Il y a quelque 66 millions d’années, l’extinction Crétacé-Paléogène (dite Extinction K-Pg) a signé la disparition des dinosaures. Les fossiles de dinosaures non aviaires (ne provenant pas d’oiseaux) datent d’avant cette frontière géologique temporelle. Pour expliquer cet événement brutal, les travaux scientifiques évoquent l’activité volcanique, mais aussi l’impact d’un astéroïde de très grande taille.
L’impact ayant très probablement joué le plus grand rôle est celui de Chicxulub, dont l’astroblème — traces laissées lors du choc — est situé dans l’actuel Mexique. Ce cratère permet justement de dater l’impact il y a 66 millions d’années. L’astéroïde mesurait environ 180 kilomètres de diamètre, ce qui est susceptible de provoquer un impact des milliards de fois plus puissant que la bombe d’Hiroshima. Mais il n’est pas impossible que d’autres impacts comme celui-ci aient contribué à l’extinction de masse. Le cratère d’impact de Boltysh appartient à cette hypothèse.
Initialement, ce cratère situé en Ukraine avait été daté dans les années 2000 à la même période que Chicxulub, c’est-à-dire il y a 66 millions d’années environ. À cette datation initiale s’ajoute une taille relativement massive de 24 km. Ces éléments laissaient à penser que l’impact de Boltysh aurait eu un effet de synergie avec Chicxulub, les deux contribuant ensemble à l’extinction de masse des dinosaures.
Cette théorie du double impact vient cependant d’être fortement remise en question par une étude parue dans Science Advances en juin 2021.
Le lien avec l’extinction de masse écarté
D’après les recherches menées par la géologue Annemarie Pickersgill et son équipe, Boltysh serait survenu au moins 650 000 ans après Chicxulub. Ce laps de temps est largement suffisant pour considérer que cet impact n’a finalement rien à voir avec l’extinction K-Pg. À cette date, les dinosaures avaient déjà disparu depuis longtemps. La Terre était en pleine phase de résilience, une nouvelle faune et une nouvelle flore se développant.
Le niveau de confiance en faveur de cette nouvelle datation est relativement élevé par rapport à l’ancienne évaluation. L’équipe de recherche a utilisé des techniques de datation radiométrique dites « argon-argon » bien plus avancées et sensibles que pour les précédentes estimations. Après avoir daté directement les roches issues de Boltysh, les géologues ont fait de même pour des roches issues de l’extinction K-Pg, permettant pour la première fois une approche comparative.
Comme le relève le New York Times, les auteurs d’une précédente étude qui datait ce cratère de l’époque de l’extinction de masse ont été consultés et — après avoir contrôlé les nouvelles données — ont pleinement admis la nouvelle datation et la réécriture du récit allant avec. Ils sont devenus, pour certains, les coauteurs de l’étude parue en juin 2021 dans Science Advances.
Une nouvelle hypothèse sur le rôle de Boltysh
Si ces travaux excluent le lien entre Boltysh et la disparition des dinosaures, ils n’évacuent pas le rôle de cet impact sur le climat et la biodiversité de la planète. Pour l’équipe de recherche, il est probable que cet impact ait eu un effet sur le processus de résilience de la planète après le cataclysme survenu il y a 66 millions d’années.
La nouvelle date établie par les géologues relie Boltysh avec un autre événement climatique important dans l’histoire de la Terre : la fin du volcanisme intensif des trapps du Deccan. À cette époque, la Terre se remet encore de l’extinction K-Pg et de l’impact de Chicxulub. Le volcanisme généralisé connait un dernier pic, d’importantes coulées générant des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère terrestre. Ce pic signe alors l’enclenchement d’un événement dit « hyperthermique », provoquant une période de réchauffement global.
Pour les auteurs de la nouvelle étude, il est possible qu’à ce moment où la Terre était déjà sous tension, l’impact de Boltysh ait provoqué un point de rupture générant ou accentuant l’événement hyperthermique. Cette nouvelle hypothèse quant au rôle de cet impact reste toutefois très théorique, car une simple corrélation des datations ne suffit pas à relier ces deux événements. Pour le prouver, les auteurs devront procéder à une nouvelle étude et à d’autres datations rocheuses.
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