« Les polluants chimiques et les débris plastiques sont présents dans l’océan Arctique et peuvent être entraînés dans la banquise », rappelle d’emblée Crispin Halsall, chimiste spécialisée dans l’environnement. Avec dix autres scientifiques, elle est l’autrice d’une étude parue en juin 2021 dans Environmental Science & Technology et détaillée en juillet 2021 sur le site de Changing Artic Ocean, à l’origine de ce projet de recherche.
Cette étude s’intéresse à certains types de polluants en particulier : les substances per- et polyfluoroalkylées, appelées PFAS. Ils sont surnommés « produits chimiques éternels », et sur un plan plus formel, ils sont désignés comme polluants organiques persistants. Les molécules constituant ces substances forment une liaison carbone-fluor, l’une des plus solides de toute la chimie organique. Non seulement ils ne sont pas biodégradables, mais ils ont qui plus est une très longue durée de vie dans l’environnement.
Dans l’étude récemment publiée, l’équipe de recherche explique que ces produits « fuitent » de l’Arctique. Cela s’explique par un cercle vicieux environnemental.
Le cercle vicieux de la circulation des polluants
On retrouve les PFAS dans de nombreux produits du quotidien afin d’imperméabiliser ou ignifuger des objets ou aliments du quotidien. On les retrouve par exemple dans les emballages utilisés par les fast food, dans des peintures, dans certaines industries. La surexposition à ces polluants pour être nocive pour la santé, et cela concerne aussi bien les humains que les animaux.
Le problème, c’est bien que les PFAS ont tendance à fuiter abondamment dans l’environnement : par les eaux ou en se répandant dans l’atmosphère avant de retomber. Et le cercle vicieux commence déjà sur ce point, car c’est ainsi que des poissons ou des aliments peuvent y être exposés, avant d’être eux-mêmes consommés ensuite par des humains.
Mais un autre cercle vicieux a lieu, et il se joue dans l’Arctique. Les PFAS qui se retrouvent dans les eaux ont tendance à se concentrer dans cette région, probablement en raison d’une circulation verticale de ces produits dans l’océan. Et puisque les PFAS peuvent aussi être dans l’atmosphère, les chutes de neige semblent également faire retomber ces substances sur la banquise arctique.
Les travaux publiés en 2021 et pilotés par Crispin Halsall montrent que la concentration augmente à mesure que la salinité de l’eau s’accroît. Sauf que le changement climatique implique le réchauffement de la planète, ce qui a un impact sur les cycles de gel et de dégel de la banquise, et cette perturbation provoque des poches particulièrement salées. En effet, avec le réchauffement, il y a davantage de « jeune neige », qui contient davantage de saumure (sel) mobile. La « nature changeante de la banquise », avec des « périodes de dégel plus précoces et plus irrégulières », provoque donc des zones très concentrées en sel et en polluants, qui sont abondamment libérés lors de la fonte.
Cela pose d’abord un problème local et immédiat. Ces fameuses poches libèrent leur saumure, qui contient des nutriments qui nourrissent de nombreuses espèces à la toute base de la chaîne alimentaire marine de la région. Mais ces nutriments viennent donc dorénavant avec les polluants également libérés, qui s’y sont bien davantage concentrés. Les organismes à la base de la chaîne consomment donc les PFAS, avant d’être eux-mêmes consommés par d’autres espèces, et ainsi de suite.
À mesure que l’impact environnemental des PFAS se précise, le besoin d’une régulation plus sévère sur ces polluants apparaît de plus en plus urgent.
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