Dans une tribune, un ancien scientifique de la Nasa affirme que son expérience prouvait la présence de vie sur Mars. Si cette affirmation fait le buzz, elle n’apporte néanmoins aucune réponse factuelle : il peut avoir tort comme avoir raison.

Début octobre 2019, le scientifique de la Nasa Jim Green déclarait en grande pompe que, selon lui, nous sommes « proches » de découvrir de la vie sur Mars. Cette quête passionne les astronomes depuis plusieurs décennies. Des missions comme celle du futur rover ExoMars (Rosalind Franklin) sont dédiées à sa recherche. Dans ce contexte d’incertitude, un ancien scientifique de la Nasa a récemment apporté une déclaration étonnante : de la vie aurait été découverte sur Mars dès les années 1970. Vraiment ?

Le 10 octobre 2019, l’ancien scientifique de la Nasa Gilbert V. Levin a publié une tribune, dans Scientific American, titrée « Je suis convaincu qu’on a trouvé de la vie sur Mars dans les années 1970 ». Il tire cette affirmation de sa participation à Viking. Lancé en 1976 par la Nasa, ce programme a envoyé deux sondes sur Mars afin d’essayer d’y déceler de la vie dans son sol. Le résultat fut a priori négatif. Mais Levin n’est pas d’accord.

Vue d'artiste de l'atterrisseur des missions Viking. // Source : Nasa

Vue d'artiste de l'atterrisseur des missions Viking.

Source : Nasa

Des faux positifs ou de vrais résultats ?

Les sondes Viking ont conduit plusieurs expériences. Parmi elles, il y avait Labeled Release, pilotée par Levin. Le principe était d’imbiber les échantillons de sol martien avec des éléments nutritifs. S’il y avait de la vie, alors elle devrait être détectée par un relâchement de dioxyde de carbone, du fait d’une activité métabolique des microorganismes. D’après les analyses de Levin, à partir des deux sondes — donc dans deux lieux différents — les résultats de l’expérience sont positifs : des organismes auraient bien « respiré », signe ultime de vie. Mais les autres expériences du programme Viking ayant montré des résultats négatifs, ceux de Levin ont été considérés comme des faux positifs.

Depuis, le combat de Levin est de prouver que ses résultats étaient bel et bien positifs. Et il le réaffirme dans cette tribune : « En résumé, nous avons : des résultats positifs d’un test microbiologique largement utilisé ; des résultats positifs à partir de paramètres forts et variés ; la duplication des résultats sur les deux sites Viking ; et l’incapacité depuis 43 ans de toute expérience ou théorie à fournir une explication non biologique aux résultats. » À ses yeux, à partir du moment où il n’y a pas de preuve que la vie n’existe pas sur Mars, alors ses résultats positifs sont le seul témoin expérimental auquel se référer.

Un débat de longue date

Levin n’est pas le seul scientifique a estimer que les résultats de l’expérience Labeled Release devraient être repensés. En 2012, une équipe de chercheurs de l’Université de Californie du Sud avait ré-étudié les données de Viking à travers une analyse statistique. Ils concluaient avoir découvert un rythme circadien, c’est-à-dire un rythme veille-sommeil qui serait la preuve d’une vie biologique microbienne. Une autre étude plus ancienne, datant de 2010, expliquait que le sol martien contient perchlorate, un oxydant qui atteint les composants organiques quand ils sont chauffés. Raison pour laquelle, selon ces scientifiques, de nombreuses expériences n’ont pas pu détecter de signes de vie.

Photographie du paysage martien prise par Viking 1. // Source : NASA/JPL

Photographie du paysage martien prise par Viking 1.

Source : NASA/JPL

En parallèle, la Nasa s’est aussi penchée une nouvelle fois sur les expériences de Viking, en 2016, lors de la numérisation des données de la mission. Dans un article publié à cette époque, l’agence spatiale indique que « même si le débat continue », le consensus perdure : les résultats trouvés sur Mars sont un faux positif, à savoir une probable contamination venant d’éléments organiques apportés par Viking depuis la Terre. « Les données étaient soumises à controverse. Mais d’une certaine façon c’est ce qui nous a aidés à continuer les missions et les rovers vers Mars », déclarait l’analyste scientifique David Williams dans cet article.

Dans ce contexte, il est important de rappeler qu’aucune « vérité » n’est établie sur ce sujet, seulement un consensus et quelques points de vue divergents. La méthode scientifique implique que pour considérer un résultat comme factuel et admis, la théorie doit être vérifiée par un faisceau de faits expérimentaux suffisants et évalués par les pairs. Dans le cas de la vie sur Mars, nous manquons encore de liens entre théorie et pratique : les affirmations de Levin à partir de ses résultats doivent être validées ou non par encore bien d’autres expériences sur place. Les futures missions d’exploration, robotiques ou même peut-être habitées, auront donc un rôle fondamental, avant de tirer la moindre conclusion.


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