Il y a les frictions entre entreprises, qui se disputent la répartition des tâches et la gouvernance du système de combat aérien du futur (SCAF), jusqu’à brandir la perspective de faire cavalier seul. Et puis il y a la réalité du besoin militaire, le contexte géopolitique, les challenges technologiques et les enjeux industriels, afin de conserver une supériorité au combat.
Des thèmes que le général d’armée aérienne Fabien Mandon a développés à l’occasion d’une audition devant les membres de la commission des affaires étrangères et de la défense au Sénat, le 5 novembre. Il y participait en tant que nouveau chef d’état-major des armées, dans le cadre du budget 2026 en cours de discussion au Parlement.

Les armées française, allemande et espagnole sont sur la même ligne
Première observation que le patron des armées françaises a tenu à faire : « les responsables militaires français, allemands et espagnols sont tous d’accord sur le besoin » au sujet du SCAF, malgré les tensions persistantes entre Dassault côté français et Airbus côté allemand. « Ils ont tous la même vision de ce que l’on attend de ce SCAF. »
Y aura-t-il également les Belges dans l’aventure, alors que Bruxelles est à ce stade en observateur du programme et pourrait potentiellement devenir un partenaire à part entière — ce qui agace Dassault en raison du choix du pays de miser sur le F-35 ? Ici, Fabien Mandon ne s’est pas exprimé sur un sujet aux implications politiques et industriels.

Le fait est, cependant, que ce SCAF sera « le cœur de l’aéronautique militaire de demain pour l’Europe », a-t-il pointé, et qu’au moins trois pays sont prêts à travailler pour le construire ensemble. C’est à cette occasion que Fabien Mandon s’est attardé sur la partie centrale et critique de la motorisation : car sans une poussée suffisante, l’avion ne peut même pas décoller.
« La partie la plus critique sur l’aviation de combat du futur, c’est le moteur », a relevé le CEMA, parce que les aéronefs dont on parle deviennent de plus en plus gros et, donc, de plus en plus lourds — avec le carburant qu’il faut emporter, ainsi que tout l’armement nécessaire à l’accomplissement de la mission.
L’enjeu critique de la motorisation pour le SCAF / NGF
Or, a-t-il noté, « pour avoir des niveaux de poussée suffisants, [les moteurs] doivent atteindre des températures intérieures extrêmement élevées et il y a très peu de matériau qui résistent à ces températures ». Et là vient la seconde observation de Fabien Mandon : l’industrie aéronautique n’a pas vraiment développé de nouveaux moteurs ces dernières années.
« Pendant des années, on n’a pas développé de nouveau moteur. Donc, des ingénieurs, des techniciens, des gens qui réfléchissent à de nouveaux matériaux n’ont pas eu de projet pour travailler sur de nouvelles performances. Aujourd’hui, il y a un vrai défi pour savoir le faire ». La faute à une certaine rationalisation, avec un modèle d’appareil et un moteur.
« Pendant des années, on n’a pas développé de nouveau moteur. […] Aujourd’hui, il y a un vrai défi pour savoir le faire ».
Fabien Mandon
Dans la feuille de route destinée à accoucher d’un système de combat aérien du futur, dont l’élément central sera un chasseur de nouvelle génération NGF), il est prévu un appareil d’une masse de 15 tonnes. « C’est la masse nécessaire pour emporter des armements dans le contexte qu’on imagine », a relevé le général d’armée aérienne.
Or, pour propulser ces 15 tonnes, « il faut des moteurs avec des poussées au-dessus des 10 tonnes ». Un seuil qui est pour l’instant encore hors de portée, malgré le savoir-faire européen qui doit permettre de savoir propulser un avion de ce gabarit. « Les Chinois, les Américains sont sur ce niveau de performance. On n’y est pas encore », a-t-il concédé.
Cependant, une feuille de route est fixée pour y parvenir.
Passer de 7 à 9 tonnes de poussée, puis de 9 à 11 tonnes
D’abord, dans le cadre du développement futur du Rafale, il existe un plan appelé T-REX qui va permettre de faire évoluer la poussée du moteur actuel de l’avion de chasse français. Objectif : que le M88 développe une poussée en hausse de 20 %, sans affecter la consommation ou les dimensions, pour atteindre les 9 tonnes de poussées.
« On est sur une feuille de route, puisqu’on travaille toujours sur le long terme, où on veut porter la capacité de propulsion de nos moteurs à 9 tonnes, c’est ce projet qu’on appelle T-REX pour le Rafale », a confirmé le général. Le moteur T-REX a été dévoilé le 17 juin lors du salon du Bourget 2025. C’est l’entreprise Safran qui s’en occupe.

La phase suivante consiste à viser 11 tonnes sur le SCAF, a ajouté le CEMA. « C’est ce qui définit la masse maximum sur laquelle on travaille aujourd’hui de la future plateforme d’aviation de combat », et cela sans avoir « besoin d’un réacteur acheté aux États-Unis ou ailleurs dans le monde ». C’est clé pour des raisons stratégiques d’autonomie.
Cette propulsion, d’ailleurs, constitue le pilier 2 du SCAF. Ici, le projet est porté par la coentreprise EUMET (EUropean Military Engine Team) qui met sur un pied d’égalité la société française Safran et l’entreprise allemande MTU Aero Engines. Dans la boucle se trouve aussi la firme espagnole ITP Aéro, en tant que principal partenaire.
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