La police doit recevoir d’ici à 2024 des capteurs nomades d’empreintes digitales doigts et palmaires. L’occasion de revenir sur les circonstances dans lesquelles les empreintes digitales peuvent être demandées par les forces de l’ordre.

Avec la tenue des Jeux Olympiques de Paris en 2024, la France s’apprête à durcir fortement la sécurité dans le pays et, plus particulièrement, aux abords et dans les enceintes sportives. Les caméras de vidéosurveillance seront ainsi mises à profit pour déployer de la surveillance algorithmique. Et, la surveillance par drone a aussi été actée (un décret manquant a été publié).

C’est dans ce cadre que l’on devrait également assister à des opérations de police dans lesquelles des captations et des contrôles d’empreintes digitales auront lieu. Cela, sur la voie publique. Les forces de l’ordre vont prochainement recevoir pas moins de 7 000 capteurs nomades, pour un total de 21 millions d’euros. Ils doivent être livrés en amont des JO.

Le site Next Inpact a relevé l’existence d’un appel d’offres, paru le 1er avril, dans lequel on apprend que le ministère de l’Intérieur désire être livré au plus tard le 1er mai 2024. La cérémonie d’ouverture des JO est fixée au 26 juillet 2024. L’évènement sportif s’achèvera au 8 septembre, avec la fin des Jeux Paralympiques.

Ces dispositifs, présentés comme des « capteurs nomades d’empreintes digitales doigts et palmaires », doivent permettre de répondre à des « besoins spécifiques », selon la place Beauvau, interrogée par BFM. Typiquement, il est question de faire un « contrôle d’étrangers en situation irrégulière sur la voie publique, ou dans des zones difficilement accessibles ».

Source : LL Twistiti
En amont des JO, les forces de l’ordre vont s’équiper en capteurs nomades pour prendre les empreintes digitales. // Source : LL Twistiti

Outre les migrants sans titre de séjour, ces opérations de vérification sur la voie publique visent aussi à « identifier et mettre à jour la situation » de certaines personnes, « en interrogeant des bases de données biométriques nationales et européennes ». Cela pourrait être des hooligans, ou bien des membres de certains groupes dans le viseur des autorités, par exemple.

L’appel d’offres, cité par BFM, indique qu’il s’agit de s’assurer que certains individus « ne représentent pas une menace pour la sécurité intérieure ou l’ordre public », à travers des échanges d’informations. Inévitablement, la question se pose de savoir si ces appareils pourraient se retrouver en situation de servir à contrôler des Françaises et des Français.

Peut-on refuser de donner ses empreintes digitales ?

Aujourd’hui, il est interdit de refuser de se soumettre au prélèvement d’empreintes digitales, lorsque celui-ci est réalisé dans le cadre d’une enquête judiciaire ou de police, rappelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Ce refus constitue une infraction pénale. Les articles 55-1 et 706-56 du Code de procédure pénale fixent les règles en la matière.

Une opposition de l’intéressé l’expose à une peine maximale d’un an de prison et 15 000 euros d’amende. Des circonstances aggravantes peuvent survenir si l’individu est finalement reconnu coupable (2 ans de prison et 30 000 euros d’amende) ou s’il utilise les éléments biométriques d’une autre personne (3 ans de prison et 45 000 euros d’amende).

Ces opérations de contrôle se déroulent normalement dans le cadre d’une garde à vue. Cette détention provisoire survient lorsqu’il « existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que l’individu mis en cause a commis ou tenté de commettre une infraction, pointe le cabinet d’avocats Leger. C’est dans ce cadre que la prise d’empreintes a lieu, pour vérification notamment.

Empreintes digitales
Détail de la surface d’un doigt, dont les plis forment l’empreinte digitale. // Source : Kevin Dooley

C’est ce que rappelait aussi Dalloz dans un article de 2020. Pour que ces infractions soient constituées, il faut qu’il existe une suspicion plus ou moins forte pesant sur l’auteur. Une garde à vue donne aux autorités la possibilité de faire ce contrôle, y compris si la personne est mise hors de cause à la fin. À Paris, cela peut même conduire à une détention provisoire, selon maître Eolas.

Dans le cas de ces capteurs nomades, c’est un cas de figure relativement inédit, car il se déroule en dehors des locaux des forces de l’ordre — dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie. Selon le ministère de l’Intérieur, le cadre légal repose sur le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui prévoit ces dispositions pour les étrangers.

En principe, cela ne concerne que les personnes contre lesquelles il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, pointe le cabinet d’avocats Clémence Guilhard. Néanmoins, la perspective que l’on puisse, avec ces terminaux nomades, prendre et contrôler les empreintes digitales des Françaises et des Français en pleine rue, va se poser.

L’arrivée des capteurs portatifs permettant de prendre et de contrôler les empreintes digitales sur la voie publique ouvre de nouvelles pistes en matière de sécurité publique. Si aujourd’hui, c’est l’argument du contrôle d’étrangers en situation irrégulière qui est avancé, demain d’autres motifs pourraient aussi être présentés pour envisager d’autres cas d’usage.

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