Comment naissent les étoiles de notre Galaxie ? D’après une étude, ce serait à la suite d’une collision entre la Voie Lactée et la galaxie du Sagittaire. Une collision qui s’est déjà produite à plusieurs reprises et qui à chaque fois a donné vie à de nouvelles étoiles.

Selon Carl Sagan, nous sommes tous de la poussière d’étoiles. D’accord, mais cette poussière, d’où vient-elle exactement ? Comment naissent les étoiles ? Pour faire court, il s’agit de grandes quantités de gaz qui se contracte, jusqu’à former une sorte de nuage qui ensuite détruit ses atomes dans une puissante explosion nucléaire. Le processus est un peu plus complexe que cela évidemment, mais cette courte explication mène à une autre question : est-ce qu’un événement peut provoquer ce phénomène ? Il se trouve que pour ce qui concerne les étoiles de notre Galaxie, la réponse est oui, et il s’agit même d’un phénomène très identifiable: une collision avec une autre galaxie. C’est ce qu’ont découvert des chercheurs qui publient leur résultat dans la revue Nature Astronomy.

Deux petits prérequis avant d’entrer dans le vif du sujet. Collision ne veut pas dire ici que des étoiles se rentrent dedans comme des voitures dans un carambolage. Il faut plutôt imaginer une approche entre deux ensembles d’étoiles, le tout provoque des déséquilibres gravitationnels que nous allons aborder en détail plus loin. Deuxième chose: non, notre Voie Lactée n’est pas isolée à des années-lumière de tout autre soleil, c’est un petit peu plus confus que ça. Elle fait partie d’un groupe appelé sous-groupe local dans lequel elle est considérée comme l’objet principal avec des satellites de plus petites tailles.

Et ce que ces chercheurs ont découvert, c’est qu’au cours de son histoire, la Voie Lactée est donc entrée en collision avec une galaxie satellite: le Sagittaire. En étudiant l’orbite de cette petite galaxie découverte en 1994, ils ont pu voir qu’elle était passée non loin de notre galaxie à trois reprises: il y a 5,7, 1,9 et 1 milliard d’années. Et il se trouve que ces dates correspondent à trois moments où le nombre d’étoiles produites par la Voie Lactée a explosé.

Un pavé dans la mare

Alors, que s’est-il passé exactement ? Le processus n’est pas très bien connu et il fait débat parmi la communauté scientifique. Mais plusieurs études ont montré que de telles fusions entre des galaxies pouvait accélérer la formation d’étoiles. Le gaz contenu dans la galaxie satellite est comme déchiré et happé par la galaxie hôte, et ainsi il est disponible en plus grande quantité et les étoiles ont davantage de possibilités pour naître. « Il faut imaginer la Voie Lactée comme étant dans un état d’équilibre, raconte Tomas Ruiz-Lara, l’auteur principal de l’étude de l’Institut d’Astrophysique des Canaries. Elle produit des étoiles à un rythme normal quand tout à coup, elle est dérangée dans son équilibre avec des changements de gravité et des zones qui deviennent particulièrement denses. Comme les ondes qui apparaissent sur un lac quand vous jetez une pierre dedans. »

Le phénomène est connu pour ce qui concerne les galaxies naissantes, y compris pour la Voie Lactée. C’est une des théories principales pour expliquer sa création ainsi que celle de nombreuses autres galaxies. Mais nous n’avons pour l’instant pas de preuve directe de ce même événement et de son influence sur des galaxies plus anciennes et déjà formées comme ce qui est décrit ici. C’est un processus qui a été théoriquement établi mais les observations d’un tel phénomène sont évidemment assez délicates à obtenir. Les auteurs restent donc prudents et espèrent obtenir plus tard davantage de données pour confirmer leur théorie.

Les passages de la galaxie naine du Sagittaire à travers la Voie lactée. // Source : ESA

Les passages de la galaxie naine du Sagittaire à travers la Voie lactée.

Source : ESA

Ce qui a intrigué les auteurs, ce sont d’abord ces pics de formation d’étoiles, mais aussi la structure finalement assez complexe de notre Galaxie, avec des sortes de courants d’étoiles qui laissent penser que quelque chose est bien passé par là.

En plus, les données montrent que le Sagittaire serait passé tout près de la Voie Lactée il y a tout juste une centaine de millions d’années et qu’il serait encore tout proche. Ce qui est cohérent là aussi avec un nouveau pic de formation d’étoiles trop récent pour être étudié et délimité convenablement.

Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’il y a bien une corrélation entre ces « impacts » et la formation d’étoiles qui a accéléré à trois reprises aux dates indiquées. « Cela ne signifie pas que toutes les étoiles de la Voie Lactée ont été conçues ainsi, précise Tomas Ruiz-Lara, ni même toutes les étoiles sur cette tranche d’âge. En revanche, oui certaines n’existeraient sans doute pas si ces collisions n’avaient pas eu lieu, et c’est peut-être le cas pour le Soleil. »

Le Sagittaire a peut-être créé le Soleil

En effet, notre Soleil est né il y a environ 4,8 milliards d’années, ce qui le place (avec les marges d’erreurs) non loin du premier impact entre la Voie Lactée et le Sagittaire. Devons-nous dire merci au Sagittaire pour avoir permis notre existence ? Pas sûr mais l’étude rend cela possible pour Tomas Ruiz-Lara. « L’idée que le Soleil soit né lors du premier impact est compatible avec nos calculs, mais nous n’avons aucune preuve, ce ne sont que des spéculations ! Il faudrait davantage de données pour le savoir. »

Et ces données, elles pourraient bien arriver. Pour réaliser cette étude, les auteurs se sont servis de Gaia, un satellite conçu par l’Agence spatiale européenne (ESA) dont le but est tout simplement de cartographier la Voie Lactée. « Gaia a révolutionné ce que nous savons de la Voie Lactée, insiste Tomas Ruiz-Lara, et va continuer dans ce sens. Nous allons continuer à nous en servir avec des données plus solides encore pour en savoir plus. » D’autres instruments sont prévus pour les années à venir, notamment 4MOST, un spectrographe destiné au télescope Vista au Chili qui va analyser de nombreux objets de notre Galaxie afin d’en découvrir l’origine. Il sera peut-être alors possible de dire exactement quel est l’apport du Sagittaire, mais aussi celui des autres galaxies satellites comme les nuages de Magellan qui sont beaucoup plus massifs.

En l’état des connaissances actuelles, au vu des pics observés, s’ils sont bien attribués au passage du Sagittaire, cela ferait de la galaxie-satellite le principal architecte de la Voie Lactée, selon l’étude. Mais un architecte qui n’est pas éternel puisqu’à chaque passage, il perdrait de la matière, dispersée par les forces gravitationnelles en jeu. Comme ce satellite est beaucoup plus petit que la Voie Lactée elle-même, il ne survivrait pas éternellement aux chocs. Une page de plus qui se tournerait dans l’histoire mouvementée de la Galaxie.

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