Pas d’applications installées par défaut, une seule messagerie pour parler à tout le monde, plusieurs magasins d’applications… Le Digital Markets Act (DMA), prévu en mars 2024, a pour ambition de transformer iOS et Android.

Apple se dit « très préoccupé » par les nouvelles règles européennes et on ne peut pas lui donner tort. Le Digital Markets Act, qui entrera en vigueur le 6 mars 2024, va faire l’office d’une bombe sur le secteur des nouvelles technologies. Apple, Google, Amazon, Microsoft, Meta et ByteDance, les six entreprises ciblées par l’Union européenne comme portes d’accès à Internet, vont devoir transformer leurs services drastiquement, pour répondre aux exigences concurrentielles de l’Europe.

Dans la liste du DMA, il y a actuellement 22 services. Demain, il pourrait y en avoir 26, puisque l’Europe a ouvert des enquêtes sur Bing, Edge, Microsoft Advertising et iMessage, quatre services que Microsoft et Apple ont refusé d’inscrire sur la liste de leurs services avec plus de 45 millions d’utilisateurs.

DMA gatekeeper
La liste des 22 services « gatekeepers » de l’Union européenne. // Source : Commission européenne

Chez Apple, l’iPhone pourrait complètement changer

Prenons l’exemple de l’iPhone et de son système d’exploitation iOS, réputé plus fermé qu’Android ou Windows.

En mars 2024, quand Apple devra se conformer au DMA, une mise à jour débloquera de nouvelles fonctions exclusives en Europe. Pour la première fois, Apple pourrait choisir de couper son marché en deux. Seuls les iPhone vendus dans l’Union européenne pourraient avoir droit à ces fonctions, les autres pourraient conserver un comportement plus traditionnel.

La première configuration d'un iPhone est simple aujourd'hui. La première mission d'Apple avec le DMA sera de conserver cet aspect.
La première configuration d’un iPhone est simple aujourd’hui. La première mission d’Apple avec le DMA sera de conserver cet aspect. // Source : Apple

Au premier démarrage, un iPhone pourrait poser une multitude de nouvelles questions à ses utilisateurs :

  • Quel navigateur par défaut souhaite-t-il choisir ? Safari, Chrome, Firefox ?
  • Quel est son moteur de recherche préféré ? Google, Bing, Yahoo, Qwant ? (Une mauvaise nouvelle pour le contrat juteux entre Apple et Google).
  • Quelle application de messagerie souhaite-t-il par défaut ?
  • Quelle application de navigation par défaut ? Google Maps ? Waze ? Apple Plans ?

Si on suit la même logique, l’iPhone ne devrait pas avoir le droit d’être livré avec Apple Music préinstallé, puisqu’il s’agit d’un service musical payant. Apple peut-il proposer d’installer Spotify ou Deezer à la première configuration ? Ou doit-il juste retirer Apple Music des icônes ? À voir.

Apple Music période d'essai
Apple Music par défaut sur iPhone, avec une promotion envoyée à tous, le DMA va l’interdire. // Source : Capture Numerama

L’autre changement majeur concerne les applications. Apple aura plusieurs nouvelles obligations :

  • Si un utilisateur le souhaite, il doit pouvoir installer une application ailleurs que depuis l’App Store. Téléchargement sur Internet, magasins tiers… Les iPhone européens auront cette faculté exclusive.
  • Dans une application installée depuis l’App Store, un développeur aura le droit de mettre en avant des services payants en Europe. Netflix pourra par exemple proposer de s’abonner à lui depuis son site sans passer par les achats intégrés d’Apple, qui prélèvent 30 % de commission. Cela pourrait marquer le retour de Fortnite.
  • Certains services tiers pourraient aussi débarquer. Votre banque ne supporte pas Apple Pay ? Elle pourrait lancer sa propre application de paiement. Apple ne pourra plus conserver le contrôle sur ses services.

Tous ces changements posent plusieurs questions majeures. Comment s’assurer que l’iPhone ne devienne pas infiniment plus compliqué, avec des applications Meta indisponibles sur l’App Store d’Apple, au profit du magasin d’applications officiel de Mark Zuckerberg ? Même chose pour le paiement mobile. Grâce à Apple Pay, iOS offre beaucoup plus de banques qu’Android aujourd’hui, où tous les différents acteurs ont décidé de s’éparpiller. La fermeture d’iOS a autant d’avantages que d’inconvénients, et l’UE pourrait causer du tort au système de l’iPhone avec ses règles strictes, pas adaptées à la vision de la marque californienne.

À son lancement Apple Pay comptait la Banque Populaire et la Société Générale dans ses partenaires // Source : Apple
Apple Pay est un des meilleurs services de l’iPhone. L’UE pourrait le défragmenter. // Source : Apple

Enfin, il y a la question des messages, encore plus forte si iMessage est ajouté sur la liste des services surveillés par l’UE :

  • Si iMessage devient un gatekeeper, alors il devra être possible d’envoyer à un contact sur WhatsApp un message depuis l’application d’Apple. Messenger fera aussi partie de la liste des trois gros services de messagerie, qui devront fournir aux autres leurs clés pour que l’on puisse les joindre depuis une autre application. Un sacré casse-tête, qui met en péril le chiffrement des messages. Ce n’est pas pour rien qu’Apple résiste ici.

Autre question, si macOS ne devrait pas être inscrit sur la liste du DMA, l’Europe s’interroge sur la pertinence d’ajouter iPadOS à sa liste. iOS et iPadOS partagent la même base, alors faut-il vraiment le considérer comme un système à part ? Apple l’espère sans doute, pour protéger son iPad des changements européens. Enfin, quid des anciens appareils ? Jusqu’à quand Apple devra-t-il remonter ?

Et les smartphones Android ?

Dans l’écosystème de Google, les mêmes changements devront être appliqués, mais ils feront moins mal.

Puisqu’Android a déjà été condamné dans le passé, il est déjà contraint à proposer de choisir un moteur de recherche au premier démarrage en Europe. Le système des smartphones Samsung et Xiaomi est aussi plus ouvert, avec déjà la possibilité d’installer une application depuis une source extérieure au Play Store ou de configurer le paiement sans contact ailleurs que dans Google Pay. Sur Android, les changements marquants devraient être les suivants :

  • Plusieurs apps par défaut pourront être choisies au démarrage (Waze au lieu de Google Maps, Spotify au lieu de YouTube Music, Firefox au lieu de Chrome, etc.)
  • Messenger et WhatsApp devront être ouverts aux autres applications.
  • Le Play Store ne pourra plus imposer son moteur de paiement unique, comme l’App Store.
Le logo d'Android à côté de celui de Google Play. // Source : NL / Numerama
Le Google Play Store sera la plus grande victime du DMA côté Google, avec la fin d’avantages bien pratiques pour Google. // Source : NL / Numerama

Dans un communiqué envoyé aux médias, Google déclare : « Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec la Commission européenne pour nous conformer à la loi, tout en continuant à proposer des services utiles et innovants aux citoyens de toute l’Europe ». Il faut dire que le DMA l’avantage presque, puisqu’il fait perdre à iOS d’Apple plusieurs de ses qualités phares au niveau de la simplicité.

Et les autres services ciblés par le DMA ? C’est une autre histoire, mais Windows pourrait subir de nombreux changements similaires, notamment au niveau des applications préinstallées. Les nouveautés seront plus minimes pour les plateformes en ligne, comme les réseaux sociaux, qui devront surtout faire preuve de plus de transparence, comme avec le DSA d’août 2022.

Source : Numerama

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