L’adresse IP est au cœur du fonctionnement d’Internet. Jusqu’à présent, on connaissait surtout la version IPv4. Maintenant, il faut compter sur une nouvelle version : IPv6.

Que signifie « IP » dans adresse IP ?

IP est un acronyme pour Internet Protocol, c’est-à-dire « protocole Internet » en français. Dans le cas d’une adresse IP, il s’agit d’un code qui sert à identifier chaque terminal sur le réseau Internet. Par terminal, on désigne tout appareil « en ligne » : un ordinateur, un serveur, un smartphone, une console de jeu, un objet connecté quelconque, une imprimante, et ainsi de suite.

On décrit l’adresse IP comme étant l’équivalent de la plaque d’immatriculation pour les voitures, afin d’avoir une image familière. C’est une analogie facile, bien qu’elle ait certaines limites. Certes, l’adresse IP permet de distinguer les machines entre elles. Cependant, il y a quelques subtilités : plusieurs appareils peuvent partager en réalité la même adresse IP.

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Pour circuler sur Internet, il fallait un système d’adresse. Le protocole Internet sert à cela. // Source : Adèle Foehrenbacher pour Numerama

Un exemple tout simple se trouve dans n’importe quel foyer : si vous connectez à votre box plusieurs ordinateurs, des smartphones et d’autres appareils, tous partageront la même adresse IP sur Internet — celle de la box. Cela, alors même que ce ne sont aucunement les mêmes machines et que ce ne sont pas toujours les mêmes personnes derrière, avec les mêmes activités.

Le rôle de l’adresse IP est de permettre le bon acheminement des données au bon endroit. C’est ce que l’on appelle le « routage ». On contacte le bon appareil, c’est-à-dire le bon destinataire. Mais, parce que ce code n’est pas commode à utiliser, il a été inventé le système DNS, qui fait correspondre à une adresse IP un nom de domaine, plus facile à mémoriser.

Comment connaitre son adresse IP ?

Si vous désirez connaitre votre adresse IP sur le net, c’est-à-dire votre adresse publique, vous avez plusieurs options : vous pouvez poser la question à un moteur de recherche comme Google, ou bien passer par l’un des nombreux sites dédiés à cette information. Vous pouvez aussi chercher dans les réglages de votre box ou, plus technique, récupérer l’IP via votre machine.

À quoi ressemble une adresse IP ?

Aujourd’hui, le format classique d’une adresse IP repose sur quatre blocs de quatre nombres séparés par des points. Ces points vont de 0 à 255. Cette forme ressemble, par exemple, à 172.16.251.1. On le voit, c’est une écriture compliquée à retenir — d’où l’intérêt de proposer de contacter une ressource sur Internet en tapant une adresse, le DNS se chargeant de trouver l’adresse IP adéquate.

Le protocole IPv4 est ancien. Il a été déployé en 1983 sur Internet, relève l’Autorité de régulation des télécoms dans son rapport de 2021 sur l’état d’Internet en France. À l’époque, on pensait que ce protocole couvrirait largement tous les besoins pour connecter des machines. L’IPv4 peut théoriquement attribuer en même temps 4 294 967 296 adresses.

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Une image qui montre l’esprit de l’IPv4 (bon, le dernier nombre n’est pas valide). // Source : Mozilla

Ce volume (232 ou 4,3 milliards d’adresses) semblait infini dans les années 80. Mais, c’était sans compter la démocratisation de l’informatique personnelle, la révolution du numérique, l’explosion des objets connectés, le succès d’Internet, mais également la démographie humaine. En 1974, nous étions 4 milliards. Puis 6 milliards dans les années 2000. Et, maintenant, 8 milliards.

C’est pour cela qu’une nouvelle norme IP a émergé : IPv6. Elle suit un tout nouveau format (par exemple 2001:0db8:0000:85a3:0000:0000:ac1f:8001). On le voit, la stricte écriture décimale d’IPv4 est remplacée par une écriture hexadécimale, qui inclut les dix chiffres (0 à 9) et les six premières lettres de l’alphabet romain (de A à F). Cela fait en tout seize caractères.

Autre particularité d’IPv6 : il n’y a plus quatre groupes de symboles, mais huit. Enfin, les points ne servent plus de séparateurs. Ce sont maintenant les deux points. Là encore, une adresse IPv6 est illisible pour le commun des mortels (et, disons-le aussi, même pour bon nombre de spécialistes informatiques) — c’est même pire que l’IPv4.

Pourquoi passe-t-on d’IPv4 à IPv6 ?

Pour qu’Internet continue à grandir, il ne faut pas que le protocole IP soit limitant. Or avec IPv4, les capacités d’attribution ont atteint leur limite. Si l’on veut pouvoir accueillir d’autres internautes et d’autres équipements, ce plafond dans le système d’adressage doit sauter. C’est pour cela que l’IPv6 a été inventé, afin de disposer d’un volume d’adresses cette fois incommensurable.

En théorie, IPv4 ne peut fournir que 4,3 milliards d’adresses en même temps. Cela veut dire que l’on ne peut même pas attribuer une adresse IP par personne sur Terre. Bien sûr, il y avait des techniques pour prolonger IPv4 sans se retrouver dans une impasse. C’est le cas, par exemple, du nattage d’adresses IP, mais ça ne résout pas le problème de fond.

Le nattage sert à attribuer la même adresse IP à plusieurs abonnés d’un fournisseur d’accès à Internet. Cela n’est pas sans poser des problèmes : pour la lutte contre le piratage, cela gênait la Hadopi et la riposte graduée pour repérer les internautes fautifs. Cela peut aussi perturber des enquêtes pénales sur des sujets bien plus sensibles.

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On passe à IPv6, parce qu’IPv4 ne suffit plus du tout. // Source : Numerama

Aujourd’hui, il y a une pénurie d’adresses IPv4. À la fin novembre 2019, le registre régional d’adresses IP qui alloue les IPv4 pour l’Europe et le Moyen-Orient (RIPE NCC) a annoncé l’épuisement des adresses IPv4 pour le Vieux Continent. Le tout dernier bloc, qui permet de fournir 1 024 adresses, a été attribué. Depuis, les opérateurs sont dans la gestion… et la migration vers IPv6.

En France, les principaux fournisseurs d’accès à Internet (Orange, SFR et Bouygues Telecom) avaient affecté entre 93 et 98 % des adresses IPv4 qu’ils possèdent, selon des données de fin juin 2021, et relayées par le régulateur des télécoms. Free est sans doute aussi dans ces eaux-là, même si l’opérateur n’avait pas communiqué à l’époque sur sa situation.

Quel est le principal atout d’IPv6 ?

De générer une quasi-infinité d’adresses pour Internet. « Quasi », car il serait excessif de dire que le format IPv6 offre une infinité de combinaisons. Il y a quand même une limite. À notre échelle, le stock apparait inépuisable. On a prévu large cette fois. Très large. Assez pour placer 340 sextillions d’adresses en même temps.

Un sextillion correspond à un nombre qui s’écrit avec un 1 suivi de 37 zéros. Prenez un instant pour considérer cette phrase. En comparaison, on estime que l’Univers visible ne compte « que » 200 trilliards d’étoiles (le nombre 200 suivi de 21 zéros). On peine à imaginer que le scénario de l’épuisement de l’IPv6 puisse survenir un jour…

Il y a un autre moyen d’imaginer un procédé pour épuiser ce stock d’adresses et c’est l’encyclopédie Wikipédia qui explique la recette : il faudrait positionner sur chaque millimètre carré de la surface de la Terre pas moins de 667 millions de milliards d’appareils connectés. Vous avez bien lu. 667 millions de milliards. Sur chaque millimètre carré de la Terre. Vertigineux.

Ce trou noir avale l'équivalent de la Terre chaque seconde. // Source : Flickr/CC/Project Apollo Archive (photo recadrée)
La Terre n’a pas assez de place pour accueillir physiquement toutes les adresses IPv6. // Source : Project Apollo Archive

Un autre exemple marquant ? L’ICANN qui supervise les noms de domaine, a fait observer que l’orbite de la Terre autour du Soleil est assez vaste pour contenir 3 261 autres Terres. Or, pour utiliser toutes les adresses IPv6, il en faudrait… 21 587 961 064 546 ! C’est-à-dire, environ 21 500 milliards de Terres. Notre Galaxie, la Voie lactée, serait submergée (elle n’a « que » 400 milliards d’étoiles).

L’IPv6, finalisé en 1998, comprend d’autres évolutions, qui ont un écho plus particulier auprès des spécialistes du réseau. Dans son rapport 2021, le régulateur des télécoms mentionne des « fonctionnalités pouvant renforcer la sécurité par défaut et optimiser le routage », c’est-à-dire l’acheminement des données sur le net.

Les protocoles IPv4 et IPv6 peuvent-ils dialoguer ?

Les deux protocoles sont incompatibles, observe le régulateur des télécoms : « un équipement ne disposant que d’adresses IPv4 ne peut pas dialoguer avec un équipement ne disposant que d’adresses IPv6 ». Pour éviter de créer « deux Internet », la transition se fait en ajoutant IPv6 à côté d’IPv4, via une cohabitation temporaire, plutôt que de remplacer le second par le premier.

Cette transition est complexe, parce qu’Internet est complexe et qu’il y a beaucoup de parties prenantes et d’équipements : les FAI, les opérateurs de téléphonie mobile, les terminaux (smartphones, ordinateurs, tablettes, objets connectés), les équipementiers, les infrastructures DNS, les hébergeurs et les fournisseurs de contenus, les transitaires…

La cohabitation IPv4 et IPv6 est toujours une réalité sur Internet en 2022, alors même que cela presque vingt ans que le passage vers le nouveau protocole a débuté — l’Arcep fixe le top départ à 2003. Puis viendra le jour où l’IPv4 pourra entrer dans sa phase d’extinction, puisque tout le monde aura migré ou sera en ligne directement en IPv6.

Où en est la France avec IPv6 ?

Chaque année, l’Arcep produit un baromètre de la transition vers IPv6 en France. Dans son édition 2021, la situation apparaissait contrastée : dans certains cas, la migration est totale ou élevée (équipementiers, smartphones, ordinateurs, tablettes…). Dans d’autres, cela n’avance pratiquement pas (hébergeurs et fournisseurs de contenus). Pour les autres, c’est mitigé.

Il y a quand même des signaux que l’on peut juger réjouissants : en juin 2022, on apprenait que 50 % des accès à Internet en France proposent de l’IPv6 activé. En décembre, la France monte sur le podium des pays ayant le plus d’internautes en IPv6, derrière l’Inde et la Malaisie (le degré d’adoption IPv6 est établi à 58,27 % pour l’Hexagone).

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La France est aussi lancée dans une transition vers l’IPv6. // Source : James Rhodes

Dans son point d’étape de 2021, l’Arcep notait que la France a amélioré sa place dans le top des pays, avec un taux d’utilisation en hausse. Le régulateur ajoutait aussi que pas moins des deux tiers (62 %) des pages web les plus visitées (données sur le top 730 d’Alexa en France) sont accessibles en IPv6. En somme, la transition d’Internet vers IPv6 avance, du moins en France.

Si l’Arcep estimait, en novembre 2021, que « la transition est encore loin d’être suffisante », elle notait quand même des « progrès significatifs ». En tout cas, le ton apparaît aujourd’hui nettement moins alarmiste qu’il y a quelques années : « un retard de la majeure partie des acteurs », déclarait-elle en 2018. Il faut s’y mettre de « toute urgence », répétait-elle en 2019.

Le prochain rapport de l’état d’Internet en France est attendu début 2023.

Comment activer l’IPv6 ?

Selon votre fournisseur d’accès à Internet, vous n’avez pas nécessairement besoin d’activer quoi que ce soit : dans le cas de Free, la connectivité IPv6 est activée sur votre Freebox de façon automatique. Chez Orange, l’IPv6 est aussi fournie pour les clients ayant la Livebox Play, une Livebox 4 sur ligne ADSL (selon éligibilité), un accès VDSL ou Fibre, ou une Livebox 5 sur Fibre.

Pour SFR et Bouygues Telecom, cela demande quelques manipulations, en passant par les paramètres de sa box. Il n’est pas indispensable de modifier vous-même les paramètres — surtout si vous tâtonnez. Il vaut mieux attendre le plan de migration de votre FAI, même si celui-ci n’est pas rapide à mettre en œuvre. Idem du côté du mobile, même s’il existe des guides.

Selon des chiffres de juin 2021, le taux de clients activés en IPv6 chez Free est de plus de 99 %. Chez Orange, ce taux atteint 83 %. Bouygues suit en troisième place avec 44 % et SFR à 4,1 %. Selon les projections des opérateurs, Orange doit atteindre entre 90 et 100 % mi-2023 et Bouygues entre 70 à 80 %. Quant à SFR, il vise entre 20 et 30 %.


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