sur « les modes de coopération de chacun des piliers, ce n’est pas encore acquis ». Une critique à peine voilée d’un Dassault jugé trop solitaire, qui ne serait pas ou plus habitué à travailler avec d’autres.

L’Eurofighter comme contre-exemple

Le patron d’Airbus a souligné que son groupe a très bien su s’organiser avec BAE Systems (Royaume-Uni) et Leonardo (Italie), deux importantes entreprises de la défense européenne pour engendrer l’Eurofighter, avion aujourd’hui utilisé par Berlin, Rome et Londres, et par sept autres pays, en Europe et ailleurs. « Les coopérations, en fait, ça marche », a lancé Guillaume Faury.

Le patron d’Airbus n’a pas hésité à enfoncer le clou : « C’est l’avion de chasse le plus vendu en Europe ». Des ventes surtout dues aux grandes commandes des trois principales nations engagées dans le projet, mais surtout une pique adressée au modèle 100 % national du Rafale, en suggérant que le succès commercial européen passe par le consortium.

« Il n’y a pas de plan B », l'alliance franco-allemande face aux chamailleries autour du projet SCAF // Source : Montage Numerama
Le déblocage du SCAF se fera sans doute au niveau politique. // Source : Montage Numerama

« Aujourd’hui, on est dans cet écartèlement entre deux types de vision de ce qu’est une coopération et le besoin de satisfaire les besoins des États derrière », a ajouté le patron. Il faut satisfaire les besoins opérationnels des Français, mais aussi ceux des Allemands et des Espagnols.

La bonne nouvelle, c’est qu’Airbus ne semble pas encore s’être totalement fait à l’idée de claquer la porte, alors que l’hypothèse d’un départ vers le projet concurrent GCAP (entre le Royaume-Uni, le Japon et l’Italie) est parfois évoquée. « C’est un chemin de croix, mais quand on arrive à bosser ensemble, on fait des choses pas mal », a conclu le patron d’Airbus.

Il faudra cependant trancher rapidement. Le programme est censé entrer dans une phase critique pour la production de son démonstrateur, et le temps presse.

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