De nouvelles découvertes sur Cérès montrent que la planète naine est constituée d’une source enfouie de saumure, peut-être un océan.

Dans notre système solaire, entre Mars et Jupiter, au cœur de la ceinture d’astéroïdes, il y a une planète naine : Cérès. Depuis sa première observation en 1801 jusqu’aux données d’observation récentes, il apparaissait que ce corps céleste d’un rayon de 476 km était un bloc de roche. L’écrivain de science-fiction Greg Egan avait même bâti toute une novella autour de cette caractéristique supposée de Cérès.

Depuis 2015, cette planète naine dont on sait encore bien peu de choses est toutefois scrutée par une sonde spatiale : Dawn. Celle-ci montre progressivement que Cérès est davantage qu’une petite boule rocheuse. La sonde a capturé des images en se plaçant à une vingtaine de kilomètres de l’atmosphère de la planète. L’analyse des images a donné lieu à une série de publications, dans la revue Nature (1, 2, 3), ce lundi 10 août 2020. L’une des conclusions de ces multiples études est que Cérès cacherait en son sein une sorte de « monde océanique ».

Pour comprendre cette potentielle découverte, il faut revenir en 2015. À l’époque, la sonde Dawn n’est pas encore arrivée à proximité de Cérès qu’elle envoie déjà des observations inédites aussi intéressantes que mystérieuses : des sortes de points brillants. Au début, les scientifiques pensent à de la glace, mais la façon dont la lumière brille ne confirme pas du tout cette hypothèse. Un an plus tard, les exobiologistes émettent enfin une théorie plus solide : ces points lumineux sont le résultat d’amas de carbonate de sodium, un minéral qui est une forme de sel.

Voici à quoi ressemblent les points brillants de Cérès, pris au loin par Dawn. // Source : Nasa

Voici à quoi ressemblent les points brillants de Cérès, pris au loin par Dawn.

Source : Nasa

Sur Terre, le carbonate de sodium apparaît entre autres dans les fonds marins. On imagine alors que c’est le résidu d’une ancienne présence d’eau, comme un reliquat de l’activité ancienne de la planète. L’idée n’était pas celle d’une activité géologique récente ou en cours de la planète. Cela dit, les observations commençaient tout de même déjà à montrer que Cérès est peut-être plus chaude que ce qu’on pensait en son sein — un détail important.

La trouvaille d’un minéral rare

Ce qui a changé depuis ces dernières avancées : Dawn est entrée dans la phase finale de sa mission, voyageant plus proche que jamais de Cérès. Ses instruments se sont alors pointés vers le cratère Occator, là où se situent de nombreuses tâches claires, ces fameux points brillants remplis de carbonate de sodium.

Les scientifiques ont découvert que les minéraux sont assez jeunes, et qu’ils ne peuvent donc pas être le reliquat d’un passé lointain : ils sont le résultat d’un phénomène récent, et ils proviennent d’une source enfouie de saumure (solution aqueuse faite de sel). Les observations ont mené à la découverte d’un minéral rare qu’est l’hydrohalite. Cette trouvaille est cruciale, car ce minéral se déshydrate en quelques centaines d’années. Il a besoin d’humidité pour perdurer. Pour qu’il soit encore présent, il faut donc que sa source soit très récente.

Le faisceau d’indices est donc scientifiquement fort : entre la chaleur interne de la planète, la présence de « sels » et d’un minéral récent qui ne survit pas longtemps sans humidité, tout indique la présence d’une source enfouie au fond de Cérès, et peut-être même une sorte d’océan. Au-delà de ce monde océanique que peut cacher la planète, ces découvertes montrent aussi et surtout que la planète naine et probablement encore active… et qu’il y a beaucoup à découvrir sur sa géologie — d’une vie microbienne extraterrestre à sa potentielle habitabilité, par exemple.

Envoyer un rover, ou d’autres types de sondes, est envisagé par la Nasa, et au regard de ces nouvelles données, cette perspective apparaît plus excitante que jamais.

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