Deux études différentes, publiées le même jour dans Nature, délivrent des avancées phénoménales dans la mesure du temps grâce à des horloges atomiques d’une impressionnante précision.

Les horloges atomiques sont déjà les meilleures au monde, mais celle qui est présentée par l’université du Wisconsin, ce 17 février 2022, atteint un « niveau de performance que personne n’a vu auparavant ». Sa performance Ne perdre qu’une seule seconde tous les 300 milliards d’années. Les résultats sont présentés dans une étude publiée par Nature.

Et une autre étude publiée le même jour mesure plus précisément que jamais la dilatation du temps. Avec ce duo de travaux, mesurer le temps grâce à la mécanique quantique fait un bon en avant. Ce sera très utile au niveau pratique.

Les horloges atomiques ou la précision du tic-tac

La spécificité des horloges atomiques repose sur une propriété fondamentale des atomes eux-mêmes. Imaginez les grandes horloges d’autrefois, qui ont un balancier en métal doré, battant sans cesse une même cadence. Les oscillations d’énergie des électrons qui entourent les atomes sont un peu comme ces balanciers, sauf que leur fréquence est pérenne et immuable, physiquement stable par nature. Ainsi, en mesurant la fréquence de ces oscillations, on obtient une mesure d’une extrême précision — sans comparaison aucune avec n’importe quel balancier ou mécanisme d’une horloge standard : elles perdent une seconde par tranche de millions d’années.

Cette impressionnante précision en fait des outils précieux pour la navigation spatiale — où une seconde de décalage peut envoyer votre sonde soit dans la bonne direction soit se crasher sur Jupiter (évitons, donc). La Nasa révélait récemment, en 2021, une étude sur son horloge atomique révolutionnaire : Deep Space Atomic Clock. En étant lancée dans l’espace, elle peut atteindre plus de 10 fois la stabilité des horloges atomiques actuelles utilisées dans les satellites GPS. Cette horloge ne dérive que de 26 picosecondes en une journée, soit des trillionièmes de seconde. 

Illustration de la Deep Space Atomic Clock. // Source : Nasa
Illustration de la Deep Space Atomic Clock. // Source : Nasa

Une seconde de perdue tous les 300 milliards d’années

Les horloges atomiques modernes mobilisent un réseau optique, un faisceau laser qui permet de mesurer la fréquence des oscillations d’énergie. Cela nécessite des lasers ultra performants. C’est là que le nouveau record établi par l’université du Wisconsin en 2022 peut surprendre : l’équipe de recherche ne disposait pas d’un laser particulièrement performant. Il est même assez « médiocre » par rapport à ceux utilisés dans les meilleures horloges atomiques.

Mais l’astuce n’est pas là. Les chercheurs ont construit une horloge multiplexe, c’est-à-dire une horloge faite de plusieurs horloges. Avec une seule horloge, ils ont remarqué le laser générait une excitation stable des électrons d’un groupe d’atomes pendant seulement un dixième de seconde. Mais en séparant le même nombre d’atomes en deux horloges atomiques dans une chambre à vide, la stabilisation commune a duré 26 secondes.

À quoi ressemble cette horloge atomique vue de l'extérieur. // Source : Shimon Kolkowitz / université du Wisconsin
À quoi ressemble cette horloge atomique vue de l’extérieur. // Source : Shimon Kolkowitz / université du Wisconsin

Il fallait ensuite mesurer la différence dans le « tic-tac » entre les deux horloges atomiques. En répétant l’expérience plus de 1 000 fois, ils ont fini par obtenir une mesure très précise de cette différence, qu’ils ont pu évaluer à une différence d’une seconde tous les 300 milliards d’années, soit « un record mondial pour deux horloges séparées dans l’espace ». Cette horloge atomique multiplexe atteint donc une extrême précision.

La dilatation du temps mesurée à l’échelle la plus infime

C’est un étonnant hasard, mais le même jour, toujours dans Nature, une autre équipe de recherche — de l’institut JILA (Joint Institute for Laboratory Astrophysics) cette fois-ci — a également publié des travaux qui repoussent plus loin la mesure du temps.

Dans sa théorie de la relativité, Einstein prédit la dilatation du temps : deux horloges séparées avanceront toujours à des vitesses différentes. C’est pour cette raison que les deux horloges atomiques de la précédente étude ont un décalage d’une seconde tous les 300 milliards d’années. Bien que ce décalage soit imperceptible à notre échelle, la dilatation est bel et bien là.

Mais dans l’étude publiée par JILA, les physiciens ont enregistré la dilatation du temps à l’échelle plus petite jamais observée jusqu’alors. Et qui dit « plus petite échelle » dit aussi « plus précise échelle ».

Aperçu de l'installation ayant permis cette mesure infime de la dilatation du temps. // Source : JILA
Aperçu de l’installation ayant permis cette mesure infime de la dilatation du temps. // Source : JILA

Dans ce travail de recherche, deux horloges atomiques extrêmement précises étaient séparées de 1 millimètre (la pointe d’un crayon à papier). Il faut imaginer une sorte d’empilement de crêpes, faite d’un nuage d’atomes, et les chercheurs ont mesuré la différence de fréquence entre le haut et le bas. Résultat, les états d’énergie des atomes étaient « si bien contrôlés » dans l’installation, qu’ils sont passés d’un niveau d’énergie à l’autre « à l’unisson pendant 37 secondes ». C’est un record de cohérence quantique, supérieur aux 26 secondes obtenues par l’autre équipe.

La vitesse du « tic-tac » entre le haut et le bas, donc entre les deux horloges, sur cette distance minime de 1 millimètre, représentait un décalage estimé à 0,0000000000000000001. C’est un décalage ridicule, mais un décalage malgré tout, qui permet donc d’observer que la dilatation du temps, prédite par la relativité d’Einstein, à l’échelle la plus fine jusqu’à présent.

De meilleures horloges atomiques offrent des perspectives pour la navigation, notamment spatiale — 1 seconde représente des centaines de milliers de kilomètres. Mais selon les auteurs, cela pourrait aussi servir de « microscope » pour observer « les liens minuscules entre la mécanique quantique et la gravité ». En clair, cela peut pousser plus loin les recherches sur la matière noire et les ondes gravitationnelles.

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