Une image vaut mille mots, dit le dicton. À la fin mai, Amnesty international enterrait symboliquement notre vie privée au cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Une façon pour l’organisation non gouvernementale d’alerter sur les dangers de la reconnaissance faciale.
Cette technologie nous promet, avertit-elle, « un avenir dystopique ». Un adjectif qui fait référence à ce genre littéraire mettant en scène des contre-utopies sombres dans lesquelles les libertés ont disparu. Comme Amnesty international, de nombreuses associations s’inquiètent d’un engouement techno-sécuritaire au cours des Jeux olympiques de Paris, qui débuteront le 26 juillet 2024.
Cette dérive semble intrinsèque aux Jeux modernes. Pour les entreprises, le plus grand événement sportif du monde est en effet une belle vitrine pour présenter leurs produits et services sécuritaires. Pourtant, les industriels de la sécurité affirment au contraire ne pas avoir été à la fête avec ces Jeux. Leurs représentants du groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (Gicat) estimaient que les pouvoirs publics étaient restés trop chiches en matière de commandes, malgré une campagne d’expérimentations. Autant de dispositifs innovants qui auraient pu, pour leurs concepteurs, améliorer la sécurité des participants à l’événement. Mais qui sont également considérés, par leurs détracteurs, comme des technos dystopiques.
La reconnaissance faciale
Dans ce débat, la première technologie dont il faut signaler l’absence lors des Jeux olympiques est la reconnaissance faciale. L’idée a en fait été écartée très vite, à l’automne 2022 au profit d’une vidéosurveillance algorithmique (VSA) limitée à huit cas d’usage. Mais la reconnaissance faciale inquiète tellement qu’elle reste toujours omniprésente dans le débat public.
« La légalisation de la VSA est un pas de plus vers son utilisation », estime ainsi Amnesty International, qui milite pour une loi « d’interdiction totale ». Ce genre d’outils permettrait, assure l’ONG, une surveillance de masse réduisant « à néant le droit à la vie privée », entravant « la liberté d’expression » et pouvant accentuer « gravement les discriminations ».
Biométrie et code-barres
Bien en amont des Jeux olympiques, l’Agence nationale de la recherche avait d’ailleurs lancé un appel à projets auprès des chercheurs. Son objectif ? Tester des solutions innovantes autour de l’alerte aux populations, de la gestion des mouvements de foule, du contrôle et de la surveillance des itinéraires ou des zones réservées.
Six projets avaient été retenus et soutenus avec une subvention de 2,8 millions d’euros, dont un autour de la reconnaissance faciale. Coordonné par la société ID3 Technologies, le projet EASIMoB visait à développer un système d’identification combinant biométrie et code-barres pour les athlètes et les personnes accréditées. Après un contrôle à l’entrée des sites, les chercheurs imaginaient un dispositif de détection des intrus grâce à de la vidéosurveillance capable de créer des « gabarits biométriques à la volée ».
Mais ce n’était pas le point le plus compliqué du projet. Les « défis techniques majeurs » étaient relatifs à la lecture d’un code-barres de haute densité et la définition de « mécanismes cryptographiques robustes permettant la manipulation de gabarits biométriques sans compromettre la confidentialité des données ». Comme le précise l’agence de presse spécialisée AEF, la solution n’a finalement pas été mise en production. Mais l’industriel espère désormais pouvoir la déployer dans le secteur industriel.
Un ballon aérien
Outre la reconnaissance faciale, finalement écartée, de nombreuses technologies sécuritaires ont été testées. L’entreprise Hemeria Airship a ainsi par exemple planché sur un ballon aérien, dénommé « Eagle Owl ». Ce système de surveillance aéroportée embarque deux genres de caméras. Tout d’abord une boule optronique, censée pouvoir détecter et suivre des cibles, et ensuite des capteurs permettant une vision périmétrique en temps réel d’une zone.
Mais il peut également être équipé de capteurs pour du renseignement d’origine électromagnétique — en clair des interceptions de communication. S’il avait été déployé lors des Jeux, l’engin, qui peut rester sept jours successifs en l’air, aurait sans doute fait jaser. Ses dimensions sont en effet impressionnantes : 19 mètres de long pour 7 de large, rapportait L’Est républicain. « Mais un ballon, c’est simplement une plateforme d’emport », rappelle Nicolas Multan, le directeur général de l’entreprise. « Ce n’est pas tant le vecteur que l’information que l’on en tire » qui est à prendre en considération, ajoute-t-il.
Le scanner high-tech
Le scanner de l’entreprise MC2 Technologies aurait lui pu vous mettre à nu, mais sans vous déshabiller. Vendu essentiellement en Chine, il est resté à la porte des Jeux olympiques de Paris. Selon la société nordiste, sa solution MM-Imager est capable de détecter en temps réel des armes, des poudres ou encore des objets en céramique. Le tout sans émettre d’ondes : l’appareil est un système passif, équipé de capteurs capables de fonctionner sur des ondes millimétriques.
Le principal point fort du scanner, qui repose sur une technologie biomédicale, est sa capacité à contrôler des personnes en mouvement. Une façon d’éviter ainsi de fastidieuses queues, sous réserve qu’il n’y ait pas trop de fausses alertes. Ce projet avait germé dans la tête de ses concepteurs après une trop longue attente de plusieurs heures à la gare de Lyon-Part-Dieu à la suite d’un colis abandonné, signalait au site Republik-event le président de l’entreprise.
Le porte-drones
L’entreprise Marine Tech avait enfin proposé au ministère de l’Intérieur de tester le RSV ScanDrone, son drone marin de surveillance. Ce dernier aurait pu être mis en action dans la marina de Marseille ou encore aux abords de la vague de Teahupo’o. Cette société du Var avait déjà tapé dans l’œil de l’Agence innovation défense avec son drone Manta, un rectangle blanc en forme de raie équipé d’une grande antenne. Le RSV ScanDrone a lui une forme plus classique d’un canot pneumatique.
Mais dans les faits, c’est une sorte de porte-engins capable d’embarquer un drone sous-marin et un autre aérien. Concrètement, la plateforme, déjà utilisée pour protéger le port de Toulon, par exemple, peut servir à surveiller un plan d’eau ou à détecter et à identifier un objet suspect au fond de la mer. Selon ses concepteurs, c’est bien moins cher qu’un bateau de surveillance, et plus discret. Alors, technologie dystopique ou bienvenue ? À vous de juger, par exemple, en regardant cette vidéo.
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