Des travailleurs kényans ont écrit une lettre ouverte à Joe Biden, en l’exhortant d’améliorer leurs conditions de travail. Dans leur lettre, ils expliquent être victimes des pratiques des entreprises des nouvelles technologies américaines, qui réservent leurs emplois les plus durs et les moins bien payés à des travailleurs africains.

De « l’esclavage moderne » : c’est comme cela qu’une centaine de travailleurs kényans ont défini leur emploi dans une lettre ouverte envoyée à Joe Biden. Le président des États-Unis reçoit le 23 mai 2024 son homologue kényan, William Ruto, dans le cadre d’une visite officielle pour célébrer les relations diplomatiques entre les États-Unis et le Kenya. Mais les signataires de la lettre n’ont pas de quoi se réjouir de la coopération économique des deux pays.

« Les entreprises américaines du secteur des grandes technologies abusent et exploitent systématiquement les travailleurs africains », indiquent-ils. « Au Kenya, ces entreprises américaines sapent le droit du travail local, le système judiciaire du pays et violent les normes internationales du travail. Nos conditions de travail s’apparentent à de l’esclavage moderne ». Les signataires de la lettre visent trois entreprises en particulier : Facebook, ScaleAI, et OpenAI

Le comportement des entreprises de la tech au Kenya très critiqué // Source : Canva
Le comportement des entreprises de la tech au Kenya très critiqué // Source : Canva

Les entreprises de l’intelligence artificielle accusées de colonialisme numérique et d’esclavage moderne

Ce n’est pas la première fois que le comportement de certaines entreprises de la tech en Afrique est critiqué. Afin d’entraîner leur modèle de langage, une pièce maitresse pour le fonctionnement des intelligences artificielles, ces entreprises ont souvent fait appel à des sous-traitants, chargés d’annoter des images ou des données. Mais ces sous-traitants font eux-mêmes appel à des travailleurs sous-payés, généralement installés en Afrique, et qui doivent regarder des contenus parfois extrêmement violents à longueur de journée.

« Nous effectuons ce travail au prix de notre santé, de nos vies et de nos familles », décrivent les signataires de la lettre ouverte. « Ce travail est épuisant sur le plan mental et émotionnel. Nous nettoyons Facebook, TikTok et Instagram pour veiller à ce que ces plateformes importantes ne soient pas inondées de discours haineux et d’incitation à la violence. Nous étiquetons des images et des textes pour former des outils d’IA générative pour OpenAI. Notre travail consiste à regarder des meurtres et des décapitations, des abus et des viols d’enfants, de la pornographie et de la bestialité, souvent pendant plus de 8 heures par jour. Beaucoup d’entre nous font ce travail pour moins de 2 dollars de l’heure. »

Ces conditions de travail avaient déjà été critiquées par plusieurs médias, dont Libération, qui avait notamment interrogé des travailleurs Kényans et Malgaches. Tous dénonçaient ce qu’ils appelaient de la « colonisation numérique », une nouvelle forme d’exploitation consistant à donner les tâches les plus dures et les moins bien payés aux travailleurs non-américains.

Ce colonialisme numérique a aujourd’hui un impact fort sur la façon dont les intelligences artificielles fonctionnent. Des observateurs se sont ainsi rendus compte que ChatGPT avait développé un « tic de langage », car il avait notamment été entrainé par des anglophones nigérians, qui emploient fréquemment des verbes rarement utilisés ailleurs.

Les signataires de la lettre ouverte à Joe Biden espèrent qu’elle permettra aux industriels américains de se rendre compte du problème qu’ils ont créé. Surtout, les signataires l’implorent : « toute discussion commerciale entre les États-Unis et le Kenya doit tenir compte de ces abus et garantir la protection des droits de tous les travailleurs. » Pour l’instant, aucun des deux présidents n’a répondu officiellement à leur demande.

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