La Voie lactée n’est pas un ensemble d’étoiles uniforme et isolé, elle s’est formée à la suite de fusions avec plusieurs galaxies plus petites qui ont fini par s’y dissoudre. Des chercheurs ont identifié les restes d’un de ces objets. Leur méthode pourrait apporter des renseignements sur l’histoire de notre galaxie.

Dans l’imaginaire collectif, et c’est vrai dans la plupart des cas, les étoiles sont nées dans la galaxie qu’elles occupent, elles ne font que tourner au sein du disque galactique comme le font les planètes autour de leur soleil. Seulement, tout n’est pas aussi simple et l’histoire des galaxies, dont la Voie lactée, est beaucoup plus agitée. Dans une étude publiée dans Nature Astronomy le 6 juillet 2020, une équipe d’astronomes américains vient de prouver l’existence d’une galaxie naine qui a percuté la nôtre, et dont les vestiges se trouvent encore aujourd’hui dans la région du Soleil.

Plus concrètement, nous parlons ici de quelque 200 étoiles, tout ce qui reste à première vue du passage de cette galaxie. Mais elles sont légèrement différentes des étoiles « natives » comme l’explique à Numerama Lina Necib, l’autrice principale de l’étude : « Ces étoiles tournent avec celles du disque de la galaxie, mais elles n’ont pas la même vitesse par rapport à leurs voisines, c’est comme cela que nous les avons repérées. » Il s’agit d’un courant d’étoile que la chercheuse du Walter Burke Institute en Californie a choisi de nommer Nyx, du nom de la déesse grecque de la nuit. « Il y a déjà beaucoup de dieux en astronomie, justifie-t-elle, donc je cherchais plutôt des noms de déesses ! »

Les étoiles viennent d’autres galaxies

Une collision entre deux galaxies n’est pas un phénomène extrêmement rare. C’est même ce type d’événement qui a en grande partie façonné notre Voie lactée. Le Sagittaire, par exemple, est considéré comme un des architectes capitaux, dont le passage à plusieurs reprises aurait permis la naissance de millions d’étoiles autour de nous, y compris du Soleil peut-être. Mais là où Nyx se distingue d’autres galaxies, c’est que la collision semble avoir été parallèle au disque galactique, c’est-à-dire que ses étoiles tournent avec le disque, ce qui le rend extrêmement difficile à repérer. « Si c’est confirmé, s’enthousiasme Lina Necib, ce serait la première preuve d’une collision parallèle. »

Mais pour arriver à cette découverte, il a fallu passer les étoiles à la loupe. Ce qui est heureusement possible avec les données collectées par Gaia. Le satellite de l’ESA est considéré comme le grand cartographe de la Voie lactée et il a scruté des millions d’étoiles pour dresser un tableau le plus fidèle possible de ce qui nous entoure.

Les scientifiques ont utilisé ces données pour séparer les étoiles qui avaient été ajoutées à la Voie lactée et celles qui étaient nées sur place. Pour arriver à cela, ils se sont servis du programme Ananke, un système de simulation de galaxies, et ont entraîné le programme à différencier les étoiles selon leur provenance en fonction de leur trajectoire ou de leur vitesse. C’est là que les auteurs ont réussi à isoler un peu plus de 200 étoiles qui allaient dans le même sens que les autres, mais légèrement plus lentement : environ 90 kilomètres par seconde de moins. Étape suivante, remonter le temps. Toujours grâce au simulateur, ils sont allés un petit milliard d’années en arrière pour voir comment se déplaçaient les étoiles de Nyx, et il est devenu évident que ses étoiles venaient d’ailleurs.

Prochaines étapes : spectroscopie et matière noire

À ce stade, tout porte à croire que Nyx est bien le vestige de la fusion d’une galaxie naine, mais il existe une autre possibilité. Ce pourrait être une perturbation du disque, due par exemple au passage du Sagittaire qui peut modifier la direction des étoiles. Certains indices laissent penser que ce n’est pas le cas, notamment la forme générale du courant, mais pour en être sûrs, les auteurs comptent utiliser les télescopes de Keck et de Magellan, qui ont l’avantage de pouvoir faire des analyses spectroscopiques. Une étape essentielle pour Lina Necib: « Ainsi, nous pourrons connaître la composition chimique des étoiles de Nyx, et établir une bonne fois pour toutes si elles sont bien venues d’une autre galaxie ou si elles ont juste été secouées dans leur orbite. » D’autres analyses pourraient donc avoir lieu. D’autant plus que les auteurs pensent avoir repéré un deuxième courant d’étoiles qui pourrait être lié à Nyx. Appelé Nyx-2, il pourrait s’agir des restes d’un deuxième passage de la même galaxie naine dans la Voie lactée. Les propriétés sont sensiblement les mêmes que celles des étoiles de Nyx.

D’autres recherches apportées par cette découverte concernent la matière noire. En effet, Lina Necib est avant tout une spécialiste de cette étrange matière omniprésente dans l’Univers mais toujours impossible à détecter formellement avec les outils actuels. Elle a publié de nombreux papiers sur sa distribution et sur les techniques pour la détecter. Actuellement, les effets théoriques de la matière noire sont visibles en regardant les mouvements des astres et des galaxies, puisque c’est son poids qui influe sur leurs déplacements. Il existe également des projets en cours sur Terre pour la détecter en cherchant des interactions de particules, mais sans succès clair pour l’instant, même si certains résultats récents (avec le détecteur de matière noire XENON1T) laissent penser que l’espoir est permis.

Illustris Collaboration

Illustris Collaboration

Quoi qu’il en soit, si Nyx est bien le reste d’une galaxie, cet ensemble d’étoiles est arrivé jusqu’à la Voie lactée avec sa matière noire, ce qui change quelques petites choses sur la distribution de ces particules à travers notre galaxie. Dans une autre étude parue l’année dernière, l’autrice reconstruisait déjà les propriétés de la matière noire issue de galaxies satellites. Avec Nyx, elle a à disposition un véritable laboratoire pour tester sa théorie autrement que par des simulations. Avec des études plus poussées, il devrait être possible de mieux comprendre comment la matière noire est répartie dans notre galaxie, et donc de pouvoir plus efficacement la détecter avec les expériences terrestres telles que XENON1T.

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