La première image d’un trou noir doit être présentée le 10 avril 2019. Pour les professionnels et les amateurs d’astronomie, c’est un événement. Que peut nous apprendre cette photographie ?

Mise à jour : la première photo a été dévoilée. Même si les travaux d’Event Horizon Telescope ont longtemps porté sur Sagittarius A*, c’est le trou noir au centre de la galaxie Messier 87, également observée, qui a eu l’honneur d’être le sujet de cette première photo historique.

À quoi ressemble un trou noir ? La première photographie de cet objet céleste doit être dévoilée le 10 avril 2019, aux alentours de 15 heures (heure française). Outre les astronomes professionnels, le sujet passionne le grand public. Pourquoi ce cliché est-il attendu si impatiemment ?

Pour réaliser cet exploit, un vaste réseau d’observatoires et de télescopes terrestres est mobilisé : l’Event Horizon Telescope, ou « Télescope de l’horizon des événements ». Les observatoires qui en sont membres poursuivent un objectif : parvenir à « observer directement l’environnement immédiat d’un trou noir ». S’ils réussissent, le premier trou noir jamais photographié par l’humanité pourrait être « Sagittaire A* » (ou Sgr A*), une source d’ondes radio connue depuis 45 ans. Ce potentiel trou noir serait situé au centre de notre propre galaxie, la Voie lactée.

Le trou noir Sagittaire A. // Source : Wikimedia/CC/Serendipodous

Le trou noir Sagittaire A.

Source : Wikimedia/CC/Serendipodous

Que peut-nous apprendre cette photo ?

L’observation directe d’un trou noir serait une grande nouvelle pour les astronomes. Pour rappel, un trou noir est un endroit dans l’espace où le champ gravitationnel est si intense qu’aucun rayonnement ne peut en échapper. Puisque ces régions ne peuvent pas diffuser de lumière, le trou est dit « noir ».

Actuellement, les scientifiques ne peuvent observer que l’entourage des trous noirs. Ils n’ont pas encore vu ce qu’on appelle l’ « horizon des événements », c’est-à-dire la surface du trou noir (au sens géométrique). Une personne observant le trou noir depuis l’extérieur ne peut pas l’apercevoir car la lumière ne s’en échappe pas. Par contre, c’est la lumière située autour de cet horizon des événements que les astronautes voient à l’heure actuelle.

Une photographie d’un trou noir serait une opportunité rêvée d’étudier cette structure méconnue, au niveau du disque de l’objet. Il serait alors possible de mieux comprendre son champ gravitationnel et, à cette occasion, de tester la théorie de la relativité générale d’Einstein.

Que sait-on de Sagittaire A* ?

En décembre 1974, deux astronomes présentent une découverte dans The Astrophysical Journal : ils ont enregistré de « fortes émissions radio », qu’ils attribuent à une « structure unique » dans notre galaxie, dont ils n’arrivent pas à préciser la nature. Cet étonnant phénomène est désigné Sagittarius A* : ce nom rappelle la région dans laquelle il a été découvert, vers la constellation du Sagittaire. Quant à l’astérisque, elle fait référence à l’état excité des atomes (lorsque leur énergie est supérieure à celle de leur état fondamental, c’est-à-dire, leur niveau d’énergie le plus faible).

Les observations suivantes ont renforcé l’hypothèse que Sagittaire A* serait bien un trou noir. Il s’agirait plus précisément d’un trou noir super massif : il équivaut à au moins un million de masses solaires (dont une unité est la masse de notre propre étoile). C’est le cas de Sagittaire A*, qui ferait environ 4 millions de masses solaires.

Comment la photo a-t-elle été prise ?

Grâce à son vaste réseau d’observatoires sur la planète, l’Event Horizon Telescope a permis de créer un « télescope virtuel » dont le diamètre équivaut à celui de notre Terre. Du 5 au 14 avril 2017, ce télescope géant a observé Sagittaire A*. Il en a aussi profité pour étudier un autre trou noir potentiel, M87* (appartenant à la galaxie Messier 87). L’Event Horizon Telescope a utilisé le procédé de l’interférométrie à très longue base (VLBI), qui permet d’observer des sources lointaines d’ondes radio.

Les données recueillies lors de cette semaine et demi d’observation sont si lourdes qu’il a fallu des mois aux scientifiques pour les analyser. Elles ont été stockées et acheminées par avion vers l’observatoire Haystack (Massachusetts, États-Unis) et l’institut Max-Planck de radioastronomie (Bonn, Allemagne).

Le réseau formé par l'Event Horizon Telescope. // Source : Wikimedia/CC/ESO/O. Furtak

Le réseau formé par l'Event Horizon Telescope.

Source : Wikimedia/CC/ESO/O. Furtak

À quoi s’attendent les astronomes ?

La plupart des tentatives pour représenter un trou noir montrent un cercle entouré d’un anneau lumineux. En 2018, l’astrophysicien français Jean-Pierre Luminet a regroupé dans un article publié sur arXiv.org les différentes représentations que nous avons à l’heure actuelle de ce phénomène — incluant celle visible dans le film Interstellar. Il introduit cet inventaire en notant que l’horizon des événements de Sagittaire A* pourrait être « un disque parfaitement noir si le trou noir est statique […] ou un disque légèrement aplati s’il est en rotation ».

Les scientifiques auront peut-être affaire à une structure asymétrique. En 2016, une équipe d’astronomes a mis en évidence cette possibilité dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. Les scientifiques avaient alors évoqué deux pistes pour expliquer cette situation : la dispersion des radiations par la matière interstellaire (le gaz, les rayons et les poussières qui occupent l’espace entre les étoiles), ou un élément du trou noir lui-même.

La photographie dévoilée le 10 avril permettra peut-être de confirmer ces hypothèses ou de changer drastiquement notre vision des trous noirs. Il sera possible de suivre la conférence de presse, diffusée par la Commission européenne en direct, à 15 heures.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.