Vous êtes unique. Votre souffle aussi, selon un travail de recherche en Inde. Au point que la respiration pourrait devenir un outil biométrique pour déverrouiller votre téléphone. Une future alternative au scan de l’empreinte digitale ou l’analyse du visage ?

À l’avenir, peut-être déverrouillerez-vous votre smartphone non pas en tapant un code PIN ou en scannant votre empreinte digitale, mais simplement en respirant à côté du micro. C’est en tout cas la perspective que l’on peut tracer à la lecture de l’article de New Scientist, publié le 12 janvier 2024 et qui se fait l’écho d’un travail de recherche conduit en Inde.

Les chercheurs de l’équipe de Mahesh Panchagnula, de l’institut indien de technologie de Madras, travaillaient initialement sur un projet consistant à repérer les personnes qui souffrent de problèmes respiratoires, afin de les prendre en charge. Il était question de concevoir un modèle d’intelligence artificielle pour automatiser le processus.

Un flux d’air unique, influencé par les voies respiratoires

Mais en auscultant les données collectées jusqu’à présent, ils ont relevé une nouvelle orientation possible : et si l’analyse du souffle pouvait aussi servir à identifier avec certitude une personne donnée ? Non pas en se focalisant sur l’haleine et sa composition (il existe aussi des travaux sur ce thème), mais sur le flux d’air lui-même.

Ce flux d’air est, en effet, influencé par la morphologie et la forme des voies respiratoires — pharynx, larynx, cavité nasale. Dès lors, on n’exhale pas tout à fait de la même manière qu’un autre. C’est en tout cas la piste sur laquelle s’est engagée l’équipe de Mahesh Panchagnula, rapportent NDTV et Korii, qui citent New Scientist.

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Inspirer. Expirer. Déverrouiller le téléphone. Taper le code PIN parce que ça n’a pas marché. Rester calme. // Source : Pexels

Dans le cadre de l’expérimentation indienne, 94 personnes ont été amenées à effectuer 10 respirations chacune dans un dispositif capable d’enregistrer des variations atmosphériques jusqu’à 10 000 fois par seconde. Ils ont ensuite envoyé ces données dans un modèle d’IA.

Une fois celui-ci entraîné, il a été capable par la suite de déterminer si une nouvelle respiration correspondait ou non à une personne déjà identifiée, avec une précision tout à fait significative — on parle d’un taux de réussite de 97 %. Un essai ultérieur, avec des paramètres plus difficiles, a donné un degré de précision de 50 %.

Dans cet autre test, le modèle était chargé d’identifier une respiration, mais sans avoir de connaissance préalable de la personne concernée. Il lui fallait alors associer cette respiration à celle d’une des deux personnes qui lui étaient proposées. L’intelligence artificielle aurait vu juste une fois sur deux, est-il rapporté.

L’un des avantages d’une reconnaissance biométrique établie sur le souffle est qu’elle est intimement liée à la situation de la personne. C’est ce que pointe New Scientist : un mort ne respire pas. Dès lors, la clé biométrique qui repose sur sa respiration est irrévocablement perdue — à moins qu’elle puisse être copiée d’une façon ou d’une autre.

Une illustration de la reconnaissance faciale de Facebook // Source : Facebook
Une illustration de la reconnaissance faciale de Facebook. // Source : Facebook

Quel usage pratique pour la reconnaissance par la respiration ?

La biométrie est une technologie qui sert à identifier ce qui relève d’une personne. On connait la biométrie courante dans les smartphones, pour déverrouiller l’écran d’accueil. Il peut s’agir de l’analyse du visage, du scan d’une empreinte digitale, ou bien d’une lecture de l’iris de l’œil. Ce sont des données éminemment personnelles.

D’autres signaux biométriques peuvent exister : la voix, la silhouette, la démarche, les attributs physiques, le comportement, les gestes, et même le réseau veineux. La composition chimique de l’haleine est aussi une clé pour reconnaître une personne, comme les variations et l’intensité du souffle, à en croire les travaux de l’équipe indienne.

Reste la question de la fiabilisation du dispositif et du travail d’ingénierie qu’il faudra accomplir pour espérer intégrer ce type de capteur dans un appareil aussi fin et petit qu’un smartphone. C’est une chose de procéder à une expérimentation en laboratoire, avec du matériel dédié. C’en est une autre de lui donner une application concrète.

Des forfaits petits prix. // Source : Canva
Un smartphone a-t-il assez de place pour accueillir un tel dispositif, qu’il faudrait miniaturiser fortement ? // Source : Canva

Cependant, cette alternative à la reconnaissance biométrique classique pourrait ne pas s’adresser au grand public ou, du moins, pas à ce genre d’appareil. Pourquoi pas, par exemple, ne pas l’envisager pour une voiture pour vérifier que la personne qui se met au volant est bien le propriétaire du véhicule ? C’est une orientation possible.

Ces travaux soulèvent des questions que la recherche n’a visiblement pas (encore ?) levé : le système peut-il isoler une respiration donnée, s’il y a plusieurs personnes à proximité ? Quid aussi en cas de respiration perturbée — un essoufflement, par exemple ? Une réponse négative limiterait alors beaucoup l’intérêt pratique d’une telle technologique.

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Source : Numerama

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