Alors que trois Chinois sont pour l’instant coincés dans l’espace, car leur capsule de retour pourrait présenter un risque de sécurité, des voix se sont élevées pour que SpaceX intervienne. Mais l’idée d’une mission de secours avec une Falcon 9 et un vaisseau Crew Dragon est vraiment très incertaine.

Dans le film Seul sur Mars de Ridley Scott, sorti en 2015, les États-Unis et la Chine sont amenés à coopérer pour résoudre une situation dramatique dans l’espace — malgré la rivalité stratégique évidente entre les deux puissances. Il fallait bien ça pour venir en aide à ce pauvre Matt Damon, coincé depuis des mois sur la planète rouge.

À l’époque, ce scénario de science-fiction avait même été perçu comme une sorte d’appel du pied pour un éventuel rapprochement entre Washington et Pékin. « Cela montre que nos homologues américains espèrent ardemment coopérer avec nous », commentait à l’époque Xu Dazhe, le directeur général de l’administration spatiale nationale chinoise.

Trois taïkonautes contraints de retarder leur retour sur Terre

Dix ans plus tard, cette coopération pourrait-elle se concrétiser pour régler la péripétie qui contrarie le retour sur Terre de la mission chinoise Shenzhou 20 ? Celle-ci devait quitter la station spatiale chinoise le 5 novembre, mais elle a finalement été étendue pour une durée indéterminée. En cause ? Une possible collision sur la capsule devant rapatrier trois taïkonautes.

En attendant une évaluation de la situation, les trois membres d’équipage (le commandant Shen Dong et les opérateurs Chen Zhongrui et Wang Jie) voient leur séjour se prolonger au-delà de ce qui était prévu. C’est alors, remarque le site The Register, que des voix se sont élevées pour évoquer une mission de sauvetage menée par SpaceX.

Source : CMSA
Les trois taïkonautes qui doivent désormais attendre avant de rentrer. // Source : CMSA

Après tout, SpaceX s’était déjà porté volontaire pour aller chercher les deux membres de la mission Boeing Crew Flight Test. Censés rester dans la Station spatiale internationale pour une semaine, les deux astronautes sont finalement rentrés après 283 jours d’attente, et une sacrée polémique, grâce à une capsule de SpaceX.

Une telle option serait-elle envisageable pour faire la navette entre la Terre et Tiangong, du nom de la station spatiale chinoise (et qui signifie Palais céleste) ? C’est en réalité hautement improbable, en raison des obstacles qui entravent la coopération sino-américaine en matière spatiale — et cela, depuis des décennies.

De nombreux obstacles à la coopération des deux pays

La barrière la plus manifeste est l’amendement Wolf, qui date de 2011 : la disposition interdit à la NASA d’utiliser ses fonds pour collaborer avec la Chine dans le cadre de programmes quelconques — sauf si le Congrès des États-Unis donne son accord. Même les scientifiques et ingénieurs financés par le gouvernement américain sont concernés.

Cet amendement est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la Chine ne participe pas à l’ISS. Le programme spatial chinois n’était certes, à l’époque, pas encore au niveau pour participer à la construction à la fin des années 90 et au début des années 2000. Mais depuis, malgré la montée en puissance de la Chine, l’amendement Wolf est arrivé.

Station spatiale internationale. // Source : NASA/Roscosmos (photo recadrée)
L’amendement Wolf a participé à tenir à l’écart la Chine de l’ISS. // Source : NASA/Roscosmos

Les documents de l’agence spatiale américaine montrent que les restrictions se répercutent aussi sur ses contractants et partenaires américains. On y lit notamment que « le contractant ne doit pas passer de contrat avec la Chine ou des entreprises chinoises […] ». Or, SpaceX est un interlocuteur majeur de la NASA, sur de très nombreux sujets.

Autre grande limite : la règlementation américaine dite ITAR, qui vise le trafic d’armes au niveau mondial. En l’espèce, elle touche aussi le domaine spatial et a pour effet d’interdire la vente ou la cession de nombreux composants à certains pays, dont la Chine. Et cela touche aussi des États tiers, si des pièces américaines sont en jeu.

Quelle compatibilité entre les équipements chinois et de SpaceX ?

Ces deux aspects constituent des contraintes très difficilement surmontables pour imaginer un quelconque secours de SpaceX. Par ailleurs, au-delà de ces considérations juridiques, il y a des défis techniques : comment utiliser une capsule Crew Dragon et une fusée Falcon 9 depuis des installations chinoises, qui n’ont pas été pensées et adaptées pour cela ?

Même à supposer que ces challenges puissent être surmontés dans un délai raisonnable, il n’est pas du tout certain que SpaceX souhaite transférer en Chine un lanceur et un vaisseau spatial, pour des raisons assez évidentes de protection de ses secrets industriels. Les risques d’espionnage risquent de tuer cette piste, vu la compétition stratégie en cours.

La capsule approchant de l'ISS, à l'arrvée de l'équipage Crew-2. // Source : Flickr/CC/Nasa Johnson
La capsule Crew Dragon. // Source : Flickr/CC/Nasa Johnson

Quant à l’option de faire partir la capsule Crew Dragon depuis le territoire des États-Unis, il y a deux problèmes.

Il faudrait d’abord régler l’incompatibilité de Tiangong avec le vaisseau spatial américain, en adaptant ce dernier pour qu’il puisse s’accrocher correctement au port d’amarrage. Sans parler de la nécessité que les deux engins puissent communiquer, que les manœuvres d’approche et de départ se fassent en sécurité, et ainsi de suite. Pas simple.

Il faudrait ensuite que Pékin accepte. Or la conquête spatiale étant aussi une affaire de fierté nationale, il n’est pas certain qu’une aide américaine — qui est de toute façon hautement hypothétique — soit acceptée. Tout comme on présume que Washington ou Moscou ne seraient pas très allants s’ils étaient eux-mêmes dans cette situation.

Et puis de toute façon, la Chine a une autre cartouche à tirer avant : faire partir précipitamment la mission Shenzhou 22 depuis la base de Jiuquan, dans le désert de Gobi, en Mongolie intérieure, pour rapatrier les trois Chinois. Cela, à supposer que la capsule Shenzhou 20 est bel et bien hors d’usage. On n’en est pas encore là.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+
Toute l'actu tech en un clien d'oeil

Toute l'actu tech en un clin d'œil

Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !


Tous nos articles sont aussi sur notre profil Google : suivez-nous pour ne rien manquer !