La première photo d’un trou noir a été immortalisé par un large réseau de télescopes. Mais un algorithme développé par la scientifique Katie Bouman a aussi été crucial pour reconstituer l’image.

Plus de 2 siècles après la découverte de la galaxie Messier 87, son trou noir M87* a enfin été observé directement. Grâce au projet de l’Event Horizon Telescope, la première image de cet objet céleste a été dévoilée le 10 avril 2019. Mais ce projet n’aurait pas vu le jour sans la contribution d’une étudiante diplômée, Katie Bouman.

Alors que l’image historique venait d’être dévoilée, la scientifique a publié une photo sur Facebook. La scène se passe il y a quelques mois. Katie Bouman découvre l’image du trou noir, en train d’être reconstituée grâce à l’algorithme CHIRP (« Continuous High-Résolution Image Reconstruction using Patch priors ») qu’elle a inventé.

Katie Bouman découvre la photo du trou noir. // Source : Katie Bouman via Facebook

Katie Bouman découvre la photo du trou noir.

Source : Katie Bouman via Facebook

Katie Bouman est spécialisée en imagerie. Elle a obtenu un diplôme de master en électrotechnique (l’étude des applications pratiques de l’électricité) au sein du MIT en 2017. Deux ans plus tard, elle s’apprête à devenir professeure adjointe dans le département d’informatique et de sciences mathématiques à Caltech.

Un algorithme développé en 2016

Pour Katie Bouman, cette aventure avec M87* a commencé il y a 3 ans. Le 6 juin 2016, le MIT annonce le développement d’un nouvel algorithme qui pourrait aider les astronomes à obtenir la première image d’un trou noir. Cette technologie est capable de rassembler les données recueillies par plusieurs radiotélescopes du monde entier, organisés en réseau sous le nom d’Event Horizon Telescope (EHT). Cet immense « télescope virtuel » doit au moins posséder un diamètre de 10 000 kilomètres pour pouvoir photographier le trou noir.

Coordonner les mesures prises par plusieurs observatoires sur la planète est la solution envisagée. Cela signifie qu’il faut ensuite tenter de créer, à partir des signaux reçus, une image cohérente. C’est cela qu’a accompli Katie Bouman avec son algorithme.

Katie Bouman. // Source : Caltech

Katie Bouman.

Source : Caltech

Cumulées, les mesures prises par ces différents télescopes représentent une quantité de données impressionnante. Après l’observation, qui a eu lieu en avril 2017, il a fallu transporter ces informations sur des disques durs — elles n’auraient pas pu être envoyées en ligne — pour qu’elles soient analysées. Lors de cette étape, l’algorithme de Katie Bouman a dû tenir compte de plusieurs aléas.

Comment obtenir des résultats fiables ?

L’EHT utilise le procédé de l’interférométrie à très longue base : il « combine les signaux détectés par des pairs de télescopes, de façon à ce que les signaux interfèrent les uns avec les autres », expliquait le MIT en 2016. Or, les différentes télescopes ne reçoivent pas forcément un signal en même temps. Par ailleurs, les ondes radio peuvent aussi être ralenties par l’atmosphère terrestre. Il fallait donc trouver une solution pour que ces éléments ne faussent pas les résultats de l’EHT et que l’image reste cohérente.

Katie Bouman a eu l’idée de tenir compte dans chaque mesure, des données de 3 télescopes (au lieu de 2) : ainsi, « les retards supplémentaires causés par le bruit atmosphérique s’annulent », a résumé le MIT. Grâce à cette trouvaille, les résultats sont plus précis.

« L’anneau est apparu si facilement »

L’algorithme développé par la chercheuse a ensuite servi à rétablir la continuité dans l’image obtenue. En juin dernier, Katie Bouman et son équipe ont attendu dans l’université de Harvard que la photographie se dévoile peu à peu sur l’ordinateur de la chercheuse. « L’anneau est apparu si facilement. C’était incroyable », a-t-elle confié à Time.

« Vous serez surpris d’apprendre que nous devrions voir notre première photo d’un trou noir dans quelques années », avait-elle professé en 2016 lors d’une conférence TED. La scientifique s’y souvenait qu’elle avait « commencé ce projet sans connaissance en astrophysique ». Cela ne l’a pas empêchée de jouer un rôle décisif dans le processus qui a permis d’obtenir la première image d’un trou noir.

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