Pour la première fois, des astronomes ont découvert une micronova : des explosions d’étoiles un million de fois moins puissantes que les supernovae bien connues. Elles sont donc plus difficiles à détecter, mais pourraient être très nombreuses.

La supernova, c’est un peu le bouquet final pour une étoile. C’est le feu d’artifice qui se produit à la fin de la « vie » de celle-ci, lorsqu’il n’y a plus assez d’éléments pour produire la fusion nucléaire nécessaire. Tous les atomes sont alors éjectés dans une gigantesque onde de choc. Une décharge d’énergie telle que la lumière qui en résulte peut rester visible durant plusieurs mois.

Mais des chercheurs, qui ont scruté le ciel avec le Very Large Telescope au Chili, ont été témoins d’un autre phénomène ressemblant à celui-ci, mais en plus petit. Une explosion plus brève, plus modeste, plus insaisissable, qu’ils ont nommée micronova. « Ce que nous avons vu, raconte à Numerama le principal auteur de la découverte, Simone Scaringi, c’est une série d’explosions thermonucléaires à la surface d’une naine blanche. Le même phénomène que les supernovae, mais en plus petit. »

L’astronome de l’Université de Durham a publié ses résultats dans une étude parue dans Nature le 20 avril 2022. Il s’y intéresse à TV Columbae, un système binaire composé d’une naine blanche (une étoile « morte » dont il ne reste plus que le cœur) et d’un compagnon (certainement une étoile, mais pas identifié). Un système qui intrigue les chercheurs depuis des décennies, puisque de brusques émissions d’énergie s’y sont souvent déroulées, et demeuraient jusque-là inexpliquées. Simone Scaringi précise : « Ce qui se produit, c’est que la naine blanche accrète la masse venue de son compagnon, ce qui produit ces explosions. Mais ce n’est pas comme ça que ça se passe d’habitude ! »

De petites explosions localisées

Les naines blanches sont habituellement un petit peu plus tranquilles. Certaines émettent dans les rayons X, mais il est rare d’observer des variations de luminosité, encore moins des flashs trente fois plus lumineux que l’état normal de l’étoile. Ce qui peut se produire en revanche, c’est qu’une naine blanche attire suffisamment de matière de la part de son compagnon pour grossir. Et lorsqu’elle atteint une masse critique, elle s’effondre sur elle-même, provoquant une supernova de Type Ia, aussi appelée supernova thermonucléaire.

Supernova avec une naine blanche agglomérant de la matière. // Source : Via YouTube SciTech Daily ; NASA's Goddard Space Flight Center Conceptual Image Lab
Supernova avec une naine blanche agglomérant de la matière. // Source : Via YouTube SciTech Daily ; NASA’s Goddard Space Flight Center Conceptual Image Lab

Mais ce n’est pas ce qui arrive à TV Columbae. Elle accrète bien la matière de son compagnon, mais au lieu de continuer à cumuler de la masse jusqu’à dépasser la limite, elle produit de plus petites explosions à sa surface que l’équipe a donc surnommées « micronova ». « C’était une vraie surprise, reconnaît Simone Scaringi. Normalement, ce type d’explosions n’a pas lieu sur les naines blanches, et il nous a fallu toute une année pour comprendre de quoi il s’agissait. »

Ironiquement, des articles datant du début des années 1980 avaient déjà signalé ce type d’événements localisés sur les naines blanches, mais les explications sur les mécanismes en cours n’avaient pas survécu à l’épreuve du temps.

Mais pourquoi TV Columbae ne se consume pas entièrement ? D’après les auteurs, cela pourrait être dû à la fusion de l’hydrogène. Sur une supernova classique, l’hydrogène provient du compagnon, il est attiré jusqu’à la naine blanche, puis en arrivant sur la surface extrêmement chaude, les atomes s’excitent, fusionnent pour former de l’hélium, et explosent. Mais certaines naines blanches agissent différemment. La force de leur champ magnétique canalise l’hydrogène au niveau des pôles magnétiques, comme si les atomes passaient dans un entonnoir pour se rassembler à un seul point. Ainsi, ces zones sont les seules à être touchées par les explosions. Au lieu de se consumer totalement, l’étoile ne subit que quelques petits coups, des mini-explosions thermonucléaires.

3,5 milliards de Pyramides de Gizeh à chaque boum

Cela dit, l’explication peut jusque-là laisser penser que ces explosions sont quasiment inoffensives. Il faut se rappeler que tout cela se produit à la surface d’une étoile. Chacun de ces boums est tout de même suffisant pour réduire en poussière un astéroïde de taille moyenne. Dans son communiqué de presse, l’ESO (Observatoire européen austral) laisse entendre que le phénomène détruit à chaque fois l’équivalent de 3,5 milliards de Pyramides de Gizeh. Ce qui correspond plus ou moins à un millionième de la masse de la Terre. Libre à chacun ou à chacune de trouver une comparaison plus parlante.

Représentation du télescope TESS. // Source : NASA's Goddard Space Flight Center (image recadrée)
Représentation du télescope TESS. // Source : NASA’s Goddard Space Flight Center (image recadrée)

Ces explosions sont donc violentes, mais restent insignifiantes à l’échelle de l’Univers et ne durent que quelques heures. Elles révèlent des phénomènes jusque-là inconnus, mais restent difficilement observables. Heureusement, maintenant que les astronomes savent ce qu’il faut guetter exactement, ils ont plus de chance d’en être témoins. « Nous avons déjà trouvé des micronovae dans trois systèmes différents, s’enthousiasme Simone Scaringi. Et nous en avons un quatrième avec des explosions très similaires. C’est un défi, car tout cela apparaît et disparaît très vite, mais nous sommes confiants d’en trouver encore davantage. »

Pour cela, l’équipe peut compter sur le télescope TESS qui fait une veille d’une grande partie du ciel. Il faudra ensuite observer ces différents phénomènes sur plusieurs longueurs d’onde pour comprendre exactement comment fonctionne le processus.

Ces micronovae ne sont qu’une ligne de plus sur la liste des explosions stellaires, mais elles risquent d’être scrutées de près dans les années qui viennent.


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