La fonte de la banquise avance à un tel rythme qu’en l’absence de réduction conséquente des gaz à effet de serre, l’écosystème marin de l’Arctique pourrait disparaître.

Le changement climatique menace de nombreuses espèces, à tel point que les activités humaines à l’origine de ce bouleversement sont à l’origine d’une sixième extinction de masse, en cours. L’enjeu est, en grande partie, celui de l’habitat : à mesure que l’environnement devient hostile, la biodiversité ne peut plus y vivre, et faute de temps suffisant pour s’adapter, l’espèce devient alors menacée.

Les ours polaires font partie des animaux les plus menacés. Car leur habitat est en train de fondre — littéralement. Il en va de même pour les phoques.

C’est ce que vient rappeler une étude publiée en septembre 2021 dans Earth’s Future, que l’équipe de recherche commente dans un article publié le 12 octobre 2021 sur le site de la Columbia Climate School. « Si la banquise habituellement présente toute l’année disparaît, des écosystèmes entiers dépendant de la glace s’effondreront, et quelque chose de nouveau commencera. »

Plus d’ours ni de phoques en 2100 en cas d’émissions élevées

Les scientifiques à l’origine de cette nouvelle étude ont porté leurs recherches sur une région spécifique d’un million de kilomètres de carré, mais pas n’importe laquelle : c’est dans cette zone, située au nord du Groenland et sur les côtes de l’archipel canadien, que la banquise est la plus épaisse et la plus résistante. Elle est d’ailleurs surnommée The Last Ice Area, car la plupart des projections climatiques montrent qu’il s’agit là du dernier endroit qui résistera. Sauf qu’il risque de fondre lui aussi, in fine, car il commence déjà à être atteint au long terme.

La zone concernée par la « Last Ice Area ». // Source :  NEWTON ET AL., EARTH’S FUTURE, 2021

La zone concernée par la « Last Ice Area ».

Source : NEWTON ET AL., EARTH’S FUTURE, 2021

Pour saisir le problème, il faut comprendre comment se forment les glaces. Chaque hiver, l’océan de l’Arctique gèle et, même si le climat terrestre continue de se réchauffer, cela devrait perdurer un minium. La banquise peut alors être épaisse de plusieurs mètres. L’été, la glace arctique fond. Advient alors une dérive transpolaire : les glaces restantes sont alors transportées par les courants et les vents du large de la Sibérie vers le Groenland et les côtes du Canada. À force, les glaces s’y accumulent, ce qui forme une couche épaisse, à l’origine de la Last Ice Area.

C’est sur cette dynamique, aussi parfaitement réglée qu’une montre, que repose la majeure partie de l’écosystème marin de ces zones. Mais le réchauffement planétaire génère des glaces toujours plus fines, qui, en plus, fondent davantage. Résultat, l’été, la fonte est accrue et la Last Ice Area s’en trouve atteinte, touchée à la fois par la fonte et moins nourrie par la dérive transpolaire car il y a moins à transporter.

Cette perturbation a un impact sur l’écosystème marin. Dans un scénario où les émissions de gaz à effet de serre restent élevées, dans leur dynamique actuelle donc, alors la projection de cette étude montre que les derniers îlots de banquises disponibles en été auront disparu d’ici 2100. Dans ce scénario, il n’y aura plus de banquise du tout lors de la saison estivale. La disparition de la banquise estivale signifie la disparition des écosystèmes dépendants, donc l’extinction des ours polaires et des phoques, privés trop longuement de tout habitat. « Cela ne veut pas dire que ce sera un environnement stérile et sans vie. De nouvelles choses vont émerger, mais il faudra peut-être un certain temps pour que de nouvelles créatures habitent les lieux. »

Une bonne nouvelle, toutefois : un scénario à faibles émissions de gaz à effet de serre permettrait de préserver l’écosystème. Une partie des populations animales concernées ne survivront pas, mais d’autres y arriveront. Et les chercheurs à l’origine de cette étude estiment que ce scénario est largement probable. Une réduction suffisante des gaz à effet de serre permettra à la glace de perdurer, ce qui peut suffire pour préserver l’écosystème.

L’équipe d’auteurs appelle également à la protection des zones menacées de la Last Ice Area, dans l’optique, justement, de conserver au moins ce qu’il faut. C’est déjà le cas pour le territoire inuit du Nunavut, dont la superficie de 320 000 km² est sous protection depuis 2019 et pour 5 ans, ce que le Canada entend prolonger. Mais les auteurs rappellent qu’il faut protéger bien d’autres zones, d’autant plus que l’océan Arctique abrite des réserves pétrolières et des gisements de minerais (nickel, cuivre…). Plus la glace fond l’été, plus la pression industrielle est forte sur la région. Or, cette industrie contribue justement à la fonte des glaces. Protéger la région, c’est aussi briser le cercle vicieux.

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